LE PLUS. 256 voix pour, 44 contre et 131 abstentions. Mardi, l'Assemblée nationale a ratifié l'accord européen permettant la création d'un Mécanisme européen de stabilité, censé devenir un pare-feu contre les crises de la dette. Une aberration pour Eva Joly, candidate EELV à l'élection présidentielle, qui s'est exprimée en ce sens lundi à Paris et met cette fois-ci son indignation et ses solutions par écrit.
Par Eva Joly Candidate EELV pour 2012
Edité par Hélène Decommer Auteur parrainé par Julien Bayou
Je rentre de Grèce. Mardi à Paris, l’Assemblée a voté le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), malgré le non des députés EELV. Ce plan ne répond pas à la crise. Le MES tel qu'il nous est proposé n'est pas acceptable, car il est lié à une potion amère qui est inacceptable : en Grèce, le remède est en train de tuer le patient.
Des manifestants s'opposent à des policiers devant le Parlement grec, Athènes, le 12/02/2012 (ARGYROPOULOS/SIPA)
Ce que tous les dirigeants européens devraient voir
C'est pourquoi nous refusons le piège de Sarkozy qui voudrait résumer l'Europe à son match avec Marine Le Pen : l'austérité pour tous ou la sortie de l'euro. Ce que j'ai vu à Athènes devrait être vu par tous les dirigeants européens. Aujourd'hui, nous sommes tous des Grecs. Car ce qui se passe en Grèce est inacceptable et concerne tous les Européens.
Que voulez-vous dire à une mère de famille qui voit son salaire réduit de 22% alors qu'elle ne parvenait déjà pas à nourrir sa famille ? Que voulez-vous dire à un jeune de moins de 25 ans qui est au chômage et sans espoir de trouver un emploi comme la moitié de sa génération ? Que voulez-vous dire à un retraité qui se trouve sans ressources depuis que les pensions ont été baissées ?
Aujourd'hui en Grèce, il y a un sentiment de désespoir, de révolte profonde et même la crainte d’une dérive autoritaire. Les citoyens grecs ont le sentiment qu'il n'y a plus d'espoir et que quoi qu'il arrive, l'Etat jouera toujours contre eux.
Ils ont accepté un premier plan d'austérité. Ils ont accepté un second plan d'austérité, parce qu'ils savaient toujours que des réformes étaient nécessaires. Aujourd'hui, ils en sont au neuvième et la situation ne fait que se détériorer. Les conditions sont toujours plus dures et violentes.
Les mesures imposées par la Troïka (la Commission européenne, la BCE et le FMI) sont bien connues. Ce sont les mêmes mesures que le FMI a imposé en Afrique, en Argentine ou au Brésil, sous le nom de "Plan d'ajustement structurel". Ces remèdes ne marchent pas et le remède devient vite le poison. La Troïka obéit à une idéologie néo-libérale plutôt qu'à une logique de développement d'un pays : tandis que de riches Grecs continuent de bénéficier du secret bancaire pour protéger leurs économies en Suisse et que la corruption est très répandue, la majorité des Grecs se trouve aujourd'hui dans l'exclusion et le dénuement.
Il nous faut un nouveau traité
Pourquoi, en tant que candidate à l'élection présidentielle française, me suis-je rendue en Grèce ? Parce que ce qui se passe là-bas ne fait que préparer une récession dans toute l'Europe. Les premières mesures qu'a subies la Grèce, nous les connaissons déjà en France : hausse forte de la TVA, recul de l'âge de la retraite, diminution du nombre de fonctionnaires.
La solution à la crise, en Grèce comme en France, c'est l'Europe et l'Ecologie. C'est uniquement par une solidarité européenne majeure que nous parviendrons à stopper l'hémorragie sociale qui touche la Grèce aujourd'hui mais se répand déjà au Portugal, en Espagne, en Italie et peut-être demain en France. C'est uniquement par un saut fédéral démocratique que nous pourrons donner un cadre démocratique à l'action que nous devons mener dans l'ensemble de ces pays. Ceux qui disent agir au nom de l'Europe et agissent en fait aux ordres de Merkel et Sarkozy sont en train de défaire l'Europe, car ils la transforment en menace plutôt qu'en facteur de paix.
Il nous faut un nouveau traité qui ne vise non pas à rassurer les banques, les financiers de la City et des grandes places européennes, mais qui mette au coeur de leurs soucis les citoyens, en commençant par les citoyens grecs. J'ai baptisé ce traité "Traité d'Athènes", parce que je pense que l'ensemble des dirigeants européens devrait venir se pencher sur la situation de la Grèce et y apporter des réponses plutôt que de la regarder de loin comme un fardeau. Nous sommes tous concernés.
Nous devons mettre en commun nos dettes au niveau européen pour que le fardeau soit partagé et renégocié. Nous devons imposer une législation qui annule le secret bancaire et lutte contre les paradis fiscaux, avec une taxe sur les transactions financières pour qu’il n'y ait pas d'un côté les victimes et de l'autre les bénéficiaires de cette crise.
Nous devons lancer un grand plan d'investissement écologique au niveau européen pour qu'en Grèce comme dans le reste de l'Europe, nous puissions prendre la voie de la transition écologique et de la création de nouveaux emplois. Nous devons réussir un fédéralisme budgétaire qui mette en commun un budget européen, un impôt commun et les moyens d'agir.
Nous devons mettre en place un audit européen des dettes publiques pour que toute la lumière soit faite sur les causes de cet endettement. Le Traité proposé par Merkozy nous pousse dans la même impasse que celle proposée par la Troïka en Grèce, parce qu'il poursuit les recettes idéologiques qui ont échoué en Grèce comme ailleurs.
D'autres solutions existent : nous avons besoin d'un Mécanisme Européen de Solidarité.
Ces réformes, nous pouvons les mettre en place dès maintenant. Je lance un appel à toutes celles et ceux qui croient en l'Europe. Nous devons sauver la Grèce pour sauver l'Europe. Nous devons sauver l'Europe pour sauver l'ensemble des citoyens du péril de la récession.
L'austérité n'est pas une fatalité. La Grèce ne peut pas attendre. L'Europe ne peut pas attendre.
http://ht.ly/9e1ty