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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

3 mars 2023 5 03 /03 /mars /2023 16:26
Le Triangle de Gonesse après l'abandon d'Europacity

Bernard Loup, président du collectif du triangle de Gonesse, rencontré à une manifestation contre la réforme des retraites, nous donne des nouvelles de cette lutte qui dure depuis plus de 10 ans.

C’est en novembre 2019 que Madame Elisabeth BORNE, ministre de la Transition écologique a annoncé l’abandon du projet de centre commercial et de loisirs EuropaCity, sur le Triangle de Gonesse. Au lieu de prendre appui sur cette sage décision, pour réorienter l’avenir du Triangle de Gonesse vers la transition écologique et alimentaire, le gouvernement s’entête à vouloir urbaniser le Triangle de Gonesse. 

Sous la pression des quelques élu.es du Val d’Oise et de la Région Ile-de-France, opposé.es à l’abandon d’EuropaCity, le Premier Ministre, Jean CASTEX est venu à Gonesse en mai 2021 pour les rassurer, quelques semaines après le début du chantier de la ligne 17 Nord et de la gare Triangle de Gonesse du métro Grand Paris Express. Il s’est engagé à mener à son terme la ligne 17 Nord, jusqu’au village du Mesnil Amelot, au-delà de Roissy, principale annonce d’un Plan Val d’Oise comprenant des participations au financement de la rénovation d’hôpitaux, d’opérations de rénovation urbaine, de commissariat, d’une maison d’arrêt. 

Plus particulièrement sur la Triangle de Gonesse, il a annoncé une réduction de la ZAC Triangle de Gonesse de 300 ha à 110 ha, la construction d’une Cité scolaire internationale avec internat, la création d’Agoralim, annexe nord du Marché de Rungis qui innoverait avec de la production agricole de proximité et le développement des circuits courts et la délocalisation d’un service de l’Etat.

Avec ces annonces on est bien loin des 31 millions de visiteurs d’EuropaCity et des 40 000 emplois prétendus de la ZAC Triangle de Gonesse qui ont justifié la gare du Triangle de Gonesse en 2010. 

Aujourd’hui c’est une gare en plein champ. Aucun autre permis de construire est déposé. Agoralim devrait s’implanter à Goussainville, le service délocalisé de l’Etat n’est toujours pas désigné. La Cité scolaire avec internat, à proximité des pistes des aéroports de Roissy et du Bourget et de la stèle du crash du Concorde, sur le Triangle de Gonesse interdit à la construction de logement en raison des nuisances sonores jour et nuit, serait un mépris inadmissible des jeunes et des enseignant.es. Des terrains sont disponibles dans Sarcelles et Villiers-le-Bel.

De son côté, le Collectif pour le Triangle de Gonesse multiplie les actions pour mettre fin à ce gaspillage de l’argent public au détriment des besoins d’amélioration des transports du quotidien et des lignes existantes. 

Il est encore possible d’empêcher l’urbanisation du Triangle de Gonesse pour une agriculture nourricière

Signez la pétition en ligne : https://www.monmouvement.ong/p/sauvons-terres-gonesse-saclay

 

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30 mai 2021 7 30 /05 /mai /2021 16:17

S’il est des leçons à tirer de la grave crise  sociale et écologique que nous traversons, c’est  la nécessité de soutenir et faire connaître les associations d’entraide et d’insertion qui par leur travail contribuent à la réduction des déchets, restaurent le lien social tout en créant de l’emploi. La tribune du groupe Les Lilas Écologie, Infos Lilas, juin 2021.

Crédit image : Laboratoire Écologique ø Déchet

Crédit image : Laboratoire Écologique ø Déchet

Ainsi l’association Les biffins d’Amelior a été créée pour aider les biffins, en général mal considérés, à s’organiser et à être reconnus. La précarité a en effet poussé nombre de personnes dans cette activité de recyclage d’objets trouvés dans les poubelles.

Le laboratoire Ecologique Zéro Déchet (LÉØ) occupe les locaux désaffectés de l’Epfif  à Pantin depuis 2019 (et est actuellement menacé d’expulsion). Il sensibilise les habitants des quartiers populaires au zéro déchets : réemploi, réparation,  ateliers de couture, cuisine … aide aux personnes en grande précarité. C’est aussi un lieu d’accueil pour de nombreuses associations.

Née en 2014 l’entreprise solidaire Baluchon – À table citoyens est une structure d’insertion implantée à Romainville qui propose des plats cuisinés avec des produits frais et de saison préparés par des personnes éloignées de l’emploi. Cet accompagnement leur donne de meilleures chances de renouer avec l’emploi durable.

On peut saluer de telles initiatives et encourager leur essaimage car le territoire d’Est Ensemble avec son taux de pauvreté de 30% en a plus que jamais besoin.

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23 mars 2021 2 23 /03 /mars /2021 10:47

La catastrophe écologique n’est pas à venir, elle est déjà là. Nous ne nous résoudrons pas à la contempler, impuissant·e·s, isolé·e·s et enfermé·e·s chez nous. Nous avons besoin d'air, d'eau, de terre et d'espaces libérés. Parce que tout porte à croire que c’est maintenant ou jamais nous avons décidé de jeter nos forces dans la bataille. Par Collectif sur Terrestres le 10 mars 2021.                                             Un appel à signer sur lessoulevementsdelaterre@riseup.net avec un programme d'actions qui commence le 27 mars ! Lire aussi Une entente terrestre de l’action politique et Le Covid-19 - un cas vraiment admirable et douloureux de dépendance.

Appel des Soulèvements de la Terre

Nous sommes des habitant·es en lutte attaché·es à leur territoire. Nous avons vu débouler les aménageurs avec leurs mallettes bourrées de projets nuisibles. Nous nous sommes organisé·es pour défendre nos quartiers et nos villages, nos champs et nos forêts, nos bocages, nos rivières et nos espèces compagnes menacées. Des recours juridiques à l’action directe, nous avons arraché des victoires locales. Face aux bétonneurs, nos résistances partout se multiplient.

Nous sommes des jeunes révolté·es qui ont grandi avec la catastrophe écologique en fond d’écran et la précarité comme seul horizon. Nous sommes traversé·es par un désir croissant de déserter la vie qu’ils nous ont planifiée, d’aller construire des foyers d’autonomie à la campagne comme en ville. Sous état d’urgence permanent, nous avons lutté sans relâche contre la loi travail, les violences policières, le racisme, le sexisme et l’apocalypse climatique.

Nous sommes des paysan·nes. La France n’en compte presque plus. Avec ou sans label, nous sommes les dernier·es qui s’efforcent d’établir une relation de soin quotidien à la terre et au vivant pour nourrir nos semblables. Nous luttons tous les jours pour produire une nourriture saine à la fois financièrement accessible et garantissant une juste rémunération de notre travail.

Parce que tout porte à croire que c’est maintenant ou jamais, nous avons décidé d’agir ensemble.

Depuis longtemps, l’économie nous a séparé·es de la terre pour en faire un marché. Erreur fatale qui nous mène droit au désastre. La terre n’est pas du capital. C’est le vivant, le paysage et les saisons. C’est le monde que nous habitons en passe d’être englouti par la voracité extractiviste. Après avoir enclos et privatisé les communs, le marché capitaliste et ses institutions précipitent aujourd’hui le ravage de la biodiversité, le bouleversement climatique et l’atomisation sociale.

L’ère Covid a achevé de rendre l’atmosphère irrespirable. Entassé·es dans des métropoles chaque jour plus invivables, confiné·es dans une existence hors-sol et artificielle, un sentiment d’étouffement nous étreint. Le coronavirus relève de la dévastation écologique, de l’exploitation globale de la terre et du vivant. Il dévoile notre totale dépendance à l’économie mondialisée, révèle la fragilité de cette fausse abondance étalée dans les rayons des supermarchés. La gestion gouvernementale a pour conséquence de reconfigurer l’économie (télé-travail, dématérialisation…) tout en abolissant nos libertés fondamentales (loi sécurité globale, régime d’exception…).

Nous ne croyons pas dans une écologie à deux vitesses dans laquelle une minorité se targue de manger bio et de rouler en 4×4 hybride tandis que la majorité est contrainte de faire des jobs subis, de longs trajets quotidiens et de manger low-cost. Nous n’acceptons pas que les exploitants agricoles soient réduits au rang de sous-traitants sur-équipés et sur-endettés de l’industrie agroalimentaire. Nous ne nous résoudrons pas à contempler la fin du monde, impuissant·es, isolé·es et enfermé·es chez nous.

Nous avons besoin d’air, d’eau, de terre et d’espaces libérés pour explorer de nouvelles relations entre humains comme avec le reste du vivant.

Venu·es de toute la France, nous étions plus d’une centaine à nous retrouver à Notre-Dame-des-Landes le mois dernier. De sensibilités, de parcours et d’horizons très différents, un constat commun nous rassemble :

1 – La question foncière est à la croisée de la fin du monde et de la fin du mois, de la planète des écologistes et de la terre des paysans. Dans les dix ans à venir, la moitié des exploitant·es agricoles de France va partir à la retraite. Concrètement, près d’un tiers de la surface du territoire national va changer de main. C’est le moment ou jamais de se battre pour un accès populaire à la terre, pour restaurer partout les usages et les égards à même d’en prendre soin.

2 – Quoi qu’on puisse en penser ou en attendre, l’État laisse le champ libre au ravage marchand de la terre. Il organise le contournement des régulations foncières et environnementales qu’il a lui même instituées. En guise de verdissement publicitaire, Macron rebondit sur la proposition de la convention citoyenne sur le climat d’organiser un referendum pour “inscrire la défense de l’environnement dans la constitution”. Mais le même refuse d’interdire glyphosate et néonicotinoïdes. Le même s’apprête à bétonner à tour de bras en vue des JO de 2024. Il est grand temps d’établir un rapport de force pour faire redescendre l’écologie sur terre.

3 – Nos luttes comme nos alternatives sont absolument nécessaires mais, séparées les unes des autres, elles sont impuissantes. Syndicalisme paysan, mouvements citoyens, activismes écologiques, agitations autonomes, luttes locales contre des projets nuisibles, ne parviennent, seuls, à renverser la situation. Il est nécessaire d’unir nos forces pour impulser et inventer des résistances nouvelles, à la mesure du ravage auquel nous assistons stupéfait·es.

L’incertitude produite par la crise sanitaire ne doit pas nous empêcher de nous projeter et de nous organiser sur le long terme. Nous voulons faire advenir des soulèvements pour la défense de la terre comme bien commun. Nous voulons arracher des terres à l’exploitation capitaliste pour constituer des espaces libérés, propices à une multiplicité d’usages communs, de relations et d’attachements. Nous voulons défendre le monde vivant grâce à une agroécologie paysanne et solidaire, à la protection des milieux de vie et à une foresterie respectueuse.

Cela commence par trois gestes :

1- Pour faire cesser le ravage, nous appelons à enclencher le frein d’urgence,à concentrer nos forces pour cibler, bloquer et démanteler trois des industries toxiques qui dévorent la terre : celles du béton, des pesticides et des engrais de synthèse. Nous nous retrouverons en juin et à l’automne pour des grosses actions de blocage d’industrie.

2 – Remettre la terre entre nos mains et l’arracher des griffes des accapareurs exige que nous soyons chaque jour plus nombreux à remettre les mains dans la terre. Des centres urbains jusqu’aux confins des périphéries, nous appelons à des reprises de terres,par l’installation paysanne, le rachat en commun ou l’occupation. Nous nous retrouverons dès ce printemps pour des actions d’occupations de terres contre l’artificialisation.

3 – Pour restituer aux habitant·es et aux paysan·nes de chaque localité le pouvoir de décider de l’attribution, l’usage et la destination des terres, nous appelons à s’introduire en masse, chaises en main, dans les diverses institutions et lieux de pouvoir où se décide sans nous le devenir de la Terre. Nous ne pouvons laisser plus longtemps ce pouvoir entre les mains de la FNSEA et de l’agroindustrie, des aménageurs et des bétonneurs. Nous nous retrouverons à partir de la rentrée prochaine pour occuper ces lieux de décision.

La première saison des soulèvements de la Terre sera marquée par une première vague d’occupations de terres et de blocages contre le bétonnage : 27 mars aux Vaites à Besançon (jardins populaires vs extension urbaine), les 10 et 11 avril à Rennes à la Prévalaye (cultures collectives vs métropole), les 22 et 23 mai au Pertuis en Haute-Loire (paysans expropriés vs construction d’une déviation routière), les 19-20-21 juin à St-Colomban en Loire-Atlantique (défense du bocage menacé par les carrières de sable et le maraîchage industriel), au cours du printemps sur le plateau de Saclay dans l’Essonne (terres agricoles vs technopole), à partir du 29 juin (semaine d’actions de blocages d’envergure et simultanées ciblant l’industrie de la construction et du Grand Paris). Les 3-4 juillet, un grand rassemblement festif aura lieu pour célébrer la fin de la saison 1 sur des terres à défendre en Île-de-France.

La seconde saison des soulèvements de la Terre s’ouvrira en septembre par une marche populaire jusqu’aux portes du ministère de l’agriculture et de l’alimentation à Paris. Elle sera prolongée tout au long de l’automne et de l’hiver par des actions de réappropriation dans les institutions et des blocages des industries qui empoisonnent les terres.

Faire date. Agir ensemble au fil des saisons. Jeter toutes nos forces dans la bataille. Remuer ciel et terre. Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n’y a pas d’alternative. Rejoignez les soulèvements de la Terre.

Depuis la Zad de Notre-Dame-des-Landes, le Dimanche 24 janvier 2021.

Pour plus d’informations

Site web – lessoulevementsdelaterre.org
Mail – remuercieletterre@riseup.net
Brochure / Twitter / Facebook

Pour signer : lessoulevementsdelaterre@riseup.net.

Programme

Saison 1 – Printemps-été 2021 : faire barrage à l’artificialisation des terres

Au printemps, nous lancerons une suite d’actions contre l’artificialisation de terres agricoles et la destruction de milieux naturels par les métropoles et les industries empoisonnant les sols.

27 mars : Marche pour la défense des terres des Vaîtes (Besançon, Doubs)

Aux Vaîtes, à Besançon, 34 hectares riches en biodiversité sont menacés par un projet d’écoquartier porté par la ville de Besançon qui met ainsi en danger une multitude de jardins familiaux autogérés depuis des décennies, des zones humides, des espaces boisés, des terres maraîchères cultivées en bio… Les travaux ont été momentanément arrêtés grâce à des recours juridiques et à la mobilisation sur le terrain. Il s’agit de défendre le vivant : les espèces protégées ou non, les vieux arbres et la flore locale ; de dire aussi que les jardinièr·es populaires, les habitant·es qui vivent et se promènent dans ce quartier, ne sont pas des invisibles dont l’avis ne vaut rien. La lutte vise maintenant l’abandon ferme et définitif du projet et la restauration des espaces abîmés par les premiers chantiers. Le 27 mars, une manifestation partira du centre-ville vers ces terres toujours menacées pour y passer un après-midi fertile et festif.

10 et 11 avril : (Re)prises des terres à la Prévalaye (Rennes, Ille-et-Vilaine)

La Prévalaye est un secteur de 450 hectares peu urbanisé à l’ouest de la ville de Rennes, avec un paysage de bocage et une vocation agricole historique : une centaine d’hectares sont des terres cultivables, le reste comportant des surfaces boisées et des zones humides. La métropole, pour garder la main sur le foncier, refuse tout projet d’installation agricole durable au profit d’aménagements touristico-récréatifs ou de l’extension des infrastructures du Stade Rennais. Pour s’y opposer et redonner à la Prévalaye sa vocation nourricière et sauvage, les différents collectifs d’habitant-es, associations écologistes et paysan-nes organisent un week-end festif de manifestation et plantations les 10 et 11 avril prochain.

22 et 23 Mai : Face à la RN88, manifestation et semis pour la défense des terres du pays des Sucs (Haute-Loire)

Le projet de déviation de la RN88 en Haute-Loire (entre le Pertuis et Saint-Hostien) porté haut et fort par Laurent Wauquiez connaît depuis quelques mois une opposition grandissante. Ce tracé – qui représente actuellement le plus gros chantier routier de France – impacte 29 fermes en moyenne montagne, et plus de 140 hectares de terres (forêts, zones humides, prés, sources, haies). Une partie des voies sera encaissée dans le sol, ce qui conduira à extraire une quantité exorbitante de terre. Depuis janvier, les travaux de défrichement sont entamés, haies et arbres rasés, sans même respecter les mesures environnementales de l’arrêté préfectoral. Laurent Wauquiez attaque l’agriculture paysanne depuis son investiture à la région et il défend des projets qui impactent directement le foncier agricole : TGV Lyon-Turin, RN88, et anciennement A45. Le collectif “La lutte des sucs” appelle à être rejoint en nombre les 22 et 23 mai, pour semer sur des terres expropriées, les rendre aux paysan.nes impacté.es, et barrer la route à Laurent Wauquiez avant les régionales !

Du 19 au 21 juin: Camp de défense des terres à Saint-Colomban (sud de Nantes, Loire-Atlantique)

Les paysan.nes et habitant.es de Saint-Colomban font face à un projet d’extension sur des dizaines d’hectares des carrières de sable Lafarge et GSM utilisées par l’industrie du béton. Chaque sablière amène avec elle l’appétit vorace du maraîchage industriel qui détruit le bocage et le remplace par des mers de plastique. Chaque année les terres alentours s’assèchent un peu plus à mesure que carriers et maraîchers vident l’eau des nappes phréatiques pour les besoins de leurs exploitations.

Sur place, une bataille est engagée face aux industriels, aux pouvoirs publics, et au contournement programmé des règles locales censées empêcher l’agrandissement des sablières. Cette bataille va se jouer dans les prochains mois sur une commune déjà cernée par un projet de méthaniseur xxl et de plate-forme Amazon. Nous nous y retrouverons pour dresser un camp sur les terres à défendre et cultiver les soulèvements. Discussions, ateliers, manif, actions… rejoignez le camp de lutte de Saint-Colomban !

Au cours du printemps – Occupation sur le Plateau de Saclay (Île-de-France)

Du Triangle de Gonesse au Plateau de Saclay, les lignes 17 et 18 du métro du Grand Paris express – avec leurs projets de gares au milieu des champs – vont enclencher l’artificialisation des dernières terres agricoles aux portes de Paris, parmi les plus fertiles de France. Le projet du Grand Paris express s’inscrit dans une logique de métropolisation continue et de spécialisation des territoires, génératrice d’inégalités sociales et d’insécurité alimentaire. Les travaux commencent ! Il est grand temps de lancer un campement qui, au delà du plateau de Saclay, constituera un point de ralliement et d’ancrage des luttes pour la sauvegarde des terres et des réserves de biodiversité de toute l’Île-de-France. Venez semer et construire de jolies cabanes sur le plateau !

À partir du 29 juin – Semaine d’actions de blocages simultanées ciblant les industries de la construction et du Grand Paris

Le Grand Paris est depuis des dizaines d’années le point nodal de l’urbanisme galopant qui ravage ce qu’il reste du peu de terres agricoles en Île-de-France. Il est aussi une menace continue pour tous ceux vivant dans les premières couronnes de la capitale, qui voient leur territoire transformé par des projets toujours plus absurdes et nocifs. Des communes entières et des paysages risquent d’être bientôt défigurés pour justifier les 200 km de tunnel du Grand Paris Express. A partir du 29 juin, des actions de grande envergure vont cibler ce projet d’un autre temps et pointer les principaux responsables de l’artificialisation. Ces actions massives seront rejoignables.

3-4 juillet – Grand rassemblement festif pour célébrer la fin de la saison 1 sur des terres à défendre en Île-de-France

À venir…

Saison 2 – Automne 2021 : Agir face aux institutions et industries qui perpétuent l’accaparement des terres et l’empoisonnement des sols

La seconde saison des soulèvements de la Terre s’ouvrira en septembre par une marche populaire jusqu’aux portes du ministère de l’agriculture et de l’alimentation à Paris. Elle sera prolongée tout au long de l’automne et de l’hiver par des actions de réappropriation dans les institutions et des blocages des industries qui empoisonnent les terres.

A bientôt dans les rues et dans les champs !


Premiers signataires

ORGANISATIONS, COOPÉRATIVES, ASSOCIATIONS, GROUPES (ETC.) DU MONDE PAYSAN ET DE LA FORÊT

Adret Morvan (58,21,71,89), la Confédération Paysanne France, Conf’IDF, la coopérative bocagère (Notre Dame des Landes, 44), le collectif du Jardin des ronces (Nantes, 44), Collectif de Paysan-Forestier Longo Maï Treynas (07), le Collectif l’Îlot Vivant (Rennes 35), des terres pour Auber (Aubervilliers, 93), GAB44 (Groupement des Agriculteurs Biologistes 44), GAB (25/90), ISF Agrista (Ingénieur.es sans frontières groupe Agricultures et souveraineté alimentaire), l’association les Jardins des Vaîtes (25), l’association Abiosol, l’association Vigilanceogm21, les Lombrics Utopiques (44), l’Atelier Paysan, la classe BPREA 3 de l´Ecole du Breuil (75), le GFA citoyen Champs Libres, les ami·es de la Confédération Paysanne, La Maison Paysanne de l’Aude, MIRAMAP (mouvement inter-régional des AMAP), Mouvement des coopératives Longo Maï, Nature et Progrès, Pôle INPACT (Initiative pour une Agriculture Citoyenne et Territoriale), le RAF (le Réseau pour les Alternatives Forestières), SCIC Couveuse Coopérative Les Champs des Possibles, Sème ta ZAD (Notre Dame des Landes, 44), SOS forêt France.

FERMES

La Bête Rave (23), Baptiste Cousin (vigneron, 49), Bergerie La Pastorale (38), Domaine Les Déplaude de Tartaras (42), GAEC De Croix Perriere (69), GAEC de La Viry (42), GAEC Ty Menez (35), GAEC St Hubert (44), Estelle Cizeron paysanne, Jardins de Vauvenise (70), l’association Lâche tout (Plessé, 44), la ferme ciboulette (Savagna, 39), la ferme collective de l’âne arrosé (79), la ferme collective de la Tournerie (87), la ferme de l’Oseraie (76), la ferme de la Pommeraie (39), la ferme des pailles (Quilly, 44), la ferme du Bouffay (44), la ferme de Lachaud sur le plateau de millevaches (Creuse -23), la ferme du Limeur (44), la ferme Lou Vié Staou (38)la ferme du Moulin du Châtillon, la ferme des Trois Fontaines (69), la ferme du mouton noir (25), la ferme Duthilleul (70), la ferme en Cavale (ferme Paysanne et Pédagogique, 35), la ferme de la Quintilliere (69), la ferme le Miam (Larchant, 77), le collectif de Vispens (St Affrique, 12), le collectif des jardins de Marsaü (65), le jardin debout (34), le jardin des tille légumes (21), le jardin des maraîchers (21), les trois parcelles (45), Romain Balandier paysan dans les Vosges, Récoltes et Semailles, ferme maraîchère (95).

COLLECTIFS, ORGANISATIONS, GROUPES ETC.

Alternatiba ANV COP 21 Besancon, Amis de la Terre France, ARPENT (L’Association pour la Restauration et la Protection de l’Environnement Naturel du Tonnerrois), Assemblée des usages de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (44), ATTAC France, Attac Besançon, Baronnies en transition (26), CAPEN71 (Confédération des Associations de Protection de l’Environnement et de la Nature pour la Saône et Loire), COLL•E•C – Collectif d’Échanges Citoyens du Pays d’Aix, Collectif l’Îlot Vivant (Rennes 35), La coopérative de le Maison Commune de la décroissance (85), Coordination des oposant.e.s à l’A45, collectif Jaggernaut – Editions Crise et critiques, comité Pli (revue, éditions, désertion), Désobéissance ecolo Paris, Espace autogéré des Tanneries (21), l’association Sciences citoyennes, l’Union syndicale Solidaires 25, l’association Après la Révolution, l’Internationale des Savoirs pour Tous, la Brigade d’Intervention Champêtre (BIC) (Rennes, 35), la cagette des terres (44), La Commune de Chantenay (44), la Coopération Intégrale du Haut Berry CIBH (18), la Foncière Antidote, le groupe “Ecologie sociale Liège”, Les jardins de l’Engrenage (21), la librairie-café Les Villes Invisibles (Clisson, 44), Les faucheurs Volontaires (69/42), la lutte des sucs : le collectif contre la RN88 de Haute-Loire (43), la tendance Emancipation intersyndicale et pédagogique, la ZAD du Moulin (67), le Carrouège – café culturel (58), le Chaudron des alternatives (centre Alsace), le collectif artistique ZO PROD (Poitiers 86), le collectif bassines non merci de la Vienne (86) et des Deux-Sèvres, le collectif l’Antivol (37), le collectif la tête dans le sable (St Colomban, 44), le collectif Le Sabot (revue littériaire de sabotage), le collectif Or de Question, le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), le collectif SAGA (Nantes, 44), le GRAPE (Groupe de Recherche et d’Action sur la Production de l’Espace), Ledokiosque (Lons le Saunier, 39), les casse-noix (26, 38), les militant·es du Plateau de Saclay, Maiouri Nature Guyane, NDDL Poursuivre Ensemble, Quartier Libre des Lentillères (21), Reprises de Terres (collectif d’enquêtes), RER (Résistance Ecologiste Rennes), réseau RELIER (réseau d’expérimentation et de liaison des initiatives en espace rural), RISOMES (Réseau d’Initiatives Solidaires Mutuelles et Écologiques) (Malain, 21), Terrestres (revue d’écologie politique), UCL65 (l’union communiste libertaire 65), XR France, XR PEPPS, XR Poitiers, XR Besançon, Youth For Climate France, ZEA.

SOUTIENS

Alain Damasio (écrivain), Alain Jugnon (philosophe), Alessandro Pignocchi (auteur de BD), Alèssi Dell’Umbria (écrivain), Alexis Forestier (metteur en scène et musicien), Anselm Jappe (philosophe, auteur), Audrey Vernon (comédienne), Aurélie Trouvé (porte parole d’Attac), Baptiste Morizot (enseignant chercheur, écrivain), Baptiste Victor (enseignant bio/écologie, salarié paysan), Barbara Glowczewski (directrice de recherche au CNRS), Benjamin Fouché (auteur), Catherine Balteau (restauratrice de sculptures), Christiane Vollaire (philosophe), Christophe Bonneuil (historien, CNRS), Christophe Laurens (architecte), Claire Dupeux (étudiante), Corinne Morel Darleux (écrivaine), Damien Najean (architecte maçon), Didier Bergounhoux (documentariste), Dom Bouillet, Dominique Cerf (artiste), Dominique Gauzin-Müller (architecte-chercheur), Edith et Philippe Monvoisin, Emmanuelle Monnin, Emilie Hache (philosophe), Emmanuelle Rallu (retraitée), Eric Chapalain (educateur sportif / socio-culturel), Fabian Lévèque (doctorant), Fabrice Flipo, Fanny Ehl (designer militante), Franck Doyen (poète, 54), François Jarrige (historien), François Lotteau (médecin généraliste, 71), Françoise Guiol (comédienne, art thérapeute), Frédéric Barbe (géographe, Nantes, 44), Frederic Brun (ancien inspecteur général de l’agriculture, fondateur de la revue écologie et politique), Frédéric Neyrat (philosophe), Gaëtan du Bus de Warnaffe (ingénieur forestier indépendant, docteur en sciences), Geneviève Azam (essayiste), Geneviève Martinet, Geneviève Nouhaud (habitante campagnale), Gilles Clément (paysagiste), Gilles Fumey (professeur de géographie culturelle), Guillaume Faburel (enseignant-chercheur en études urbaines, université Lyon 2), Guy et Anne-Marie Second, Isabelle Fremaux (art-activiste), Itto Mehdaoui (metteuse en scène et comedienne), Jacques Caplat (agronome et anthropologue), Jacob Rogozinski (philosophe), Jacques Delamarre (futur paysan), Jean-Baptiste Fressoz (historien), Jean-Louis Tornatore (anthropologue), Jean-Loup Amselle (anthropologue), Jean-Luc Nancy (philosophe), Jean-Marie Gleize (écrivain), Jérôme Baschet (historien), Jocelyne Porcher (chercheure INRAE), Johan Grzelczyk (écrivain), John Jordan (art-activiste), José Bové, Josep Rafanell i Orra (psychologue, écrivain), Julien Blaine (poète), Kristin Ross (historienne), Laëtitia Moreau (réalisatrice de documentaire), Laure Ferrand (sociologue), Laurence Petit-Jouvet (cinéaste), Laurent Cauwet (auteur, éditeur), Léo Coutellec (philosophe des sciences), Liliane Giraudon (poétesse), Malcom Ferdinand (chercheur CNRS), Marie Christine Bayol (entrepreneuse salariée des Champs des Possibles), Marie-Anaïs Taillandier (étudiante), Martin Paquot (rhaspode de la revue Topophile), Mathias Rollot (architecte), Mathilde Dumontet (doctoresse en études théâtrales), Mathilde Girault (docteure en études urbaines), Michel Surya (directeur de publication de la revue Lignes), Miguel Benasayag (philosophe), Mireille Perrier (actrice, metteur en scène), Nataska Roublov (artiste), Nathalie Quintane (écrivain), Nathalie Blanc (géographe), Nelo Magalhães (doctorant), Nicolas Zurstrassen (auteur), Olivier Dubuquoy (militant écologiste), Olivier Vinay (vétérinaire, technicien agricole, professeur agrégé), Oscarine Bosquet (écrivain, enseignante en école d’art), Patricia Pol (universitaire militante), Patrick Bouchain (architecte), Philippe Quandalle (mathématicien), Pierre Bitoun (sociologue), Raphael Pauschitz (rhaspode de la revue Topophile), Raphaël Lhomme (auteur), Ségolène Darly (géographe), Sidoine (clown), Zoé (81), Silvia Grünig Iribarren (architecte, urbaniste, professeure-chercheure), Sophie Wahnich (historienne), Thierry Grosjean (porte parole CAPEN71, membre de FNE BFC), Thierry Paquot (philosophe), Véronique Guislain (bénévole Terre de Liens), Yves Peutot, Patricia Lunven , André Fouchard (Agrobiologiste), Christian Prigent (écrivain), Georges Didi-Huberman (philosophe), Jean-Christophe Bailly (écrivain), Jean-Philippe Milet (professeur de philosophie), Maële Giard (géographe militante), Philippe Blanchon (écrivain), Philippe Cado (philosophe), Raphaël Lhomme (auteur), Véronique Weimann (paysanne à la retraite -23), Yves Dupeux (philosophe).

 

Appel des Soulèvements de la Terre
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11 mars 2021 4 11 /03 /mars /2021 17:14

La Convention citoyenne pour le climat fait la démonstration qu’impliquer des citoyens ordinaires sur des enjeux politiques complexes au niveau national est possible, observe Hélène Landemore, Professeure de sciences politiques. Tribune + propos publiés dans Le Monde en février-mars 2021. Lire aussi  Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat et L'Etat est jugé responsable de son inaction climatique.

Réunion de la Convention citoyenne pour le climat, le 8 février. KATRIN BAUMANN / CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT

Réunion de la Convention citoyenne pour le climat, le 8 février. KATRIN BAUMANN / CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT

La Convention Citoyenne sur le climat vient de terminer sa cinquième session, avec seulement deux rencontres supplémentaires avant de devoir rendre ses propositions au gouvernement début avril. Cette convention, qui rassemble 150 citoyens français tirés au sort depuis octobre 2019, réfléchit à la meilleure manière de réduire de 40 % (par rapport à leur niveau de 1990) les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici à 2030, le tout dans un esprit de justice sociale. S’il est encore trop tôt pour parler du contenu et de l’avenir de ces propositions, on peut poser d’autres questions : qu’a accompli cette convention jusqu’à présent et que représente-t-elle, plus largement, dans ce moment de crise de la démocratie que nous traversons ?

La première chose à dire, c’est que cette Convention citoyenne a déjà accompli une tâche historique. Elle fonctionne bien – dans son organisation logistique comme dans ses délibérations – et elle est visible, faisant l’objet d’une couverture médiatique importante en France et, de plus en plus, à l’étranger. Elle fait ainsi la démonstration empirique, symboliquement importante, qu’impliquer des citoyens ordinaires sur des enjeux politiques complexes au niveau national est possible, même dans un pays aussi grand et multiculturel que la France.

Jusqu’ici, les assemblées et processus délibératifs ayant bénéficié d’une visibilité similaire avaient été mis en place au niveau infranational (par exemple, en Colombie-Britannique et dans l’Ontario, au Canada), ou dans des pays considérés comme trop petits ou trop homogènes (l’Islande, l’Irlande) pour que leur exemple puisse être généralisé. Le « grand débat national » lui-même, que cette assemblée vient en un sens compléter, n’avait permis de vraies délibérations qu’au niveau local (notamment dans les 21 assemblées régionales tirées au sort).

Frémissements conceptuels

Cette convention marque donc une avancée importante pour la démocratie délibérative, à savoir l’ensemble des théories et pratiques qui placent au cœur de la légitimité démocratique l’échange raisonné entre citoyens libres et égaux. La convention citoyenne française est, à cet égard, un jalon sur le plan international. Elle a déjà suscité des ambitions accrues au Royaume-Uni, où a démarré, le 25 janvier, une assemblée citoyenne sur le climat (« UK citizen’s climate assembly »), et en Espagne, qui vient d’annoncer la tenue d’une convention sur le modèle français. Elle va sans doute, aussi, donner plus d’audace à ceux qui aimeraient passer à des échelles supérieures sur les enjeux climatiques ou autres, par exemple ceux de l’Union européenne et, pourquoi pas, de la planète.

Surtout, cette convention a le mérite de remettre à plat des questions de philosophie politique que nous croyions stabilisées depuis deux cents ans, mais que la crise des institutions représentatives et des corps intermédiaires (Parlement, partis, syndicats, etc.) nous force à rouvrir. Qu’est-ce que la représentation démocratique ? La légitimité et la responsabilité des représentants peuvent-elles venir d’autre chose que d’un mandat électoral ? Comment articuler les diverses formes de démocratie invoquées par les uns et les autres – démocratie délibérative, mais aussi « directe, » « participative » ou encore « citoyenne » d’un côté, et démocratie dite « représentative » de l’autre ?

A cet égard, les échanges publics qui ont eu lieu à la convention lors de la visite présidentielle du 10 janvier sont emblématiques de frémissements sémantiques et conceptuels intéressants, qui pourraient, à terme, aboutir à des reconfigurations institutionnelles ou même constitutionnelles. Quand Jocelyn, 16 ans, membre de la convention venu d’Alsace, demande au président : « Est-ce que vous pensez que l’avenir de la démocratie française se trouve dans une démocratie plus délibérative, à l’image de cette convention ? », il obtient une réponse conciliatrice : « En même temps qu’on invente la démocratie délibérative, il faut restaurer la démocratie représentative. »

Par démocratie « représentative », le président entend, comme beaucoup, démocratie « électorale », restreignant ainsi implicitement aux élus le statut de représentants du peuple français et le manteau de la légitimité politique. S’il envisage une place pour les citoyens tirés au sort, c’est en renfort aux élus (dont lui), non comme leur concurrence. Une autre réponse possible à la question de Jocelyn, plus radicale, aurait été d’admettre qu’inventer la démocratie délibérative demande de penser la représentation et la légitimité autrement, au-delà de l’élection et, donc, en partie en compétition avec elle. Dans les faits, la promesse de soumettre « sans filtre » certaines des propositions de la convention à référendum peut d’ailleurs se lire comme une mise en compétition avec le Parlement, ainsi contourné dans sa prérogative législative.

Un rôle de « haut-parleur »

Les membres de la convention n’hésitent pas, eux, à se voir comme des représentants d’un genre nouveau. Comme l’a dit Nicolas, 17 ans, autre lycéen de la convention venu d’Aix-en-Provence, en se présentant au président : « Je représente la jeunesse d’où je viens. » Il s’attribuait ainsi, précisait-il par la suite dans un entretien, un rôle de « haut-parleur » pour les jeunes, dont il essaie de dire « ce qu’ils pensent » et au nom desquels il essaie d’« agir ».

Interrogés sur leur rôle à la convention (par l’intermédiaire de questionnaires), les participants le décrivaient majoritairement, dès la fin de la première session, en des termes évoquant un rôle de représentant. Seule une minorité des répondants disait ne prendre la parole qu’en leur seul nom propre, plutôt qu’au nom d’eux-mêmes et de gens comme eux, au nom de causes qui leur sont chères, au nom d’autres groupes et intérêts particuliers, ou même au nom du public dans son ensemble.

Quid de la légitimité de cette assemblée tirée au sort ? Elle est conférée, légalement, par l’autorisation présidentielle. Les philosophes la chercheraient plutôt, d’un point de vue normatif, dans l’impartialité et l’égalité du sort, dans la représentativité descriptive du groupe, ou encore dans ses capacités délibératives. Certains parmi les 150 membres la voient comme étant « à construire ». Elle passe, pour eux, par un dialogue avec le reste de la société, d’où leurs efforts pour porter leurs travaux hors les murs, dans les médias comme dans des réunions locales, et leur invitation au grand public à contribuer à leur plate-forme en ligne. Elle pourrait requérir à terme une constitutionnalisation du principe du tirage au sort.

On peut ainsi voir la démocratie délibérative incarnée par les participants à la convention non pas comme une alternative à la démocratie représentative, mais comme une autre de ses modalités possibles. En tous les cas, il ne s’agit pas de démocratie « directe. » Le tirage au sort, comme l’élection, crée une médiation entre l’ensemble de la population et le sous-groupe sélectionné. Il ne s’agit guère non plus de démocratie « participative », puisque seulement 150 personnes sur 67 millions de Français sont impliquées dans l’expérience actuelle.

« Représentation lotocratique »

Je propose pour ma part de conceptualiser l’activité des 150 comme une forme de « représentation lotocratique » (ou représentation par le sort). La représentation lotocratique a le mérite, par rapport à la représentation électorale, de créer « une France de poche », pour reprendre la formule d’un participant, dont la ressemblance démographique avec la France réelle minimise le risque que ses délibérations ignorent la perspective de pans entiers de la population. Comme le président l’a admis avec une certaine candeur lors de sa rencontre avec les participants, faire cette Convention citoyenne sur le climat plus tôt lui aurait permis d’anticiper la révolte des « gilets jaunes » contre la taxe carbone. Peut-être n’est-il pas trop tard pour en envisager une autre sur la réforme des retraites ?

Mais si la délibération au sein d’un groupe suffisamment large de citoyens tirés au sort a des mérites que n’a pas la délibération entre élus, pourquoi ne pas envisager un transfert de pouvoir des représentants élus vers les représentants lotocratiques ou, tout au moins, une nouvelle distribution des rôles ? Certains ont proposé de créer une « chambre du futur », sur la base du tirage au sort, pour traiter spécifiquement de sujets environnementaux. On pourrait aussi envisager une « assemblée du peuple » ayant une autonomie législative propre sur l’ensemble ou une partie des sujets traités à l’heure actuelle par les Chambres élues. Elle pourrait soit venir en remplacement de l’une des Assemblées existantes (l’Assemblée nationale, le Sénat ou le Conseil économique, social et environnemental), soit s’articuler à elles d’une manière qui reste à déterminer.

Envisager de tels changements demande de conduire une analyse comparée des mérites respectifs de différentes formes de représentation démocratique. Cela implique aussi de penser une légitimité politique autre que celle conférée par l’élection, ainsi que la possibilité d’une responsabilité politique réalisée autrement que par la sanction électorale. La Convention citoyenne pour le climat, de ce point de vue, si elle était pérennisée institutionnellement, pourrait donc préfigurer une nouvelle forme de démocratie représentative, moins strictement électorale et plus accessible – plus « ouverte » – aux citoyens ordinaires.

Le 10 mars, Hélène Landemore ajoute :

Les notations finales des citoyens sont sévères pour le gouvernement et on peut le comprendre : face à l’urgence climatique, le but à atteindre est la diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Or le projet de loi sur le climat n'est pas à la hauteur, donc certains des membres de la convention ont voulu marquer leur désaccord.

Mais cet échec ne concerne qu’une partie des objectifs. Un autre enjeu de la convention était l’amélioration de la vie démocratique en France, et, de ce point de vue, le bilan est positif. Elle a fait la preuve que des citoyens tirés au sort, venus d’horizons variés, et représentatifs d’une grande partie de la société française, peuvent parvenir à un consensus, afin d’imaginer des solutions à un problème que les politiques ne parviennent pas à résoudre.

Les 150 citoyens ont rendu des propositions ambitieuses et permis aussi de médiatiser les enjeux climatiques : 70 % des Français disent aujourd’hui connaître ces propositions. Des parlementaires et ministres, qui levaient les yeux au ciel il y a un an, considèrent aujourd’hui la convention comme un acteur politique à part entière.

Par ailleurs, si l’on prend un peu de distance et que l’on se place dans une perspective internationale, cette première assemblée citoyenne dans un pays de grande taille à la population multiculturelle est une étape importante dans un mouvement plus global.

Une future assemblée citoyenne mondiale sur le climat se prépare, qui va rassembler 1 000 personnes tirées au sort sur les cinq continents. Elle va poursuivre ce travail en élaborant des recommandations en marge de la COP26 qui se déroulera à Glasgow en novembre 2021. L’idée des organisateurs, activistes et universitaires est de l’inscrire dans la durée et qu’elle devienne un autre pilier de la gouvernance mondiale, adossé aux COP, pour faire émerger des propositions plus démocratiques sur l’urgence climatique, indépendamment de la gouvernance officielle des États qui reste souvent oligarchique et opaque. De ce point de vue, la convention française est un cas d’école, dont il conviendra de tirer rapidement les leçons.

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3 mars 2021 3 03 /03 /mars /2021 09:26

Du 26 au 28 février, la session finale de La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a jugé sévèrement la « prise en compte » de ses propositions par le gouvernement. Le projet de loi climat autant que l’attitude déloyale du Président de la République ont été décriés. D’après AFP, Emilie Torgement pour Le Parisien et Gaspard d’Allens pour Reporterre, le 1er mars 2021. Lire aussi Cent-dix organisations de la société civile appellent à plus d'ambition pour la loi Climat et résilience, L'Etat est jugé responsable de son inaction climatiqueLa Convention Citoyenne pour le Climat passée du « sans filtre » aux cents filtres et Cinquante propositions de la convention citoyenne pour « porter l’espoir d’un nouveau modèle de société ».

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

Thierry Pech, coprésident de la gouvernance de cette expérience de démocratie participative
inédite en France, a conclue de sa voix douce le dernier jour de la dernière session. En tout, dix-sept mois d’investissement et lors de cette ultime rencontre — en visioconférence, Covid oblige — s’exprimait une déception généralisée. Leur ressentiment ne faisait plus aucun doute. Après des mois à subir, plus ou moins en silence, le sabotage de leurs propositions par le gouvernement, les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont enfin pu lui répondre. Lors de leur dernière et ultime session, du vendredi 26 février au dimanche 28, le sentiment de trahison était palpable, la colère débordante. Invités à se prononcer sur la manière dont le chef de l’État avait repris ou non leurs mesures, les citoyens lui ont envoyé un verdict aussi cinglant qu’une gifle.

Captation de la vision conférence de la Convention citoyenne pour le climat, le 28 février.

Captation de la vision conférence de la Convention citoyenne pour le climat, le 28 février.

Réunis en visioconférence pendant trois jours, les citoyens ont pris successivement la parole derrière leurs écrans respectifs. L’âpreté du dispositif numérique n’a pas atténué leur détermination. Dès vendredi matin, ils ont commencé à tirer à boulets rouges sur l’exécutif. « Nos mesures ont été transformées en mesurettes », s’est ainsi plainte Brigitte. « On est venu nous chercher pour faire un travail mais finalement, nos avis, ils n’en tiennent pas compte », a regretté Benoît. Thierry, lui, a dénoncé « une fumisterie », « le gouvernement nous a méprisés » . « On a été pigeonné », a ajouté Nicolas. « On s’est servi de nous comme d’un mouchoir de poche », a poursuivi Nadine.

Tous ont en ligne de mire le manque d’ambition du projet de loi Climat qui sera débattu à l’Assemblée nationale en mars. « Il y a tromperie sur le produit et je pèse mes mots », a déclaré Claude. « On est écœuré, c’est riquiqui ce qu’il contient par rapport à ce que l’on avait proposé », a enchaîné Yolande. « Il ne s’agit pas d’être pessimiste ou optimiste mais d’être réaliste », a continué Jean-Pierre. « Je constate le peu d’exigence du gouvernement envers lui-même. Il n’est pas à la hauteur de ses propres objectifs. Son projet de loi trompera sûrement une partie de la population mais il ne trompera pas le climat ».

Manifestation d'humeur des conventionnels le 28 février.

Manifestation d'humeur des conventionnels le 28 février.

Vendredi, les citoyens ont joué au « jeu des 146 différences » en comparant leurs propositions à celles, édulcorées, du gouvernement. Après un examen détaillé de plusieurs heures, ils ont pu constater que toutes les mesures significatives avaient été abandonnées ou revues à la baisse. « Le manque de loyauté » du président de la République a été pointé du doigt. Il avait pourtant promis de transmettre « sans filtre » les propositions des citoyens soit au Parlement soit par référendum.

« Notre travail a accouché d’une souris et on ne peut pas s’en contenter, a estimé Pierre. Tout retard pris sur nos engagements nous précipite vers l’emballement climatique et la fin de l’humanité. C’est criminel. Il n’y a pas de compromis possible ».

Les mesures du gouvernement permettront-elles de réduire de 40 % les émissions ? Note moyenne des réponses : 2,5 sur 10.

Les mesures du gouvernement permettront-elles de réduire de 40 % les émissions ? Note moyenne des réponses : 2,5 sur 10.

« Ce n’est pas une condamnation mais une demande de sursaut »

Dimanche, les citoyens étaient invités à une série de votes pour évaluer précisément comment les mesures de la Convention avaient été prises en compte par le gouvernement. Le scrutin s’est métamorphosé en un vote sanction. Sur les six grands thèmes « consommer », « se nourrir », « se loger », « se déplacer », « produire et travailler », « gouvernance », le gouvernement n’a jamais obtenu la moyenne. Ses notes ont tourné autour de 3/10.

La traduction des objectifs emblématiques de la Convention a été durement jugée : « Limiter les effets néfastes du transport aérien » a obtenu 2,8 de moyenne. Pour rappel, le gouvernement souhaite interdire les vols aériens si une alternative en train existe en moins de deux heures trente. La Convention proposait quatre heures.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

« L’introduction dans le droit d’un délit d’écocide », largement remanié (et atténué) par l’exécutif a obtenu une note de 2,7/10, la régulation de la publicité 2,6. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les autoroutes et les voies rapides 2,5. Dès juin dernier, Emmanuel Macron avait abandonné la proposition phare de la Convention qui voulait limiter la vitesse sur les autoroutes à 110 kilomètres/ heure.

Une vingtaine de citoyens ont systématiquement voté zéro. Ils y ont vu le dernier outil à leur disposition pour enjoindre les parlementaires et le gouvernement à être plus ambitieux. « Ce n’est pas une condamnation mais une demande de sursaut », considère Hubert. Il n’empêche qu’avec ces résultats, le gouvernement est renvoyé à l’image d’un cancre en matière d’écologie. « Il pourra toujours se rattraper à l’oral avec les amendements », s’est amusée Évelyne lors du débat. Après avoir infantilisé les Français tout au long de son quinquennat, Emmanuel Macron a été remis à sa place par de simples citoyens tirés au sort.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

« Pourquoi on laisse les gros industriels faire la loi ? »

À la question générale : « Quelle est votre appréciation de la prise en compte par le gouvernement des propositions de la Convention citoyenne ? », les citoyens ont encore une fois sorti le stylo rouge et donné une note moyenne de 3,3/10. À la seconde question qui se demandait si les décisions du gouvernement permettaient « de s’approcher de l’objectif de diminution d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 », les membres ont répondu plus sévèrement : 2,5/10 seulement.

Au cœur de leurs discours, les membres de la Convention ont aussi insisté sur le travail de sape des lobbies. Ils ont vécu, en accéléré, la violence de la Ve République gangrenée par les groupes d’intérêts. Ils se sont heurtés au plafond de verre de l’oligarchie et en ont fait l’amère expérience. « Le Medef et les cabinets d’audit nous ont planté un coup de poignard dans le dos », a jugé avec le recul Sylvain. « Pourquoi on laisse les gros industriels faire la loi ? s’est demandé Grégory. Moi je suis électricien. Si je fous le feu à votre maison, vous me virez, alors pourquoi on ne fait pas pareil ? C’est gens-là sont des criminels. Ils détruisent notre avenir à tous ».

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

Selon Samyr, la Convention citoyenne devait permettre une nouvelle approche. Mais sa conclusion en demi-teinte est « révélatrice de la crise démocratique ». « Le filtre de l’argent a triomphé », pour Murielle. « C’est un mauvais signal qui risque encore de nourrir la défiance vis-à-vis de la politique », s’est inquiété Mickaël.

À l’avenir, les Conventionnels souhaiteraient reproduire l’expérience mais voudraient que celle-ci soit mieux définie juridiquement pour éviter les déconvenues. D’ici là, ils vantent, tous, la métamorphose individuelle qu’ils ont vécue pendant ces dix-huit mois. « Une expérience riche qui change la vie » : « Je ne sais pas vous, mais moi maintenant je lis des projets de loi au petit déjeuner le dimanche matin », a raconté, souriante, Mélanie. Elle est aussi devenue maire de son petit village dans la Sarthe.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

La dernière session se finissant, les membres de la Convention ne semblent pas vouloir se quitter. « On est tous devenus des soldats en lutte contre le réchauffement climatique » a expliqué Pierre. Pour Claire, c’est déjà ça. « Aujourd’hui, il y a 150 Français en colère qui sont devenus militants pour le climat. Emmanuel Macron a fabriqué 150 citoyens qui ne vont pas voter pour lui en 2022 ».

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16 février 2021 2 16 /02 /février /2021 09:29

Grâce à l’Affaire du Siècle, la justice vient de reconnaître que l’État a commis une « faute » en ne respectant pas ses objectifs climatiques. Aujourd'hui plus de 100 organisations de tout horizon interpellent au sein d’une lettre ouverte le chef de l’État et les parlementaires pour revoir à la hausse l'ambition du projet de loi climat. Publié par le Réseau Action Climat le 8 février 2021. Lire aussi La Convention Citoyenne pour le Climat passée du « sans filtre » aux cents filtres.

Lettre ouverte à Emmanuel Macron et aux parlementaires sur le manque d’ambition du Projet de loi Climat et Résilience

Monsieur le Président de la République,

Vous avez initié une démarche innovante au travers de la Convention Citoyenne pour le Climat visant à associer les citoyens à l’évolution de la loi pour tenir nos engagements climatiques dans un esprit de justice sociale.

Alors que les propositions des citoyens devaient être retranscrites dans la loi, force est de constater que le compte n’y est pas. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi tiré de la Convention Citoyenne reconnaît ainsi que les mesures proposées ne permettront pas, en l’état, de tenir les objectifs de baisse d’émissions de 40 % à horizon 2030. Et ce, alors que cette cible est déjà en elle-même insuffisante compte tenu du nouvel objectif de -55 % adopté en décembre dernier à l’échelle de l’Europe.

Quant au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et au Conseil National de la Transition Écologique (CNTE), récemment consultés pour avis sur le projet de loi, leurs avis convergent. Ils s’inquiètent en effet tous deux de l’insuffisance des mesures prises pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de la faiblesse des dispositifs pour réduire les inégalités sociales. Le CESE indique ainsi que « les nombreuses mesures du projet de loi, en général pertinentes restent souvent limitées, différées ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine« .

Ce projet de loi cède en effet largement le pas à l’incitation et aux simples encouragements à changer de pratiques là où une intervention des pouvoirs publics est requise.

Les bénéfices attendus des mesures proposées par les 150 citoyennes et citoyens sont pourtant nombreux : moins de personnes vivant dans des passoires énergétiques, une pollution de l’air réduite, une alimentation plus saine et accessible à tous, une offre de mobilité moins émettrice et plus inclusive, davantage d’emplois dans les secteurs clés de la transition écologique, etc.

Monsieur le Président de la République, en amenuisant de la sorte l’ambition des mesures proposées par la Convention Citoyenne sur le Climat, vous privez notre pays d’un formidable potentiel de sortie « des » crises, climatique, sanitaire, économique et sociale.

L’Europe, et vous y avez contribué, a fait le choix d’ancrer son avenir sur un Pacte vert, et de se placer, via cette nouvelle feuille de route, en leader mondial de la transition énergétique. Mais ce « Green deal » n’a de sens que si les Etats membres, à commencer par la France, s’en saisissent pour ancrer sur leurs propres territoires un nouveau contrat écologique et social, qui ferait de la transition écologique la pierre angulaire de l’ensemble des politiques publiques, tout en veillant à ne laisser personne sur le bas-côté de cette transition. Le projet de loi tiré de la Convention Citoyenne sur le Climat devrait pleinement s’inscrire dans cet objectif et permettre d’orienter différemment notre économie et plus largement, notre société toute entière.

C’est pourquoi, alors que le débat parlementaire va débuter, nos organisations attendent de votre gouvernement et des représentants et représentantes de notre nation qu’ils redonnent vie à l’ambition initiale de ce projet de loi. Ne privez pas notre pays de ce nouveau souffle dont il a plus que jamais besoin.

Nous vous prions, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir agréer l’expression de notre plus haute considération.

Liste des signataires

ActionAid France – ADERA – ATD Quart Monde – ADVOCNAR (Association de Défense Contre Les Nuisances Aériennes) – Agir Pour l’Environnement – Ajena Energie et Environnement – ALISÉE (Association Ligérienne d’Information et de Sensibilisation à l’Énergie et à l’Environnement) – Alliance Soleil – Alofa Tuvalu – Alternatiba – Archipel Citoyen “Osons les Jours Heureux” – Amorce – AMPER 57 (Association Mosellane pour la Promotion des Énergies Renouvelables et de l’efficacité énergétique) – Association Bilan Carbone – APCC (Association des professionnels en Conseil Climat Énergie et Environnement) – Association la Voûte Nubienne (AVN) – Association négaWatt – Aspas – ATD Quart Monde – Attac France – Avenir Climatique – Brévenne : Gardons la ligne – Cantine sans plastique France – CARE France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CIWF France – CLER Réseau pour la transition énergétique – CliMates – Collectif conception numérique responsable – Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine (CCNAAT) – Collectif pour une Transition Citoyenne – Colibris – Comité Français pour la Solidarité Internationale (CFSI) – Confédération paysanne – CoopaWatt – Coordination SUD – Cyberacteurs – Déclic  –  ELISE Vendée – Emmaüs France – Enercoop – Energies & Castors – Energ’éthique 04 – Energie Partagée – Énergie Solidaire – Engagé·e·s et Déterminé·e·s (E&D) – Entrepreneurs du Monde (GREEN : Groupe  de Réflexion sur l’Ecologie et l’ENtrepreneuriat) – FAGE (Fédération des Associations Générales Etudiantes) – Fédération Artisans du Monde  – Fédération Française des Usagers de Bicyclette – Filière Paysanne – Fondation Abbé Pierre – Fondation Danielle Mitterrand – Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme – Forum Français de la Jeunesse (FFJ) – France Nature Environnement – Générations Futures – Graines d’écologie – Green INSA – GreenIT.fr – Greenlobby – Greenpeace – Gret – Hespul – Institut de Développement des Ressources Renouvelables du Tarn (IDRR) – Institut Veblen pour les réformes économiques – ISF Agrista (Ingénieurs Sans Frontières) – La Ruche de l’écologie (Monts du Lyonnais) – Le CRID – Le GERES – Les Amis d’Enercoop – Les Amis de la Terre France – Les Ateliers de la Bergerette  – Les Jeunes ambassadeurs pour le climat – Ligue nationale contre le cancer (LNCC) – Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) – Max Havelaar France – Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique (MABD) – Mouvement pour l’Economie Solidaire – Mouvement des Villes et Territoires en Transition – Mouvement Utopia – Notre Affaire à Tous – OnEstPrêt – O’ Watt Citoyen coopérative – Oxfam France – Pacte pour la Transition – Planète Urgence – Reclaim – Réseau Action Climat – Réseau consigne – REFEDD (Réseau Français Étudiant pour le Développement Durable) – Réseau Environnement Santé – Résilience – Renaissance Écologique – Résistance Climatique – Rester sur Terre (Stay Grounded) – SCIC Les 7 Vents – Coutances (50) – Secours Catholique Caritas France – Société nationale de protection de la nature (SNPN) – Soleil du midi – Solibri – SOL (Alternatives agroécologiques et solidaires) – Surfrider Foundation Europe – 350.org – TaCa (Agir pour le climat) – Terre & Humanisme – Transitions DD – Together for Earth (T4E) – UFC – Que Choisir – Union nationale des associations familiales (Unaf) – Union nationale de l’apiculture française (UNAF) – Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA) WECF (Women Engage for a Common Future) France – Zero Waste France – WWF France.

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3 février 2021 3 03 /02 /février /2021 10:46

La décision de #LAffaireDuSiecle vient d'être rendue mercredi 3 février : c'est une victoire historique et un très grand jour pour la justice climatique ! La justice reconnaît pour la première fois que l’État a commis une « faute » en se montrant incapable de tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. L’État est jugé responsable de son inaction climatique ! C’est grâce à vous, nous toutes et tous - Merci ! D'après Notre affaire à tous et Le Monde le 3 février 2021. Lire aussi La justice enjoint l'État de respecter ses engagements climatiques, L’Affaire du Siècle répond aux arguments de l’État et Les hommes ont conscience de transformer le climat bien avant la révolution industrielle.

« Une victoire historique pour le climat. » C’est peu dire que le jugement rendu mercredi 3 février par le tribunal administratif de Paris a donné satisfaction aux associations de défense de l’environnement et à leurs avocats. Deux ans après avoir recueilli plus de 2 millions de signatures en moins d’un mois – une mobilisation sans précédent en France –, pour dénoncer l’« inaction climatique » de l’État, « L’affaire du siècle » avait rendez-vous avec la justice. Les quatre ONG à l’origine de la pétition (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot) avaient déposé en mars 2019 un recours devant le tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’État.

A l’issue de ce « premier grand procès climatique en France » – comme l’avait qualifié la rapporteure publique dans ses conclusions lors de l’audience du 14 janvier –, la justice reconnaît pour la première fois que l’État a commis une « faute » en se montrant incapable de tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le tribunal a condamné l’État à verser un euro symbolique aux associations requérantes pour « le préjudice moral » résultant de « ses carences fautives dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique ».

Préjudice écologique

La France n’est en effet pas sur la bonne trajectoire. Dans son rapport annuel, publié en juillet 2020, le Haut Conseil pour le climat juge sévèrement la politique du gouvernement : « Les actions climatiques ne sont pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs. » Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 0,9 % entre 2018 et 2019, alors que le rythme devrait être d’une diminution annuelle de 1,5 %, et de 3,2 % à partir de 2025 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Et encore ces objectifs ont été revus depuis à la baisse par le gouvernement, contre l’avis du Haut Conseil.

Pour Clémentine Baldon, l’avocate de la Fondation Nicolas Hulot, le jugement du tribunal administratif de Paris est « révolutionnaire » à plus d’un titre : parce qu’il reconnaît la « responsabilité de l’Etat » dans la crise climatique, que son « inaction » sera désormais « illégale » et considérée comme la cause d’un « préjudice écologique ».

Dans un deuxième jugement, le tribunal pourrait ordonner au gouvernement de revoir sa copie pour réduire effectivement les émissions de gaz à effet de serre

Pour la première fois, le juge administratif a reconnu l’existence d’un préjudice écologique – caractérisé par une modification de la composition de l’atmosphère liée à un surplus d’émissions de gaz à effet de serre –, et le fait que l’Etat devait être regardé comme responsable d’une partie de ce préjudice dès lors qu’il n’avait pas respecté ses engagements en matière de réduction des émissions. Jusqu’à présent, seul le juge judiciaire avait reconnu ce préjudice – dans l’arrêt « Erika » –, qui a ensuite été consacré dans la loi biodiversité de 2016.

Mais le tribunal a rejeté la demande d’indemnisation financière de ce préjudice écologique, au motif que les associations requérantes n’ont pas démontré qu’il était impossible de le réparer en nature. Il a toutefois considéré qu’elles étaient fondées à demander la réparation en nature. Afin de déterminer les mesures devant être ordonnées à l’Etat pour réparer le préjudice causé ou prévenir son aggravation, les juges ont prononcé un supplément d’instruction, assorti d’un délai de deux mois. Dans un deuxième jugement, le tribunal pourrait ainsi ordonner au gouvernement de revoir sa copie pour réduire effectivement les émissions de gaz à effet de serre.

Dans le prolongement du Conseil d’État

La justice s’inscrit ici dans le prolongement de la décision, tout aussi inédite, rendue le 19 novembre 2020 par le Conseil d’Etat. Dans un autre recours visant l’inaction climatique de l’Etat, déposé cette fois par la ville de Grande-Synthe (Nord), la plus haute juridiction administrative a fixé un ultimatum à l’exécutif en lui donnant trois mois pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée ».

« Cette reconnaissance de l’obligation pour l’État de réparer le préjudice écologique est une avancée, estime Julien Bétaille, maître de conférences en droit public à l’université Toulouse-1 Capitole. Mais il faudra qu’elle soit confirmée, par une décision du Conseil d’État, et surtout appliquée, c’est-à-dire qu’un juge prononce une obligation de réparation. » A ce titre, le spécialiste du droit de l’environnement estime que les associations auraient dû proposer une « évaluation sérieuse » du préjudice écologique et non se contenter de demander sa réparation à hauteur de 1 euro, « sans décrire et évaluer précisément la substance de ce préjudice ».

La reconnaissance d’une faute de l’État ouvre-t-elle la voie à des actions en justice de victimes du dérèglement climatique ? « Oui, des individus pourraient demander la réparation de divers types de préjudices climatiques devant les tribunaux, répond Julien Bétaille. Mais attention, il faudrait calculer la contribution de l’État français à ce préjudice, l’insuffisance de son action n’étant pas la seule cause des changements climatiques. » Dans les dossiers de pollution de l’air, où la justice a aussi retenu la faute de l’État, les victimes n’ont jusqu’ici jamais obtenu réparation.

Cette pression exercée devant les tribunaux pourrait-elle, comme l’espèrent les ONG, modifier le rapport de force politique au moment où le projet de loi issu des propositions de la convention citoyenne pour le climat doit être présenté en conseil des ministres, le 10 février, avant d’être débattu au Parlement à partir de fin mars ? Ce texte n’est pas à la hauteur des objectifs climatiques de la France, selon le Conseil économique, social et environnemental et le Conseil national de la transition écologique.

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25 janvier 2021 1 25 /01 /janvier /2021 15:01

Les « conspirationnismes » – sans amalgamer doutes légitimes et affabulations organisées – méritent mieux que des disqualifications moralisatrices. Ils doivent être étudiés à la racine des crises sanitaire et politique qu’ils révèlent, et c’est là le regard que posent nos contributeurs sur ces dévoiements dogmatiques de l’esprit critique, mais aussi sur le risque de dépolitisation massive qu’ils représentent. Capitalisme planétaire insatiable, mensonges d’État : nul besoin de grands complots pour avoir du pain sur la planche. Par Livia Garrigue le 21 janvier 2021 pour le club Mediapart. Lire aussi La « privation de l’intime » selon Michaël FœsselNous avons compris notre existence comme un destin, puis comme une conquête, il va falloir trouver autre chose et « Nous nous sommes déjà habitués à vivre sans la liberté ».

"Médecin essayant d'inoculer le virus de la science à une obscurantiste." © USCDCP

"Médecin essayant d'inoculer le virus de la science à une obscurantiste." © USCDCP

« L’adhésion à la vaccination ne peut être créée par des mesures coercitives comme ces passeports. Elle se créée grâce la transparence autour des vaccins. » Accès aux contrats passés avec les industriels, aux subventions publiques attribuées et aux protocoles des laboratoires, à l’évolution des recherches… Dans le billet sur les « passeports vaccination » de Pauline Londeix, spécialiste des enjeux d’accès aux médicaments, les lacunes de la politique vaccinale du gouvernement apparaissent comme dans un miroir inversé. Ce qu’il faudrait faire, c’est écrit là ; pour vacciner efficacement sans doute, mais surtout pour gagner durablement la confiance d’une partie de la population rétive aux choix gouvernementaux louvoyants.

Clarté plutôt que coercition, démocratie et transparence plutôt qu’infantilisation et condescendance face aux doutes : c’est sous cet angle que les contributions du Club, ces dernières semaines, abordent les tâtonnements justifiés de la population dans une période bardée d’imprévisible, mais aussi l’enjeu du complotisme. Attention : par « complotisme », il ne s’agit pas d’amalgamer les doutes légitimes sur un tout nouveau vaccin ou sur les lacunes bien réelles de la politique sanitaire, à la manière d’une étiquette disqualificatrice, et des théories du complot plus fantasmagoriques, voire franchement fascisantes, avec leur corpus de certitudes et de dogmes. Face à des récits qui fabriquent du faux avec des petits morceaux de vrai, qui prétendent avoir le fin mot de l’histoire, relevant souvent d’une confusion entre croire et savoir, les réflexions recensées ici évitent les écueils de la glose sermonnante et infériorisante autour du conspirationnisme.

Brutale leçon de modestie

La pandémie de Covid-19, écrit Jérôme Latta dans une passionnante analyse sur le partage inopérant entre « savants » et « ignorants », est pour toutes et tous « une brutale leçon de modestie ». L’ère pandémique, ondoyante et incertaine, force à l’humilité. Mais face au discrédit qui frappe les scientifiques et les médias, et à la cancrerie et aux falsifications successives de nos gouvernants, pour nos contributeurs le discours moralisateur et d’emblée disqualifiant autour des « conspirationnistes » n’apparait pas comme une solution valable. « Pour guérir du complotisme, il ne suffira pas de s’en moquer », écrivait le chercheur Nicolas Camillotto en septembre dernier.

Depuis mars 2020, les fourvoiements de médecins et d’experts ont été nombreux, rappelle Jérôme Latta ; les soubresauts de l’actualité scientifique rendaient un jour inconsistantes les certitudes de la veille ; mais accabler les croyances erronées de la population sans considérer les responsabilités de la classe politique, scientifique et médiatique revient à « souhaiter la disparition du problème sans rien faire pour y parvenir ». Le contributeur rejette par ailleurs l’idée qu’il faille exclure les « antivax » de toute consultation puisque « leur réticence ou leur opposition est précisément une donnée cruciale de la lutte contre l’épidémie »

C’est précisément le déni des scepticismes et des questionnements (arguments de la controverse vaccinale ici listés ici par Julie LH) qui alimente les paranoïas – surtout quand les autorités donnent un blanc-seing à une entreprise (Sanofi) qui casse son outil industriel depuis des années et se comporte en « psychopathe du profit », pour reprendre les termes de François Ruffin dans son premier billet de blog dans le Club de Mediapart.

L’implacable leçon d’humilité collective face au virus, Julien Wacquez, sociologue des sciences, en parlait très bien aussi dans un billet intitulé « Science: l'affaire de tou.te.s ?»« Il aura suffi que survienne un événement minuscule – le déplacement de quelques molécules sur la protéine d’un virus – pour déstabiliser l’ensemble des affaires humaines à l’échelle planétaire ». Seulement voilà : « en devenant tou.te.s les témoins de l’activité scientifique en train de se faire, ce qui émerge sous nos yeux ébahis, ce sont les doutes et les ratés dont la vie de laboratoire est parsemée, les pistes explorées menant, hélas, à des impasses, […] les divisions et les contradictions qui animent la communauté scientifique » qui se retrouvent sur la place publique. Or personne n’a de réponse clé en main à nous fournir – ni de médicament magique.

Remise en cause de l’autorité des pouvoirs

Dans un monde tristement dépourvu de magie, le conspirationnisme apparaît comme pourvoyeur de solutions toutes faites, d’explications détenant le fin mot de l’histoire, et témoigne de la place de l’imaginaire dans notre appréhension du réel. Mais surtout, « pour le chercheur en sciences sociales, [la théorie du] complot est la manifestation d’un conflit, qui porte justement sur la remise en cause de l’autorité des pouvoirs. Toute élaboration complotiste indique la perte de confiance dans la bienveillance de ceux qui dirigent le monde, et se traduit par la remise en question des récits établis », écrivait André Gunthert en mars dernier.

L’objet de l’étude de notre spécialiste des images, ce jour-là, était le professeur Raoult. Non pas la question de savoir si celui-ci avait raison ou tort ou de savoir ce qu’il fallait penser des raoultiens, mais de saisir comment « un personnage de savant excentrique et fort en gueule, un mage à la coiffure à rebours des modes et à la barbe évocatrice » est devenu le visage d’un nouveau récit social et « le signe d’une désillusion » : le symbole chevelu de l’inhabileté des autorités à répondre à la crise. 

La « populace » et la vérité

Pierre Lagrange, "La Rumeur de Roswell"

Pierre Lagrange, "La Rumeur de Roswell"

« Pour les journalistes, les politiques et Gérald Bronner, complots et fake news sont des problèmes qui concernent la populace, et qui sont faciles à corriger, par l’administration de la Vérité par les autorités. » Ainsi résumait-il avec dérision toute l’infirmité des discours anti-complotistes de surplomb, qui ramènent les conspirationnistes à un irrécupérable obscurantisme qu’il s’agirait de condamner, en débusquant leurs « biais cognitifs ».

Le problème que pose aujourd’hui une bonne partie du débat sur les théories du complot, ajoutait récemment Pierre Lagrange, sociologue des sciences et spécialiste du complotisme et des ufologues (« Peut-on parler des théories du complot autrement ? »), c’est que le contre-récit qui croit s’attaquer au conspirationnisme use d’étiquettes éculées, de catégories comme celles d’« irrationnel » ou de « croyances populaires » qui ne sont pas sans évoquer les admonestations de l’Église médiévale contre les superstitions du peuple, mais aussi « les discours colonialistes contre la pensée prélogique des “primitifs” ». Pour un archéologue du conspirationnisme comme Pierre Lagrange, qui avait alors pris soin de documenter les discours autour de l’Affaire Roswell, connaître et comprendre ces théories est une étape indispensable avant de prétendre guerroyer contre elles.

C’est aussi la position de Julien Cueille, professeur de philosophie, auteur du Symptôme complotiste paru en 2020, et d’un billet paru avant-hier sur le paradigme scolaire et professoral par lequel on aborde le succès planétaire des fausses nouvelles, sur la manière dont le gouvernement tente de faire reposer la responsabilité sur les épaules des profs en passant à côté du problème. « Les coups de menton ne sont pas sans accompagner les coups de règle ; et derrière la rectification du vrai se profile une remise dans les rangs somme toute morale – sinon politique. » Mais pour aborder ce type de « contre-culture caricaturale », écrit J. Cueille dans son livre, une telle « stigmatisation a priori du discours complotiste pris comme expression d’une décadence ne saurait suffire à rendre compte de la complexité des phénomènes ».

C’est pourquoi le rôle des scientifiques dans la cité est double. Éviter les écueils d’une approche surplombante et pathologisante, et « sortir de leur pré carré », pour reprendre une formule de Jérôme Latta. Mais aussi se refuser à devenir « le bras armé du pouvoir », écrit Barbara Stiegler dans un article sur la conception délétère que nos autorités se font du rôle de la science, entre bâillonnement et privatisation (tout en détruisant et marchandisant la recherche avec la LPPR). Autorités pour lesquelles « il s’agit de gouverner avec les chercheurs contre l’irrationalité supposée de la société », agissant sur les supposés penchants populaires pour la post-vérité et les infox, en régentant une population qui serait par nature indisciplinée, et en fabriquant, enfin, main dans la main avec le pouvoir, « l’acceptabilité sociale » des mesures.

*****

« Nous sommes en guerre […]. Nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre nation. Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. » Formules emphatiques, jeu rhétorique inquiétant sur l’infiniment petit, fantasmagorie d’un être invisible qui tire les ficelles, attribution d’une intentionnalité à un être non humain – un virus en l’occurrence – : comment caractériser le discours d’Emmanuel Macron du 16 mars 2020, si ce n’est en théorie du complot socialement acceptable ? « Ne parlez pas de “répression” ou de “violences policières”, ces mots sont inacceptables dans un État de droit » : comment nommer une telle falsification du réel, si ce n’est un déni de réalité digne de la « post-vérité », bref, une fausse nouvelle ? 

Le judéo-bolchévisme nouveau est arrivé

Alain Bertho, anthropologue, décodait récemment, avec son art de la synthèse finement documentée, le « monopole du complotisme légitime » – celui de l’État –, et notamment ce qu’il qualifie de « basculement islamophobe du complotisme » auréolé d’un récit paranoïaque. Son nouvel avatar ? Le « séparatisme » islamique et la notion d’« islamo-gauchisme » (qui « fait des ravages à l’Université », si l’on écoute jean-Michel Blanquer). Calqué sur le « judéo-bolchévisme » d’une autre époque, ce discours de suspicion et de disqualification fonctionne « comme désignation contre-révolutionnaire de boucs émissaires à la vindicte populaire ».

Crise sanitaire, démocratie et « complotisme » – il y a déjà bien assez à faire avec le réel

Il contient, en somme, tous les ingrédients du conspirationnisme, avec le pouvoir législatif en sus. Aussi la « radicalisation » est-elle conçue comme un virus dont on traque la progression grâce à des « signes cliniques ». Tout y est : la pathologisation (ici d’une religion et des individus qui s’y retrouvent), l’attribution de vues délictueuses, la mission de dénicher les traces imperceptibles préoccupantes à surveiller de près. Un tel récit « transforme la laïcité française en instrument de police », analyse Alain Bertho. « Le complotisme des dominants n’est jamais nommé comme tel », ajoutent les auteurs de Frustration Mag dans un article intitulé « On ne combat pas le conspirationnisme avec du “fact-checking” mais par la lutte des classes ».

Dans l’analyse éclairante de Bertho, qui ne nie aucunement les enjeux du complotisme « populaire », confluent de manière inattendue un produit culturel comme Hold-Up (« pot-pourri de vraies questions traitées de façon très partielle, de fake news aussi sensationnalistes que grossières », résume Bertho, une « parodie d’investigation », écrit Lucie Delaporte) et l’anatomie d’une stratégie politique bien plus nocive, toute prête à passer à l’Assemblée. Pour P. Lagrange aussi, il faut savoir « symétriser » les théories du complot populaires et celles qui servent à nous gouverner – et à dominer. « Qui a oublié la “nouvelle” ministérielle sur l’attaque de la Salpêtrière par les Gilets Jaunes ou la théorie présidentielle selon laquelle Christophe Dettinger était manipulé par l’ultragauche ? », rappelle-t-il. 

« Peu leur chaut qu’on dise que la terre est plate », ajoute Ivan Joumard dans un commentaire récent : « Ce n’est pas le complotisme qui les gêne, mais certaines formes seulement […]. En revanche, exprimer des opinions politiques remettant en cause le fonctionnement de la société peut les gêner. C'est pourquoi il leur faut le réprimer. » 

*****

Le réel suffit

Nul besoin de faire dans le spectaculaire, de vendre de la fable sensationnaliste à base de « Great Reset » génocidaire ou de nanoparticules dans les vaccins : le réel suffit. C’est l’objet de la réponse de Naomi Klein, journaliste et militante altermondialiste américaine, aux conspirationnistes. Dans un texte publié dans The Intercept puis traduit par Didier Fradin dans son blog, elle déplore la récupération de la notion de « stratégie du choc », concept forgé il y a déjà 15 ans pour décrire « les nombreuses façons dont les élites tentent de tirer parti des catastrophes profondes pour faire adopter des politiques qui enrichissent davantage les plus riches et restreignent les libertés démocratiques ».

Naomi Klein, "La Stratégie du choc"

Naomi Klein, "La Stratégie du choc"

Si son analyse se vérifie avec les usages gouvernementaux du coronavirus comme sur la modalité d’une prophétie, elle refuse cependant ses recyclages inadéquats récents en une sorte de « cocktail de théories du complot » par certains, qui l’usurpent pour affubler la théorie du « Great Reset » des atours du sérieux. Une caution par laquelle cette « bâtardise » s’achète une crédibilité sur le dos d’un concept qui a prouvé son effectivité à l’épreuve du réel (voir la vidéo de « Partager c’est sympa » sur la « stratégie du choc » du point de vue de la gestion de la crise sanitaire en France). 

Le complotisme comme perte de temps

Or, dans cet intervalle, c’est le « capitalisme vorace », le vrai, qui tisse sa toile : « Pendant ce temps, écrit-elle, les manœuvres moins remarquables mais extrêmement réelles de la stratégie du choc en guerre actuellement contre l’école publique, les hôpitaux, les petits agriculteurs, contre la protection de l’environnement, les libertés civiles et les droits des travailleurs ne reçoivent plus qu’une fraction de l’attention qu’elles méritent. » Ce constat est également celui d’un billet de Jean-Luc Gasnier sobrement intitulé « Il n’y a pas de complot, mais c’est bien plus grave ! », paru en novembre dernier. 

Face au réel, le complotisme est une perte de temps. En reprenant la rhétorique des conspirationnistes, le contributeur écrit : « Nul besoin de complot, nul besoin de projet honteux concerté dans quelque alcôve à l’abri des regards. Non, le capitalisme est fier de lui et il réussit le tour de force de nous faire participer au complot. Nous sommes tous dans le complot ! » 

Pire encore, si dans un complot réel, les protagonistes complotants (mettons, Bill Gates et ses alliés visant à l’extinction de la population) courent toujours le risque de la dissension et donc de la dissolution – leur projet peut exploser du jour au lendemain –, avec la réalité, rien de tel, car c’est une vision du monde, partagée entre possédants et gouvernants, bien plus puissante qu’une simple transaction temporaire, qui fait tenir l’échafaudage du capitalisme financiarisé. Et qui survit non pas grâce à un accord tacite, mais grâce à la compétition effrénée.

La manne du complotisme de masse 

Ajoutons que les « fake news » représentent en elles-mêmes un marché et une industrie à part entière qui nourrit le capitalisme et la montée du fascisme (écouter le chercheur Romain Badouard en parler lors d’une table ronde sur les infox), qui permet aux GAFAM et aux annonceurs, via la récolte massive de données, de s’enrichir – mais aussi aux partis politiques. Trump, « passé maître dans la diffusion de mensonges et de contrevérités », n’a cessé de s’en repaître pour installer sa « marque », appuyée sur un engouement populaire monétisé, rappelait l’américaniste Marie-Cécile Naves, puisque celui-ci a réussi à façonner un conspirationnisme de masse, apte à corroder durablement la démocratie et à vandaliser le Congrès (sur l’activisme néonazi qui a envahi le capitole, lire le billet d’André Gunthert, qui déconstruit l’imagerie « folklorique » de l’événement et la lecture d’abord dépolitisée qui en fut faite). 

Crise sanitaire, démocratie et « complotisme » – il y a déjà bien assez à faire avec le réel

Lorsque la parole politique « ne sert qu’à justifier l’ordre néolibéral », résume Pierre Khalfa, il est cohérent que des contre-récits, sur le mode d’un dévoiement dogmatique de l’esprit critique, apparaissent, et se muent en parole d’évangile. C’est pourquoi, selon le syndicaliste, le complotisme relève avant tout de la crise politique, crise qui façonne de la défiance.

Khalfa rappelle avec justesse que déceler l’inaperçu, mettre au jour les dérives des pouvoirs, c’est le travail des journalistes et des intellectuels, lorsqu’ils font bien leur travail. Outre que l’histoire regorge déjà de complots réels, il a fallu tout au long de la crise sanitaire débusquer les manquements de la parole officielle (documenter sa galaxie de mensonges d’État depuis le début de la crise sanitaire, le délaissement meurtrier de l’hôpital public, la déplorable gestion des masques, la « défaillance organisée au sommet de l’État » concernant les tests Covid ou encore le naufrage de la campagne de vaccination).

Bref, « on ne peut pas reprocher aux complotistes de faire de même ». Car ils révèlent avant tout que cette grande partition entre des « qualifiés » et des spectateurs, la dichotomie entre les dirigeants et une sorte de masse passive que serait la population, réceptacle de décisions venues d’en haut, c’est le signe d’un marasme démocratique, surtout dans la mesure où cette « parole des qualifiés » est fortement dévaluée.

Parole institutionnelle « auto-effondrée »

Aussi Frédéric Lordon avait-il raison de dire que « l’autorité des paroles institutionnelles n’a pas été effondrée du dehors par quelque choc exogène adverse : elle s’est auto-effondrée, sous le poids de tous ses manquements ». Lutter contre le conspirationnisme, ce serait donc remettre la politique au centre des vies – la politique au sens de Castoriadis, « l’activité collective réfléchie et lucide visant l’institution globale de la société comme telle », frappée aujourd’hui d’aphasie. Somnambulisme conforté par ce que le philosophe appelait « capitalisme bureaucratique », pourrait-on ajouter, modalité par laquelle un petit groupe d’individus aux commandes contrôle l’orientation de la vie de tous, dépossédant les citoyens de la politique.

"Mégablock" de Mediapart sur la gestion des masques du 2 avril 2020

"Mégablock" de Mediapart sur la gestion des masques du 2 avril 2020

Après avoir confisqué aux participants de la Convention citoyenne pour le climat leur travail et leur énergie de plusieurs mois, c’est le tirage au sort 35 personnes afin de « se prononcer sur la stratégie vaccinale française contre le coronavirus » qui fait office de superfétatoire pis-aller de solution pour régler une grave crise de confiance politique, sanitaire et scientifique. D’où la colère de l’association Sciences citoyennes (et de son président d’honneur le biologiste Jacques Testart) dans le blog, pour qui cette contrefaçon grossière d’expérimentation démocratique (« démocratie de comptoir ») semble vouloir « ruiner définitivement l’idée de tirage au sort pour faire participer la population aux choix de société, idée déjà bien entamée avec le mépris témoigné aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat ». Le dispositif, élaboré à la va-vite pour tenter de rassurer les Français, ne se révélera pour le biologiste qu’un « outil au service du pouvoir »

« Je pensais partager le même réel qu’eux »

Or, à la conception indigente que nos pouvoirs se font de la démocratie, répond celle, tout aussi inféconde, du complotisme. D’abord, il fissure le lien social. Lucie Delaporte relatait dans un article la difficulté, au sein des familles, des cercles d’amis, de maintenir le dialogue avec nos proches engoncés dans des certitudes conspirationnistes.

Dans une mélancolique « lettre à ses amis complotistes », c’est aussi l’expérience de cette déperdition que raconte Maxime Brousse : « Jusqu’à récemment, je pensais, précisément, partager le même “réel” qu’eux », et contrairement aux experts et aux élites médiatiques, jusque-là, le jeune homme ne pensait pas vivre dans des « mondes parallèles » ; ce sont des gens avec qui il coexiste au quotidien. Or, comme les chercheurs de nos colonnes, Maxime reconnaît que « taxer quelqu’un de complotisme, c’est le délégitimer, lui nier le droit de participer au débat public, l’invisibiliser ». De même, avec Noam Chomsky, il convient que le complotisme arrange le pouvoir puisqu’il détourne l’attention et donne quelque chose à mépriser et à réprimer. 

« Mais est-ce vraiment une raison pour ne pas le combattre ? » Non, parce qu’il démobilise et tétanise, plonge dans la torpeur et empêche toute action collective. Maxime Brousse propose, partout où cela est possible, d’« injecter de la démocratie ». Fonds de convictions, ensemble de récits figés, le conspirationnisme cherche certes à trouver du sens là où il fait défaut, mais les tenants de ces théories « n’appellent jamais à s’organiser collectivement, à se syndiquer, à faire grève ou à manifester », note l’association Visa à propos de l’« impasse » du complotisme. « Bien sûr qu’il y a des complots passés, présents et à venir », écrivent-ils ; mais où sont les complotistes lorsqu’il s’agit de dénoncer les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises, le sort fait aux migrant·e·s, ou le grand complot qui perpétue l’inégalité entre les hommes et les femmes et le racisme ?

Si le complotisme sait infiltrer les milieux de gauche et les déçus de la politique, il est toutefois foncièrement démobilisateur (il est une « arme de dépolitisation massive », écrit A. Bertho). « La grille de lecture des propagateurs des théories complotistes n’est pas la nôtre et […] leur objectif n’est pas le nôtre ! », conclut le collectif. Seule « la lutte collective et émancipatrice » peut redonner espoir.

Pour conclure, faisons nôtre la salvatrice mauvaise humeur de Mačko Dràgàn« Il est grand temps d’arrêter les conneries. On peut, on doit, critiquer à la fois les mensonges gouvernementaux et les fadaises des démagos qui surfent sur le merdier ambiant […]. Retrouver le goût des luttes simples mais pas simplistes, pour la défense de nos droits, de nos libertés, des aides aux plus fragiles, et pour une société plus libre, plus solidaire, plus juste – des revendications précisément absentes des sphères complotistes, qui se contentent généralement d’inventer des histoires qui nous confortent dans notre impuissance. Personnellement, j’en ai marre de nous voir nous raconter des histoires. Les faits sont déjà suffisamment flippants comme ça. […] Y a du boulot ! »

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18 janvier 2021 1 18 /01 /janvier /2021 14:20

À Dijon, le groupe de militants écologistes appelle les habitants à faire pousser chênes, merisiers, bouleaux... partout où c’est possible, sans demander d'autorisation. 43 millions d’hectares de forêts ont disparu entre 2004 et 2017, dans 24 régions du monde, selon le rapport de l’ONG WWF. D’après Lucas Martin-Brodzicki pour l’Humanité, WWF et Martine Valo pour Le Monde le 13 janvier 2021. Lire aussi Les forêts françaises attaquées par la sécheresse, Face aux méga-feux, la forêt, un commun à préserver, À Romainville, les habitants défendent une forêt sauvage contre une base de loisirs régionale, Les forêts françaises ne sont pas à vendre ! et Notre forêt publique est malade de sa course à la rentabilité et La forêt urbaine de la Corniche des Forts - une chance unique à nos portes.

Plantation Rébellion contre la déforestation mondiale

En seulement trois ans, Elzéard Bouffier aura réussi à planter une forêt de 100 000 troncs. C’est du moins ce que raconte le berger solitaire à son interlocuteur dans L’homme qui plantait des arbres, de Jean Giono. Illustration poétique des vertus sylvestres, la nouvelle de l’écrivain n’en reste pas moins une invitation à l’afforestation.

« Branche arbrée du Giec »

Boiser partout où c’est possible, c’est aussi l’ambition du collectif citoyen Plantation Rebellion. Le 1er janvier, Dijon s’est réveillée un peu plus verte, sous l’impulsion de cette bande d’écologistes à l’humour bien trempé. Plantation Rebellion, référence au mouvement international de désobéissance civile Extinction Rebellion, se définit comme la « branche arbrée du Giec » (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Armés de pelles, visages masqués, ses membres ont planté 300 arbres à travers la ville, le 31 décembre avant 20 heures et le lendemain au petit matin, couvre-feu oblige.

« Il suffit de faire un trou, mettre le plant dedans, pailler, installer un tuteur et une protection en bambou. Les arbres font moins de 50 cm de haut, il faut qu’ils soient visibles pour les protéger des tondeuses. Mais la technique est rudimentaire », raconte Dominique (1), l’une des participantes. Les activistes disent avoir mutualisé l’argent prévu pour leur repas du réveillon afin d’acquérir des plants forestiers, estimant « bien plus utile, pour fêter la nouvelle année avec l’espoir qu’elle soit meilleure, d’afforester que de réveillonner ». Au total, plus de 1 800 euros ont été dépensés, facture à l’appui.

Plantation Rébellion contre la déforestation mondiale

Essences essentielles

Chêne sessile, merisier, bouleau verruqueux, alisier torminal, arbre à perruques… aucune de ces essences forestières n’a été choisie au hasard. Certaines sont vouées à devenir des arbres de haute futaie dits dominants et d’autres, des arbres moyens dits dominés. Quelques arbustes parsèment le tout. Un équilibre indispensable pour favoriser l’installation d’insectes et d’oiseaux, et pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique.

« Un arbre est un puits de carbone. Plus on en plantera, plus la captation de CO2 sera efficace. Mais cela ne sert à rien d’avoir des monocultures, il faut de la diversité », détaille Ludovic (les prénoms ont été modifiés), par ailleurs très au fait des débats sur la gestion forestière. Le militant rêve de voir la France se transformer en un corridor écologique géant, où « un écureuil pourrait traverser le pays de branche en branche. C’est une image, évidemment, mais aussi un moyen d’alerter les urbanistes sur le manque de place pour la forêt en ville ».

« Mouvement positif »

Plantation Rebellion n’a pas attendu d’autorisation pour planter les bosquets. Ses membres revendiquent ce mode d’action clandestin, les espaces afforestés appartenant à la commune. « Nous ne faisons rien d’illégal pour autant, c’est un mouvement positif et non violent », se défend Ludovic. Selon lui, les terrains sont susceptibles d’être boisés, alors qu’ils sont aujourd’hui enherbés et régulièrement tondus par les agents municipaux. Le mouvement dit d’ailleurs placer ses plantations « sous la sauvegarde des citoyens et des associations locales de protection de la nature ».

Un changement de stratégie réfléchi, neuf mois après leur première action. Le 7 mars 2020, quelques jours avant le premier tour des élections municipales, Plantation Rébellion plantait clandestinement quarante plants au Lac Kir pour interpeller les politiques. « Nous vous informons de notre action clandestine, écologique et citoyenne d’afforestation sur le Lac Kir de Dijon du samedi 7 mars 2020. Nous comptons sur vous pour veiller et protéger cette jeune forêt, oh combien indispensable pour répondre à la crise climatique. (…) Êtes-vous prêt à protéger cette jeune forêt même si vous n’êtes pas à l’origine de cette plantation ? En effet cette plantation s’intègre parfaitement dans les engagements écologiques des listes candidates à la mairie de Dijon. »

Une revendication de l’afforestation clandestine et légitime signée Citoyennes et citoyens du mouvement mondial PLANTATION REBELLION l’accompagnait, « l’idée [étant] de faire vivre le débat sur la végétalisation de la ville. Mais personne ne nous a répondu », regrette Ludovic.

Plantation Rébellion contre la déforestation mondiale

Graines de la discorde

La réponse est arrivée en novembre, lorsque François Rebsamen, réélu maire de Dijon pour la quatrième fois le 28 juin 2020, a jugé les arbres « morts ». « Je suis curieux, je suis allé les voir moi-même. Il ne restait que des petites brindilles. Lorsqu’on plante des arbres, on ne fait pas ça en mars, mais en hiver. D’une certaine manière, ils ont écouté mes conseils avec leur plantation du Nouvel An », dit un brin railleur l’édile à l’Humanité. Il conteste en revanche fermement les accusations d’arrachage des plants. « D’un point de vue forestier, il aurait fallu attendre le printemps suivant pour s’assurer que les arbres étaient effectivement morts. Ils perdent leurs feuilles mais les racines peuvent rester vivantes et actives », rétorque Ludovic. En outre, il constate, tout comme Dominique, une multiplication des projets immobiliers, alors que « les espaces naturels se réduisent comme peau de chagrin ».

De son côté, François Rebsamen rappelle que la ville et la métropole, dont il est président, agissent en faveur de la biodiversité. Six cents arbres cette année pour Dijon, un verger urbain inauguré début décembre, une « forêt des enfants » dans laquelle la métropole plante un arbuste pour chaque naissance… Surtout, l’ex-ministre socialiste du Travail (2014-2015) coupe court aux reproches concernant sa politique d’aménagement. « Il y a 8 000 demandes de logement non satisfaites aujourd’hui. Il faut qu’on densifie, c’est un choix assumé. Nous pourrions grignoter des terres agricoles, mais ce n’est pas souhaitable. »

Au-delà des désaccords locaux, le collectif souhaite surtout montrer l’exemple. Devenir un mouvement mondial, à en croire Dominique. « Des contacts avec d’autres régions ont été établis. Nous ne sommes pas propriétaires de l’idée, au contraire. Le but, c’est que les gens apprennent à redevenir puissants. » Et à planter leur « pin » quotidien.

Les fronts de la déforestation se multiplient

Déforestation (en millions d’hectares). En noir, la perte de couvert forestier, et en bleu la perte nette de forêts (différence entre la déforestation et le reboisement). WRI

Déforestation (en millions d’hectares). En noir, la perte de couvert forestier, et en bleu la perte nette de forêts (différence entre la déforestation et le reboisement). WRI

Les fronts de la déforestation se multiplient et s’étendent, alerte le Fonds mondial pour la nature, le WWF. La Terre, qui était couverte à 50 % de forêts il y a huit mille ans, ne l’est plus qu’à 30 %. Non seulement de nouvelles zones soumises aux incendies et aux défrichements apparaissent en Afrique – au Liberia, au Ghana, à Madagascar – et en Amérique latine – notamment au Mexique et au Guatemala –, mais la destruction des jungles, forêts primaires ou sèches, savanes arborées s’accélère partout sur la planète.

Dans un rapport rendu public mercredi 13 janvier, l’ONG recense et analyse les vingt-quatre principaux fronts dans trente pays. Cinq ans après leur précédente analyse, la situation s’est encore dégradée : à eux seuls, ces vingt-quatre fronts menacent un cinquième des forêts tropicales du monde. Ces régions ont perdu, entre 2004 et 2017, au moins 43 millions d’hectares, soit plus de 10 % de leurs couverts forestiers. Près de la moitié (45 %) des superficies arborées restantes sont dorénavant fragmentées par des routes ou d’autres infrastructures, ce qui les fragilise et les rend plus vulnérables aux feux et au changement climatique. L’Amérique latine, Madagascar, Sumatra et Bornéo pour l’Asie du Sud-Est figurent parmi les zones les plus affectées.

« La tendance n’est pas bonne, constate Véronique Andrieux, directrice générale de WWF France. Malgré tous les traités internationaux, malgré les nombreux engagements “zéro déforestation” pris par de grandes entreprises, la perte de forêts n’a pas été stoppée ni encore moins inversée par rapport à notre précédent bilan de 2015. Or, cela vaut la peine de rappeler que parmi tous les services environnementaux qu’elle nous rend, la forêt peut protéger les humains des zoonoses [infections transmises de l’animal à l’homme]. » Entre la pandémie de Covid-19 et les multiples rendez-vous internationaux consacrés au sauvetage de la biodiversité, 2021 se présente comme « une année absolument cruciale », affirme-t-elle.

Agriculture, exploitation minière

L’agriculture reste le moteur essentiel de l’avancée de terres défrichées de plus en plus profondément dans des espaces naturels. Longtemps préservés, ces havres servent d’habitats à de multiples espèces, mais aussi à des virus. Ce secteur supplante l’impact de l’exploitation des ressources minière et du bois – qu’il s’agisse d’exporter cette ressource ou de fournir les populations locales en combustible de chauffage.

Les palmiers à huile plantés au cordeau dans des exploitations à perte de vue, les pâtures gigantesques obtenues après des feux géants pour abriter des troupeaux de bœufs, des kilomètres carrés de parcelles de soja destiné au secteur des agrocarburants : tous ces moteurs de conversion des espaces naturels sont désormais connus.

Spéculation et corruption

Mais, sous l’effet de la progression démographique, les cultures commerciales de taille réduite, voire seulement vivrières, contribuent aussi désormais à ronger les lisières des forêts, en Afrique, en particulier. Dès qu’une route est ouverte dans la jungle, des paysans en manque de terres viennent y semer légumes, céréales ou planter un ou deux cacaoyers, comme au Ghana et en Côte d’Ivoire où l’appétit des pays développés pour le chocolat a dévasté l’essentiel des forêts, jusque dans les parcs nationaux.

Les forêts tropicales sont particulièrement menacées

Les forêts tropicales sont particulièrement menacées

La spéculation foncière, la corruption des élites locales, l’économie souterraine, les variations des cours des marchés de matières premières : tous ces éléments influent sur l’évolution de la déforestation. Les données officielles indiquent, par exemple, que la perte de la jungle en Indonésie était supérieure à 1 million d’hectares par an au début des années 2000, ainsi qu’en 2014-2015, après être descendue sous la barre des 500 000 hectares par an de 2009 à 2011.

Des solutions adaptées aux contextes locaux

Les données satellitaires qui nourrissent l’analyse du WWF confirment l’extension vertigineuse de l’agriculture industrielle dans le Gran Chaco, une région qui s’étend entre le Brésil, l’Argentine, la Bolivie et le Paraguay. Cette évolution a suivi le moratoire de 2006 accepté par les négociants brésiliens sur toute parcelle de soja récemment gagnée sur les terres d’Amazonie. La production s’est depuis rapidement étendue vers le sud. C’est une des limites de la conservation des espaces naturels.

Sans surprise, le rapport indique qu’il n’existe pas d’approche universelle du problème. Au-delà des réponses évidentes comme l’instauration d’aires protégées, il prône des solutions multiples, intégrées, adaptées aux contextes locaux, alliant incitation et contrôle. Et plaide avec insistance pour « l’affirmation des droits des peuples autochtones et des communautés locales [qui] doit devenir une priorité ».

Le respect de leurs terres ancestrales et de leurs cultures ne pèse pas lourd devant une opération d’extension agricole ou une nouvelle exploitation de mine. Il arrive même parfois qu’un projet intransigeant de conservation d’espèces sauvages contribue à chasser ces populations de leurs forêts.

Rôle déterminant des choix des investisseurs financiers

Les auteurs du rapport soulignent le rôle déterminant des choix des investisseurs financiers en faveur de tel ou tel type d’utilisation des terres. Il est de la responsabilité des acteurs financiers d’atténuer les risques de conversion d’espaces naturels, et de celui des politiques publiques de s’efforcer de résoudre les conflits qui en découlent. Payer les agriculteurs pour la préservation ou la compensation de la biodiversité peut constituer une réponse, à condition que le programme soit de grande ampleur et durable.

La lutte contre la déforestation importée ne peut se contenter de réponses territoriales, elle passe aussi par des changements profonds dans les négoces internationaux des matières premières. La France s’est positionnée comme pionnière dans cette approche, mais sa stratégie n’aura d’impact qu’à une échelle insuffisante.

Lors du One Planet Summit qui s’est tenu à Paris, en grande partie par visioconférence, à l’invitation d’Emmanuel Macron, lundi 11 janvier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a confirmé qu’une initiative en ce sens devrait être présentée cette année. Pour Véronique Andrieux, l’enjeu de la déforestation est tel qu’il faut faire plus : « C’est notre économie, nos systèmes alimentaires et notre mode de développement qu’il faut changer. »

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21 décembre 2020 1 21 /12 /décembre /2020 11:27

Rob Hopkins est l’une des plus grandes figures mondiales de l’écologie. Enseignant en permaculture et fondateur du mouvement des territoires en transition, il a inspiré des initiatives partout dans le monde. S’appuyant sur des valeurs de justice sociale, de solidarité et de coopération, Rob Hopkins revient sur la nécessité de cultiver de nouveaux imaginaires : l’imagination est pour lui la clé pour construire un futur résilient. Un entretien réalisé par Sarah Champagne et Delphine Ekszterowicz sur Archipel des Alisées. Lire aussi Propositions pour un retour sur Terre, Pour une plus grande résilience face aux crises et Une Biorégion Ile-de-France résiliente en 2050.

" Nous devons raconter des histoires pour faire naître un monde résilient "

Archipel des alizées : Vous êtes connu pour avoir fait de la ville de Totnes en Angleterre, un village d’alternatives et d’expérimentations. La ville est maintenant reconnue dans le monde entier. Pourquoi les territoires sont-ils importants pour porter la transition ?

Rob Hopkins : Quel que soit l’endroit, les personnes que je rencontre pensent que les autres font mieux ailleurs. En Allemagne, les gens me disent que c’est normal que la transition se fasse beaucoup plus facilement en France ou en Angleterre. Et inversement quand je vais en France. De la même manière, en ville on a tendance à penser que la transition est plus facile à porter à la campagne, et vice versa. Or nous avons récemment publié un petit livre intitulé « 21 stories of transition », qui rassemble des histoires de transitions réussies dans territoires extrêmement pluriels. De ce livre, ressort une certitude : les histoires qui feront les mondes de demain peuvent venir de partout dans le monde, des villes, des campagnes, et de toutes sortes de territoires. 

Bien sûr, certaines techniques fonctionnent mieux dans les métropoles, tandis que d’autres sont plus efficaces dans des espaces ruraux, où l’échelle est différente. Chaque territoire, selon ses spécificités, présente des opportunités pour réussir une transition.

En France plus particulièrement, j’ai découvert des villes incroyables engagées dans la transition autant que des zones rurales qui développent des projets fantastiques, avec beaucoup d’ambition et de créativité. Au fond, nous pouvons appliquer les principes de la transition, comme les principes de la permaculture à tous types de territoire et à toutes sortes d’organisations.

ADA : Comment s’est passée la mobilisation citoyenne à Totnes ? Quelle relation avez-vous construit avec les habitants, les commerces et les pouvoirs publics ?

R.H. Tout d’abord, il ne faut pas voir Totnes comme un paradis. Les habitants de Totnes ne sont pas tous enthousiastes ou engagés dans des projets de transition. Il y a 6 ans, j’ai fait une enquête à Totnes pour mesurer la résonance des projets de transitions que nous avions portés dans la commune. Et les résultats étaient encourageants :

  • 75% en avait entendu parler

  • 62% pensait que c’était une bonne idée

  • 33% avait déjà eu un contact avec le projet

  • 2 ou 3% était activement impliqué dans le projet

La résonance du projet en comparaison avec le nombre de personnes réellement impliquées montre clairement que l’on peut faire beaucoup, même en étant peu nombreux.

Quand on a démarré notre projet, on s’est attaché à rendre les gens conscients de ce qu’on était en train de faire. On les a réunis, on a créé du lien entre les habitants et des connexions entre les groupes et les organisations de la ville. On a organisé de grands évènements pour ouvrir les esprits sur d’autres sujets, sur d’autres réseaux, et de manière générale pour inviter les gens à participer. 

Ces grands évènements, ouverts à tous, prennent la forme de grandes conversations où on laisse libre court à l’imagination. Ce sont à la fois des espaces d’imagination, où l’on se demande « Et si ? », et des espaces de création, pour réfléchir à « quand est-ce que ça pourrait se faire ? » ou « de quoi aurions-nous besoin ? ». Ces deux espaces, imagination et création, sont nécessaires.

Au bout de quelques années, un changement dans notre réflexion nous a permis d’aller plus loin. Notre questionnement est passé de « de quoi la ville a besoin ? » – réduire ses émissions carbone – à « de quoi notre ville pense-t-elle avoir besoin ? Comment répondre à ses besoins tout en suivant le mouvement de la transition écologique ? ». Finalement, on s’est intéressé aux besoins économiques de Totnes.  Il fallait réussir à créer des emplois et des entreprises pour les personnes sur le territoire.

Ce changement dans nos manières d’aborder les problématiques écologiques nous a permis de lancer plein de nouveaux projets. Par exemple, la construction d’habitats pour les personnes en situation de précarité, ou encore un projet pour collecter les surplus de production d’une ferme biologique afin de les distribuer à des personnes dans le besoin. Enfin, nous avons lancé une brasserie appelée New Lion. Là aussi, l’objectif était de créer de l’emploi. Aujourd’hui 9 personnes y travaillent. Sa particularité ? C’est la première brasserie au Royaume-Uni à être entièrement détenue par ses employés.

Ce faisant, on a réussi à créer une culture. Les gens sont d’accord et ouverts pour investir dans des projets et des entreprises locales présentant un intérêt pour la communauté.  Chaque année, depuis 9 ans maintenant, nous organisons le forum des entrepreneurs locaux, où des porteurs de projets peuvent présenter leurs idées et obtenir des soutiens de la part de la communauté. Beaucoup d’entreprises ont émergé grâce à ce forum. Et cela a donné de vrais résultats : un article a classé Totnes en troisième position des villes où les citoyens investissent dans des entreprises locales et porteuses de sens, après Londres et Bristol. C’est un résultat dont nous sommes très fiers. 

ADA : Quand on vous parle de collapsologie, de la fin de notre civilisation basée sur les industries fossiles, comment le vivez-vous ? Comment faire face à un possible effondrement de notre civilisation, notamment d’un point de vue émotionnel ?

R.H. On pourrait passer des journées complètes à penser cette question… Première chose : il est possible que les collapsologues aient raison, mais il est aussi possible qu’ils aient tort. Je n’accepte pas que l’on dise que l’effondrement est inévitable. Il est par contre inévitable si nous ne faisons rien. 

Le bouddhisme nous enseigne que nous sommes des êtres éphémères, que les choses changent, que nous mourrons un jour. De la même manière, la collapsologie nous montre que le monde qui nous entoure n’est pas permanent, qu’il est fragile et délicat.

Je remarque que la plupart des personnes qui adhèrent à la collapsologie sont des hommes blancs, entre 40 et 60 ans. D’une certaine manière, on peut comprendre qu’ils aient la sensation que quelque chose est en train de s’effondrer. Je vois aussi des collapsologues qui parviennent à tourner la collapsologie en levier d’action, et tant mieux. Chez ces personnes, elle devient une motivation pour rendre leur milieu de vie plus résilient. Ce qui m’inquiète, c’est que le récit de la collapsologie peut amener les gens à se renfermer sur eux-mêmes au lieu d’agir, et conduire au désespoir.

L’une de mes citations préférées est celle du poète Rilke : « Le futur doit vivre en toi bien avant qu’il ne survienne ». Actuellement, nous avons une petite fenêtre de tir pour rester sous la barre des 1,5°C et créer un monde résilient. Mais pour cela, nous devons faire apparaître ce monde, lui donner vie. Il nous faut l’imaginer, créer et raconter des histoires.

Au cours de ma vie, j’ai regardé beaucoup de matchs de foot. De nombreuses fois, mon équipe favorite était perdante à la mi-temps, mais finissait ensuite par gagner. Dans ces moments-là, je ne pense pas qu’à la mi-temps, dans les vestiaires, l’entraîneur dise à ses joueurs « Bon, c’est perdu. On ne peut rien faire, c’est comme ça ». Au contraire, il faut penser et croire que c’est possible : nous pouvons y arriver, en travaillant ensemble. Et même si il n’y aucune garantie de réussite, il faut motiver son équipe et lui faire comprendre qu’il n’est jamais trop tard pour espérer réussir.

Les collapsologues soulèvent une question fondamentale : « si la société telle que nous la connaissons aujourd’hui s‘effondrait totalement, que se passerait-il ? ». Pour moi, la question manquante dans ce raisonnement est : « Comment faire pour porter un mouvement mondial coordonné, sans précédent, venant des communautés et qui aurait un impact historique ? ». Je pense que c’est LA question qu’il faut poser. Je précise que ma réflexion sur cette question vient en grande partie de discussions avec des collapsologues en Belgique et en France, car leurs livres commencent seulement à être traduits en Angleterre.

" Nous devons raconter des histoires pour faire naître un monde résilient "

ADA : Quel rôle peuvent jouer les citoyens, les associations et les élus locaux pour transformer le territoire vers plus de démocratie et de résilience ?

R.H. Souvent, j’ai l’impression que ceux et celles d’entre nous qui évoluent dans un monde alternatif écologique ont tendance à construire des connexions et des alliances avec des gens qui leur ressemblent. C’est un premier indicateur de succès, mais il faut aller plus loin. A mon avis, nous devons maintenant créer des liens avec des personnes et des organisations très différentes, moins évidentes. Apprendre à parler avec elles, élargir nos réseaux et nos projets pour qu’ils trouvent une résonance et une pertinence pour le plus grand nombre sont les défis d’aujourd’hui. 

Bien sûr, il faut qu’il y ait des accords entre gouvernements, entre pays. Il faut que les entreprises transforment radicalement leur activité, et que l’ensemble de notre société soit profondément transformée. Mais ce qui importe le plus je crois, c’est de voir les besoins locaux, les compétences, les expertises telles qu’elles existent localement se développer. Car l’immense beauté du mouvement de la transition réside dans la capacité d’avancer beaucoup plus rapidement que des groupes officiels. Pas besoin d’attendre la permission de tel ou tel décideur,il suffit de quelques personnes motivées pour se lancer et avoir rapidement de beaux résultats.

Si l’on regarde le mouvement de la transition, on voit des histoires de communautés qui créent leur propre société de production d’énergie, dans laquelle tout le monde investit et tout le monde devient propriétaire. Les gens y placent leur économie et leur retraite plutôt qu’à la banque. Dans d’autres endroits, on voit émerger des projets ambitieux d’autosuffisance alimentaire à l’échelle d’une ville. On voit aussi des collectifs motivés qui réussissent à faire les comportements des habitants d’un territoire, rue par rue, foyer par foyer. Je suis actuellement très admiratif de ce qui se passe en France quand les maires (qui ont d’ailleurs beaucoup plus de pouvoir qu’en Angleterre) sont motivés et s’investissent dans l’écologie.

Laissons donc libre court à l’imagination, développons nos imaginaires en les nourrissant avec des idées inspirantes qui ouvrent le champ des possibles. Allons regarder ce que font les groupes en transition partout dans le monde : il y a des histoires surprenantes, inattendues et inspirantes.

ADAUne des étapes cruciales de la transition, c’est ce que tu appelles la ‘réappropriation des imaginaires’ pour penser l’après, dont tu parles notamment dans ton dernier livre “Et si?”. Pourquoi est-ce si important de mener la bataille des imaginaires ?

R.H. Juste après avoir terminé l’écriture du livre, j’ai imaginé un modèle pour tenter d’explorer comment reconstruire une culture de l’imagination : nous avons construit une sorte de cadran solaire qui met en évidence 4 points cardinaux.

L’espace : l’imagination a besoin d’espace pour se développer, et c’est une chose de plus en plus rare dans nos vies aujourd’hui. La semaine de 4 jours, le revenu universel sont des concepts intéressants pour développer une stratégie de l’imagination : ils ont la capacité de libérer de l’espace dans la vie des individus. 

Les lieux : ce sont des endroits où on peut décaler notre regard, élargir nos horizons et nos manières de penser le futur. Les fermes urbaines, les villes inspirantes, les projets à l’échelle d’une rue… Tous ces lieux peuvent convenir, ils ont la capacité de nous faire réfléchir et de changer notre regard sur nos modes de vie.

Les pratiques : ce sont l’ensemble des activités que l’on peut faire au sein de différents groupes pour exercer notre imagination, à la manière dont on entraîne un muscle. Dans mon livre, je partage un ensemble d’exercices, s’appuyant notamment sur la philosophie du « oui et » plutôt que du « oui, mais » en réponse à une question.

Les pactes : lorsqu’une personne pose une bonne question, il faut qu’une rencontre se crée avec des décideurs publics. Ensemble, ils construisent alors un pacte pour travailler sur cette question et transformer les idées en actions.

ADA : Dans les imaginaires écologistes, on a tendance à penser que la ville s’oppose à la campagne. Est-ce que l’avenir des sociétés est de sortir des villes ?

R.H. Je ne suis pas d’accord avec cette manière de présenter les choses. Cette opposition doit être dépassée. Trouvons plutôt ce que signifie vivre de manière soutenable, résiliente, autosuffisante, que ça soit dans un environnement rural ou urbain.

Cette dichotomie ne tient d’ailleurs pas debout : si on transformait l’espace aujourd’hui alloué à la voiture en ville pour y planter des arbres, créer des parcs, des aires de jeu, des pistes cyclables, le débat serait différent. Je pense que d’ici cinq à dix ans, nos villes auront profondément changé. On assistera à un immense déclin de la voiture, une augmentation des espaces verts, on imaginera de nouveaux lieux, de nouveaux espaces de travail. En regardant en arrière, on réalisera que la période du covid aura catalysé de profonds changements.

Je suis engagé dans le mouvement écologiste depuis l’âge de 14 ans et j’ai toujours entendu des gens clamer que les campagnes étaient mieux que les villes. Mais en ville on trouve une culture, une diversité et une énergie fantastiques. L’idée de devoir les fuir est absurde. Peut-être devons-nous aussi trouver une façon de soutenir les économies rurales, pour assurer leur diversité, attirer les jeunes, créer une nouvelle dynamique en soutenant la permaculture et en portant des écovillages… C’est aussi en croisant les alternatives en milieu urbain et celles en milieu rural qu’on pourra fertiliser nos imaginaires de manière pertinente.

ADA : S’il ne faut pas opposer les villes et les campagnes, les métropoles, ces villes géantes, posent de véritables questions. Elles sont souvent vues comme des espaces de contraintes, stressants et étouffants. Elles brassent pourtant, à l’échelle mondiale, une partie immense de l’humanité. Comment peut-on les rendre plus solidaires et davantage écologiques ?

R.H. On peut s’inspirer de villes comme Barcelone. Là-bas, il existe des quartiers où l’on a supprimé la voiture pour créer des espaces de rencontre et laisser place au vélo. Des assemblées de quartier ont été créées pour revitaliser la démocratie en ville.

Notre projet doit être de rendre les villes plus égalitaires : rendre égalitaire l’accès au logement, faire sortir les voitures à l’extérieur des villes, rendre les citoyens propriétaires du fonctionnement de l’économie, plutôt que de la laisser entre les mains des multinationales.

J’ai récemment visité Toulouse lors de ma tournée d’échanges. Cette ville s’est organisée autour d’Airbus, comme une sorte de monoculture économique. Que se passera-t-il le jour où l’industrie aéronautique disparaîtra ?

Pour réaliser cette transition de façon efficace, les opportunités à saisir sont multiples. On peut par exemple remplacer les supermarchés et les fournisseurs d’énergies par une multitude d’entreprises communautaires locales. On peut aussi se débarrasser de Sodexo par exemple, et approvisionner les hôpitaux et les écoles grâce à des projets coopératifs qui fonctionnent sur des modèles économiques complètement différents. « Il n’y a plus de solution qui ne soit pas radicale » a dit Naomie Klein

ADA : Pendant longtemps, en France, les processus étatiques ont eu tendance à imposer des formes d’action aux territoires, et par extension à les uniformiser fortement. On a perdu un drapeau de fierté : la diversité des territoires. Comment trouver un dialogue politique pertinent entre l’Etat et les territoires ?

R.H. Le rôle de l’État central est de soutenir les régions, les groupes locaux et les économies locales en fonction de leurs besoins. Sur le plan hiérarchique, il faut donc inverser complètement l’ordre des choses. Ça ne signifie pas qu’on doive se passer d’un État et d’un gouvernement. Comme vous le savez, je viens d’un pays qui a récemment choisi de se détacher d’un groupe plus large en pensant qu’il serait plus fort seul : le brexit. Je ne suis pas d’accord avec cette idée. Nos gouvernements nationaux doivent faire preuve d’honnêteté face à l’importance de l’urgence climatique, de façon à donner autant de pouvoir, de confiance et de soutien que possible aux groupes locaux pour leur permettre d’agir efficacement. 

Je ne soutiens pas un parti politique ou un autre, car la transition écologique se joue à l’échelle locale, au sein de groupes de citoyens. Mais même si je ne soutiens aucun parti, le succès des groupes politiques écologistes lors des dernières élections municipales en France me donnent beaucoup d’espoir.

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