Après le maire de Grande-Synthe (Nord) qui attaque les pouvoirs publics pour « inaction » en matière de réduction des gaz à effet de serre, quatre associations écologistes déposent mardi 18 décembre un recours contre l’Etat, auquel il a deux mois pour répondre, sous peine de poursuites judiciaires. Elles réclament la réparation des préjudices moral et écologique subis, et la mise en œuvre des mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés. D'après Le Parisien et Le Monde le 18 décembre 2018. Lire aussi Un maire attaque l’Etat pour inaction climatique pour la première fois en France, Les Pays-Bas sommés par la justice de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour protéger leurs citoyens et Des citoyens attaquent en justice l’Europe pour son échec à les protéger contre le réchauffement climatique. Signez la pétition de soutien sur https://laffairedusiecle.net/.
Magali enseigne sur l’île de Saint-Martin et a vécu sans toit pendant une longue période après le passage du cyclone Irma en 2017. Du fait de sécheresses à répétition, Maurice, lui, voit années après années ses champs de lavande dépérir dans la Drôme. Quant à Jean-François, mytiliculteur sur l’île d’Oléron, il constate avec dépit que sa production de moules est de plus en plus affectée par la dégradation de leur milieu naturel. Magali, Maurice et Jean-François ont décidé de s’associer au recours en justice annoncé ce mardi par quatre associations écologistes contre l’Etat français pour « inaction face au changement climatique ».
Le président de la République Emmanuel Macron, le premier ministre Edouard Philippe et une dizaine de membres de son gouvernement ont reçu, lundi 17 décembre, un courriel d’une quarantaine de pages qui devrait retenir toute leur attention. Cette « demande préalable indemnitaire », que Le Monde a pu consulter, émane des associations environnementales Fondation pour la nature et l’homme (FNH), Greenpeace France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France. Elle est l’étape préalable obligatoire à l’enclenchement d’un recours devant le tribunal administratif de Paris visant à faire sanctionner l’Etat français pour « carence fautive ».
Fontes des glaciers, élévation du niveau de la mer, perte de la biodiversité, dégradation de la qualité de l’air, exposition de la population à des phénomènes météorologiques extrêmes et à des pathologies allergiques et respiratoires nouvelles ou aggravées… Ainsi qu’elles devaient l’annoncer lors d’une conférence de presse, mardi 18 décembre, les quatre ONG reprochent aux pouvoirs publics de n’avoir pas déployé de mesures « concrètes et effectives » pour lutter contre le changement climatique et ses effets, alors que la Constitution comme la Convention européenne des droits de l’homme leur imposent notamment de veiller à la protection de l’environnement, de la santé et de la sécurité humaine.
« La justice pour seul levier »
« Selon un rapport du World Resources Institute publié en octobre, seuls seize Etats sur 197 – dont aucun membre de l’Union européenne [UE] – sont sur la bonne trajectoire pour tenir les engagements de l’accord de Paris qui entrera en vigueur en 2020, note Marie Toussaint, présidente de Notre Affaire à Tous. Les moyens d’actions traditionnels pour peser sur l’exécutif et le législatif semblent épuisés ; il nous reste la justice pour seul levier. »
Pour épingler l’Etat français, les associations requérantes s’appuient sur le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) du 8 octobre qui souligne que les températures moyennes devraient atteindre le seuil critique de 1,5 °C entre 2030 et 2052, si le réchauffement climatique continue au rythme actuel et si les Etats ne prennent pas des mesures « rapides » et « sans précédent ».
« Malgré de nombreuses annonces, expliquent-elles dans leur recours, la France ne respecte quasiment aucun des objectifs et engagements qu’elle s’est elle-même fixés à minima et se contente de repousser l’effort sur les années à venir. » Pour exemple, alors qu’elle dit viser la neutralité en gaz à effet de serre d’ici à 2050, ses émissions globales sont reparties à la hausse dépassant les plafonds annuels d’émissions fixés par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour 2016 et 2017, ce qui augure d’un dépassement du budget carbone fixé pour la période 2015-1018. Révisée et publiée début décembre, la SNBC en a pris acte et a relevé les budgets carbones jusqu’en 2023…
Multiplication des recours
Les ONG rappellent donc les leviers d’actions dont dispose la France pour remédier à ces carences : investissements publics, arbitrages budgétaires, fiscalité, adoption de réglementations et normes contraignantes ou incitatives dans des secteurs comme les transports, les bâtiments ou l’agriculture… Elles sollicitent la réparation des préjudices moral et écologique subis, et la mise en œuvre immédiate de toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’augmentation de l’efficacité énergétique.
« L’Etat français accuse un tel retard qu’il lui sera difficile de nous adresser une réponse satisfaisante dans le délai imparti de deux mois, déclare Marie Toussaint. Notre recours devrait donc arriver devant le tribunal administratif de Paris au printemps 2019. » Les ONG auront alors à démontrer un « lien de causalité » entre des carences fautives de l’Etat et l’aggravation continue du changement climatique. Elles appellent au soutien de leur action par le biais d’une pétition accessible sur le site www.laffairedusiècle.net.
Les citoyens multiplient les recours dans le monde afin de faire reconnaître leurs droits face au changement climatique. En mars 2017, un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement en a recensé 894, dont 667 aux Etats-Unis.
Le 9 octobre, l’association Urgenda qui avait porté plainte au nom de 886 citoyens contre l’Etat néerlandais a obtenu une victoire judiciaire sans précédent. Confirmant un jugement de première instance de 2015 selon lequel l’Etat agissait « illégalement et en violation du devoir de diligence », la Cour d’appel de La Haye a ordonné au gouvernement néerlandais de réduire, d’ici à la fin de l’année 2020, les émissions de CO2 néerlandaises d’au moins 25 % par rapport à leur niveau de 1990, afin de protéger la vie des populations néerlandaise et du reste du monde.
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