Une future usine de nettoyage des linges radioactifs, en Haute-Marne, inquiète les riverains. Par Emilie Torgemen le 28 mai pour l'Humanité. Lire aussi Ces déchets nucléaires près de chez vous.
Les combinaisons et textiles divers utilisés dans les centrales nucléaires sont nettoyés dans des laveries spécialisées, comme celle qui doit ouvrir en 2021 non loin de Bure (Meuse).
À Suzannecourt (Haute-Marne), la Marne s’écoule à petit filet. Si près de sa source, l’affluent de la Seine n’a pas le fort débit qu’il atteint en région parisienne. C’est sur les berges de cette petite rivière qu’Unitech compte installer sa prochaine « laverie nucléaire ». Or, 101 riverains et trois associations environnementales, Cedra (Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs), Nature Haute-Marne et le Réseau Sortir du nucléaire, attaquent en justice ce gigantesque pressing destiné à laver le linge contaminé des centrales nucléaires françaises. Ils ont déposé hier un recours en référé contre un arrêté accordant un permis de construction d’une laverie nucléaire dans cette commune.
« C’est un non-sens d’installer une activité polluante et radioactive en tête de bassin, pointe Bertrand Thuillier, ingénieur remonté contre ce projet. La chimie et notamment les phosphates vont faire proliférer les algues, la radioactivité va polluer l’eau potable des villes alentour. » Jusqu’au lac du Der, site touristique à 40 km, qui pourrait selon lui être contaminé.
60 000 L d'eau rejetés chaque jour eau
A terme, l’installation, qui doit ouvrir en 2021, doit laver plus de 1 900 t de linge par an et rejeter chaque jour près de 60 000 l d’une eau potentiellement chargée en phosphates, en nitrates, en métaux lourds… et en matières radioactives.
« Il n’y a pas d’inquiétudes à avoir, défend de son côté Jacques Grisot, directeur général d’Unitech. Selon les études, les rejets prévus seront trois cents fois sous les seuils légaux. »
Les laveries nucléaires sont des installations peu connues : on y nettoie combinaisons, vêtements, textiles divers utilisés dans les centrales avant de les retourner à l’envoyeur. A Suzannecourt, on lavera 30 % de « linge blanc », c’est-à-dire non radioactif, et 70 % de « linge rouge » irradié. Mais les combinaisons les plus exposées aux radiations n’y ont « pas droit de cité », insiste Jacques Grisot. Considérées comme des déchets, elles sont stockées à La Hague (Manche). Historiquement, les centrales françaises disposaient chacune de leurs machines à laver mais la tendance est à la sous-traitance. La laverie de Suzannecourt est censée prendre la relève de celle d’Areva à La Hague.
Le futur « pressing atomique » de Haute-Marne est situé à une vingtaine de kilomètres de Bure, le village de la Meuse qui doit accueillir Cigéo, le projet d’enfouissement des déchets radioactifs. Surprenant ? Pas du tout. « C’est la double peine, s’agace Jacques Leray, porte-parole du Cedra. Comme nous acceptons la poubelle radioactive du pays, l’Etat nous a promis une enveloppe pour développer le territoire (NDLR : les producteurs de déchets radioactifs distribuent dans ce département 30 millions d’euros par an). L’argent ne va pas dans des projets porteurs, il retourne en fait au nucléaire ! » Sur les rives de la Marne, au milieu des champs et des jolis corps de ferme, les industries nucléaires inquiètent de plus en plus. Quatorze communes situées plus bas sur le cours d’eau ont délibéré contre ce projet. La contestation se développe au fil de l’eau.
commenter cet article …