L’association Bloom a déposé un recours contre l’État français pour abus de pouvoir. Elle l’accuse de manquer de transparence concernant les subventions aux pêcheries. Ci-dessous sa campagne INTERPELLEZ VOS ÉLUS . Lire aussi Destruction des océans, sur-pêche, pêche électrique... avec Bloom mardi 20 novembre, La pêche industrielle exploite plus de la moitié de la surface des océans et Les mystérieux canyons sous-marins, trésors en péril.
Après quatre années de bataille infructueuse pour obtenir des données essentielles de subventions publiques accordées au secteur de la pêche, BLOOM a introduit hier un recours contre l’État pour excès de pouvoir. Depuis juin 2015, BLOOM réclame sans relâche les données complètes de subventions européennes allouées au secteur de la pêche en France. Un fichier a bien été communiqué à BLOOM mais très incomplet et d’une qualité déplorable le rendant inutilisable.
Après avoir épuisé tous les moyens non contentieux à sa disposition[1] et en l’absence de réponse de l’administration centrale du ministère de l’agriculture,[2] l’association BLOOM se voit contrainte de porter l’affaire en justice afin de briser le mur d’opacité qui interdit aux citoyens l’accès à ces informations cruciales concernant l’usage des fonds publics.
> Lire notre recours auprès du Tribunal administratif de Paris
Un enjeu de près de 500 millions d’euros
La demande porte sur les subventions allouées au secteur de la pêche en France entre 2007 et 2016 par le biais de l’instrument financier européen (le Fonds européen pour la pêche, FEP), soit au minimum 484 millions d’euros, représentant 9% de l’ensemble des fonds structurels accordés au niveau européen pour le secteur de la pêche.[3] Cela fait de la France le troisième bénéficiaire des fonds européens après l’Espagne (1,9 milliards €) et la Pologne (695 millions €). Ce chiffre ne correspond pas à l’ensemble des aides publiques versées au secteur de la pêche puisqu’il ne comprend pas les aides d’État,[4] les aides régionales et les aides indirectes, par exemple la détaxe gasoil.
Le secteur de la pêche est, avec les secteurs du transport maritime et aérien, l’un des plus exemptés de taxation sur les carburants en France puisqu’il jouit d’une double exonération de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et de la TVA.
Les subventions publiques : le nerf de la guerre pour protéger l’océan et les pêcheurs
Les subventions publiques ont été identifiées comme la principale cause de la surpêche mondiale. En favorisant la surcapacité chronique des flottes, les subventions perverses provoquent systématiquement la surexploitation des ressources. Aujourd’hui en Europe, seuls 12% des stocks de poissons sont exploités durablement [5] et les petits pêcheurs disparaissent inexorablement. En France, le nombre de marins a été divisé par deux en 30 ans. [6]
À l’instar de l’agriculture paysanne confrontée aux modèles intensifs, la pêche artisanale périclite face à la pêche industrielle. Charly Triballeau/AFP
> Lire notre dossier sur les subventions publiques : « BLOOM attaque l’État pour excès de pouvoir »
Sans transparence, pas de durabilité
Obtenir la transparence totale au sujet des subventions accordées à la pêche est la pierre angulaire d’une gestion saine des ressources publiques. C’est aussi la seule façon de transformer le secteur de la pêche pour faire de l’emploi une priorité. « Le gouvernement utilise toujours l’argument massue de l’emploi pour justifier des politiques publiques qui en réalité le détruisent depuis des décennies. Aujourd’hui, l’urgence est autant sociale qu’écologique : les pêcheurs artisans disparaissent aussi vite que les poissons » commente Claire Nouvian, fondatrice de l’association BLOOM.
« Si nous voulons sauver l’océan et les emplois, il faut savoir qui gagne combien au jackpot des subventions publiques » renchérit Valérie Le Brenne, chargée de mission chez BLOOM et doctorante à l’Université Paris I. « Or en l’état, impossible de faire un bilan précis des aides en France : l’administration se comporte en forteresse de protection des intérêts privés. Au pays de Descartes, il faut se battre pour avoir accès à la matière première permettant d’avoir un débat rationnel. Cette attitude ne peut qu’alimenter la défiance et jeter l’opprobre sur l’administration. C’est plus que regrettable. »
L’engagement de la France à éliminer les subventions nocives d’ici 2020
Le recours déposé par BLOOM auprès du Tribunal administratif doit être suivi par un échange contentieux au cours duquel la DPMA et BLOOM vont présenter leurs arguments. Une fois cette phase terminée, une audience se tiendra en présence d’un rapporteur public qui se prononcera sur la requête. BLOOM aura la possibilité de présenter ses observations. Le jugement – rendu par un ou plusieurs juges administratifs – sera prononcé deux à trois semaines plus tard. BLOOM espère que le Tribunal administratif se prononcera d’ici la fin de l’année 2019. Ce serait un premier pas fondamental pour que la France puisse respecter son engagement d’éliminer d’ici 2020 les subventions qui alimentent la surpêche, la surcapacité de pêche et la pêche illégale (ODD 14.6).
Contre la destruction de l’océan et la disparition des pêcheurs artisans INTERPELLEZ VOS ÉLUS Une campagne citoyenne de Bloom
Chers amis de BLOOM,
Pour la première fois, la Commission européenne nous a sollicités pour un rendez-vous sur la pêche électrique. Nous avions cessé de réclamer ces rendez-vous qui ne venaient jamais. Cette fois, c’est le Directeur général des Affaires Maritimes et de la Pêche, João Aguiar Machado, qui nous a contactés.
Nous avons été reçus hier, lundi 28 janvier, à la Commission européenne à Bruxelles pour un échange franc sur le dossier pêche électrique. ENFIN.
Ce rendez-vous est un signal très fort. Il indique que la Commission européenne veut terminer son mandat avec un aboutissement de la réforme du règlement sur les mesures techniques, une réforme entamée en 2009 mais pas encore aboutie !
Le principal point de blocage est la pêche électrique.
Grâce à votre soutien INCROYABLE, notre campagne a radicalement changé la donne par rapport à cette pratique destructrice. Nous voici donc au moment où il nous revient, avec les pêcheurs artisans, de fixer les lignes rouges à respecter dans un compromis de sortie.
Aujourd’hui, le compromis sur la table des négociateurs n’est pas le bon : la proposition est d’interdire la pêche électrique trois ans après l’adoption du règlement. Or les pêcheurs artisans du pourtour de la Mer du Nord auront fait faillite d’ici là. Trois ans est inacceptable.
Les industriels néerlandais ont joui de passe-droits, de soutiens politiques et financiers honteux depuis 2006. Désormais, tout l’effort des institutions européennes doit être tendu vers un seul objectif : réparer le mal et éviter la disparition des pêcheurs artisans !
Nous demandons aux institutions européennes de soutenir le compromis de Rosa D’Amato qui propose une interdiction de la pêche électrique au 31 juillet 2019.
Avec votre relais et les moyens que vous nous avez donnés, notre campagne contre la pêche électrique a fonctionné au-delà de tout espoir. Pour gagner dans cette dernière ligne droite avant la dissolution du Parlement européen en mai 2019, nous devons montrer que les citoyens sont mobilisés comme jamais.
C’est un moment de bascule historique : nous pouvons gagner ensemble, ce sera alors NOTRE victoire collective ! Mais nous savons aussi qu’en politique, tout peut capoter jusqu’au dernier instant.
Mobilisons-nous comme jamais contre cette méthode destructrice qui laisse exsangues les pêcheurs artisans et endommage irrémédiablement le milieu marin.
Faisons entendre aux décideurs publics que nous voulons la fin de la pêche électrique au 31 juillet 2019.
Pour agir, c'est très simple : sollicitez les décideurs et la Commission européenne sur cette plateforme par mail, sur Facebook et Twitter.
Ne lâchons RIEN jusqu’à la victoire ! INTERPELLEZ VOS ÉLUS
Tous les jours vous pouvez envoyer un mail différent, tweeter et faire un post Facebook si vous utilisez ces réseaux. Il vous suffit de vous inscrire dans le bandeau rose pour participer à une action par jour : 25 secondes de votre temps ! Nous vous envoyons un message différent chaque jour à faire parvenir à la cible que vous avez choisie.
Nous avons vraiment besoin de vous pour gagner !
Cette campagne a été financée par vous, citoyens et fondations, nous vous remercions de nous avoir soutenus et d'avoir permis que notre petite équipe dédiée : Laetitia, Mathieu, Frédéric, Sabine et Claire puisse la mener !
Merci de nous aider à donner un dernier coup de collier avant la victoire que nous espérons.
Bien à vous,
L'équipe de BLOOM
Notes et références
[1] A deux reprises, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) a donné raison à BLOOM sur la nature communicable des données demandées.
[2] La Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA).
[3] Ce chiffre correspond à la réalité des crédits consommés entre 2007 et mai 2015. Or, l’instrument financier a couru jusqu’en 2016, il est donc probable que le montant final soit plus important. Chiffres communiqués par la Commission européenne dans un rapport agrégeant les données jusqu’en mai 2015. Disponible ici : https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f0ab224d-f34c-11e6-8a35-01aa75ed71a1
[4] Les subventions européennes doivent être distinguées des aides qui sont distibuées par les Etats au niveau national, régional et local. Dans le rapport produit par la Cour des comptes sur les aides d’Etats au secteur de la pêche, les inspecteurs avaient qualifié de véritable “trou noir” les aides allouées par les collectivités territoriales.
[5] Selon les dernières estimations scientifiques, seulement 12% des stocks remplissent les objectifs de la Politique commune de la pêche. Froese, R. et al. 2018) Status and rebuilding of European fisheries. Marine Policy 93, 159-170.
[6] Le Floc’h Pascal, Les Pêches maritimes françaises. 1983-2013, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 33.
[7] Au travers des Objectifs de développement durable (ODD) adoptés lors de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2015, la France a pris l’engagement d’interdire les méthodes de pêche destructrices (ODD 14.4) ainsi que les subventions néfastes (ODD 14.6).
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