Mercredi 13 novembre, des associations ont présenté un projet de « pacte carbone » permettant, selon elles, de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre sans pénaliser les plus pauvres. D’après Marie-Noëlle Bertrand pour l’Humanité et Victor Chaix pour Reporterre le vendredi 15 novembre 2019. Lire aussi Le CESE demande au gouvernement une nouvelle trajectoire de la contribution climat énergie, Premier rapport du Haut Conseil pour le climat : la France parle beaucoup mais agit peu et Des taxes carbone efficaces et approuvées par la population – c’est possible !
Une autre taxe carbone est-elle possible ? À l’origine de la colère populaire qui a explosée en novembre 2018, la question a été déléguée par le gouvernement à la Convention citoyenne pour le climat lancée début octobre. Celle-ci devrait rendre ses conclusions début 2020. Sans attendre cette échéance, le Réseau Action Climat (RAC), qui rassemble une vingtaine de grandes ONG françaises, a travaillé à une proposition et l’a soumise à plusieurs acteurs du mouvement des gilets jaunes. Clé de voûte de leur revendication : la redistribution d’une partie des recettes générées par la taxe vers les ménages les plus vulnérables, afin de garantir une équité dont elle est aujourd’hui dépourvue. Instaurée en 2014, la contribution climat énergie, dite taxe carbone, visait à réduire la consommation d’essence et de gasoil des ménages en créant un « signal prix » rédhibitoire qui augmenterait progressivement, mais vite. De 7 euros par tonne de CO2 en 2014, cette taxe est passée à 44,60 euros la tonne en 2018, équivalant à 7,5 centimes d’euros par litre d’essence. La hausse aurait dû se poursuivre en 2019… Les gilets jaunes y ont mis le holà, dénonçant un mécanisme qui, au final, contribue à creuser les inégalités entre riches et pauvres, urbains et ruraux, bénéficiaires et exclus des transports en commun.
« Le gel par le gouvernement de la hausse de la taxe carbone n’a ni permis de créer plus de justice fiscale, ni de repenser la redistribution en faisant de la taxe carbone un outil plus juste au service des pauvres », selon le rapport qu’a publié à cette occasion Réseau Action Climat.
Une taxe carbone juste est-elle possible ?
En effet, les 10% les plus pauvres consacrent 2,6 fois plus d’argent de leur budget que les 10% les plus riches dans la taxe carbone. À cela s’ajoutent d’autres injustices, comme le fait qu’il est plus facile pour les ménages les plus aisés de se convertir à des moyens moins énergivores de se déplacer ou de se chauffer, tandis que les 10 % des ménages qui gagnent le plus émettent trois fois plus de gaz à effet de serre que les 10 % les plus pauvres, « ce qui n’illustre pas le principe du pollueur payeur », selon Quentin Parrinello, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam France, qui poursuit : « Alors que cette année enregistre de nouvelles inégalités, il n’est pas possible de ne pas prendre cette réalité en compte ».
Pas plus qu’il n’est possible d’ignorer la réalité du changement climatique auquel contribuent les émissions de gaz à effet de serre du trafic routier. « On nous présente ce sujet comme une impasse », relève Daphné Chamard-Teirlinck, du Secours Catholique Caritas France. Faux, répondent les organisations, qui rappellent que tout est question de choix politique.
Redistribution des recettes
Le RAC avance celui de redistribuer une part des recettes générées par la taxe carbone – 8 milliards d’euros à ce jour – aux ménages les plus vulnérables sous formes de chèques ou de crédit d’impôt. Afin d’évaluer les effets d’une telle redistribution, le RAC met en ligne un calculateur permettant d’intégrer différents paramètres tels que la composition du foyer, son type de chauffage et de transport, ou encore le pourcentage de la taxe carbone redistribué.
Cas d’école : une redistribution de 50 % des recettes de la taxe carbone – soit 4 milliards d’euros – entre les 50 % des ménages les plus pauvres. Dans ce scénario, une famille de trois personnes, vivant à l’année avec 22 000 euros et parcourant 15 000 kilomètres en véhicule diesel, se verrait ponctionner 252 euros par an au titre de la taxe carbone. Elle percevrait, en retour, 402 euros au titre de la redistribution. Suffisant pour assurer l’équité ? « À la seule condition d’y adjoindre d’autres mesures », tempère Priscillia Ludosky, figure des gilets jaunes. Singulièrement la suppression des exemptions de taxes accordées aux entreprises les plus polluantes.
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