Un cortège syndical contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a réuni le plus grand nombre de manifestants du défilé traditionnel du 1er Mai à Nantes. En pleines tensions de l’entre-deux-tours, les manifestants voient dans la rue le seul espace d’expression politique. Par Jade Lindgaard le 1er mai 2017 pour Mediapart.
Cortège contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans la manifestation syndicale du 1er mai, à Nantes (JL)
Nantes (Loire-Atlantique), envoyée spéciale.– Un pied, puis l’autre, et inversement, à un rythme intermittent. Elle se danse en ligne et en frappant le sol d’un bâton. C’est la plinn, danse traditionnelle bretonne revisitée par des occupant.es de la Zad de Notre-Dame-des-Landes en s’inspirant de pas de luttes venues d’ailleurs dans le monde. Lundi 1er mai, des dizaines d’opposant.es à l’aéroport du Grand Ouest l’ont étrennée dans le centre-ville de Nantes, derrière les tracteurs de paysans et en tête d’un cortège historique : le premier défilé du collectif intersyndical contre l’aéroport, au sein de la traditionnelle marche pour les droits des travailleurs. À vue d’œil, c’est la présence la plus importante de la manifestation, où défilent entre averses et rayons de soleil des militant.es de la CGT, FSU, Solidaires – FO ne participe qu’au rassemblement. C’est aussi la plus joyeuse et la plus jeune – avec le bloc tout de noir vêtu qui proclame « Soyons ingouvernables » et « Refusons les élections, faisons la révolution » quelques dizaines de mètres devant eux.
Les organisateurs annoncent 6 000 participants en tout, la préfecture 4 000. En tête de manifestation, les syndicats appellent à « en finir avec les reculs sociaux qui font le terreau de l’extrême droite ». Les rangs sont plus fournis qu’en 2016, mais on y compte près de dix fois moins de manifestants qu’en 2002. À l’époque, près de 40 000 personnes avaient marché pour dire non à l’élection de Jean-Marie Le Pen. « Ce n’est pas le raz-de-marée de 2002, la banalisation du Front national s’est produite entretemps », décrit Jean Brunacci, porte-parole de Solidaires 44.
Contre le FN, mais pas pour Macron : en pleines tensions de l’entre-deux-tours, les militants cherchent à faire entendre des voix combatives, autonomes vis-à-vis de l’issue du scrutin du 7 mai. « On ne donne pas de consigne de vote, les gens font ce qu’ils veulent. Blanc, abstention ou pour Macron, chaque expression est respectable, explique Laurent, un militant CGT. Le Pen ou Macron, c’est du pareil au même. Ce seront les luttes sociales qui décideront. » Une militante CGT affirme que « le 1er Mai, c’est pour dire à Macron que s’il est élu, on sera là, et on sera pas dupes ». Pour Fabrice David, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT en Loire-Atlantique : « Pas une seule voix ne doit aller à Marine Le Pen. Ce parti est un danger mortel pour le monde salarié et syndical. Mais on dénonce aussi le programme de Macron, ses attaques contre le monde du travail et la protection sociale. C’est dans la droite ligne de la politique de Hollande que nous avons combattue pendant cinq ans. »
Sono dansante, cuisine vegan roulante, quatre tracteurs et une bétaillère : le cortège contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes détonne dans le défilé nantais. Ses drapeaux noirs claquent au vent : on y voit un poing blanc écraser un avion. Tout autour, une ronde de lettres : « Collectif intersyndical contre l’aéroport à NDDL et son monde ». Le slogan de la Zad, « contre l’aéroport et son monde », a été modifié pour convenir aux militants syndicaux qui défendent le maintien de leur actuel lieu de travail, l’aéroport de Nantes Atlantique. Peinte en larges lettres blanches sur fond noir, la banderole du cortège résume la prouesse politique accomplie par le jeune collectif intersyndical : « Maintien de Nantes Atlantique, Non aux expulsions sur la Zad ». Ou comment figurer l’alliance politique inattendue entre travailleurs aéroportuaires et militants anticapitalistes et anti-hiérarchies. Pour Steeve, militant de la CGT AGO qui réunit des salariés de l’actuelle plateforme aéroportuaire de Nantes Atlantique : « Le système économique nous divise tous. La convergence des luttes paysannes et ouvrières avait disparu à Nantes. Mais aujourd’hui la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et celle pour le garder là où il est se rapprochent. »
Cheville ouvrière du collectif, Tristan porte haut dans les airs un drapeau barré d’un avion. « Avec le mouvement contre l’aéroport, on se retrouve dans la lutte. On a les mêmes revendications. Ils nous soutiennent dans notre lutte. Et nous on les soutient dans la leur. » Une petite dizaine de travailleurs de Nantes Atlantique sont présents. Difficile de mobiliser, alors que la saison bat son plein sur l’aérogare et que la journée de travail est payée double en ce jour férié. Pour Camille, membre du collectif et habitant de la Zad, « on souhaite s’adresser au monde des salariés et syndiqués et faire passer le message que les arguments pro-NDDL au nom de l’emploi sont mensongers. On voudrait aussi faire connaître aux salariés dépossédés de leur travail ce qui se vit sur la Zad : on peut repenser la production, sans patron et sans hiérarchie ». Militant de l’union locale CGT de Carquefou, Jean-Luc considère qu’« il faut affirmer qu’il existe au sein du mouvement syndical une composante opposée à l’aéroport. Cette dimension existe mais ne s’était jamais complètement exprimée jusqu’ici. C’est une façon de combattre la réduction de Notre-Dame-des-Landes à un combat écologique. L’enjeu fondamental c’est la convergence des luttes sociales et des luttes écologistes ». Autour d’eux, la foule chante : « Ni avion, ni béton ! Ni patrie, ni patron ! »
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