par Stéphane Lauer, correspondant du Monde à New-York, 16 janvier 2016, http://www.lemonde.fr/energies/article/2016/01/16/les-etats-unis-commencent-a-changer-la-facon-de-gerer-leurs-ressources-charbonnieres_4848363_1653054.html?xtmc=changement_majeur&xtcr=1
La Spring Creek Mine de Decker, dans le Montana
L’ère du charbon n’est pas encore révolue aux États-Unis, mais les temps sont en train de changer. En témoigne la décision de l’administration américaine, vendredi 15 janvier, de revoir les modalités d’ouverture de nouvelles mines sur les terres fédérales. Conformément à ce qu’avait annoncé Barack Obama dans son discours sur l’état de l’Union, mardi 12 janvier, le président veut changer la façon dont le gouvernement gère ses ressources d’énergies fossiles. En l’espèce, les autorisations d’exploitation ne seront plus accordées sans un examen complet des frais facturés aux compagnies minières en fonction de l’impact de l’extraction du charbon sur l’environnement.
Il s’agit d’une évolution majeure dans la mesure où environ 40 % du charbon produit aux États-Unis proviennent de terres appartenant à l’État. Cette décision était attendue de longue date par les associations de protection de l’environnement, alors que ces modalités n’avaient pas été révisées depuis 1979. « Il est évident que l’époque n’est plus ce qu’elle était il y a trente ans, et il est maintenant temps de revoir [la réglementation] », a déclaré Sally Jewell, la ministre des affaires intérieures et des ressources naturelles.
Impact environnemental : « L’Amérique se réveille »
Cette réforme « est dans l’intérêt des contribuables », estime Tom Sanzillo, directeur financier de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis. « Un moratoire sur les concessions fédérales va permettre au gouvernement et aux parties prenantes de mettre en place un nouveau modèle économique pour le charbon », espère-t-il.
Depuis 1976, le gouvernement percevait une redevance de 12,5 % sur les ventes générées par les mines situées sur des terrains publics. Ces royalties étaient ensuite partagées entre l’État fédéral et l’État fédéré où se trouvait le gisement. Les principaux sites d’exploitation sont installés dans le Wyoming, le Montana, l’Utah, le Nouveau-Mexique et le Colorado. Le gouvernement perçoit en sus une taxe annuelle de 3 dollars par parcelle de 0,4 hectare.
Alors que le nombre de concessions est passé de 489 à 308 en l’espace de vingt-cinq ans, la question est de savoir si ces prélèvements compensent les coûts de l’impact de l’exploitation charbonnière sur l’environnement. Cette ressource énergétique est considérée comme l’une des principales sources d’émissions de CO2 contribuant au réchauffement climatique. Le ministère des affaires intérieures et des ressources naturelles estime que le charbon produit sur des terres fédérales contribuerait à 28 % des émissions totales des États-Unis.
« L’Amérique se réveille de son cauchemar : la dépendance aux combustibles fossiles », s’enthousiasme Michael Brune, le directeur du Sierra Club, une organisation environnementale. « Notre santé ne va plus être exposée aux dangers des mines de charbon et de leur développement, nos terres publiques ne vont plus être ravagées pour une source d’énergie dépassée », estime-t-il, ajoutant que la décision du gouvernement « est le genre d’action qui renforce le leadership international de l’Amérique à la suite de l’accord historique sur le climat conclu à Paris » le 12 décembre 2015.
Déclin du secteur, sous la concurrence du gaz
Toutefois, si la première conséquence de la décision est de geler les attributions de concession le temps de l’examen, il est difficile de savoir quel sera son résultat final. A ce stade, aucune recommandation pour augmenter la taxation de l’extraction n’a été émise.
Les industriels ont déjà prévenu que des prélèvements supplémentaires se feraient au détriment des consommateurs d’électricité et auraient un impact significatif sur l’emploi. Sans attendre ces conséquences, le déclin du secteur est déjà largement avancé. Depuis 2012, cinquante producteurs de charbon américains se sont placés sous la protection de la loi sur les faillites, dont le numéro deux du secteur, Arch Coal, le 11 janvier.
Le groupe du Missouri est très exposé aux gisements des Appalaches et subit de plein fouet la concurrence du gaz naturel. Arch Coal a perdu 2 milliards de dollars au troisième trimestre 2015 et n’était plus en situation d’honorer le service de sa dette de long terme, d’un montant de 5,1 milliards de dollars.
« De plus en plus de producteurs de charbon américains se trouvent contraints de restructurer des dettes devenues insoutenables, ce qui met en évidence le déclin structurel du secteur. La priorité doit maintenant être de restructurer le secteur de façon responsable », explique James Leaton, directeur de la recherche du think-tank financier Carbon Tracker. L’action du numéro un du secteur, Peabody, a décroché, vendredi, de 6,77 % à 3,93 dollars.
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