Une étude de l’association Générations Futures, les résidus de pesticides présents dans notre alimentation, même à très faible dose, sont des perturbateurs endocriniens potentiels et repose la question des risques chroniques pour le consommateur exposé à de faibles doses. D'après Le Parisien et Le Monde le 4 septembre 2018. Lire aussi Le rapport-choc de l’IGAS sur les perturbateurs endocriniens interrogent l’inaction des pouvoirs publics, et sur le fond, Perturbateurs endocriniens : la fabrique d'un mensonge et Perturbateurs endocriniens : l’histoire secrète d’un scandale.
Boscalide, Difenoconazole, fludioxonil, Pyrimethanil… À chaque fois que vous consommez des fruits, des légumes, des céréales, de la viande, du lait, vous ingurgitez sans le savoir d’infimes doses de pesticides. D’après la dernière analyse rendue publique cet été par l’Agence de sécurité alimentaire européenne (EFSA), 96,2 % des échantillons d’aliments passés à la loupe des toxicologues ont des concentrations de résidus de produits chimiques inexistantes ou inférieures aux limites maximales autorisées en résidus.
Officiellement, rien de grave donc. Sauf que l’association écologiste Générations futures a analysé plus finement ces résultats et s’est rendu compte que sur les 109 843 résidus de pesticides trouvés par l’agence européenne dans des produits de consommation, 69 433 sont des restes de pesticides suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, soit 6 sur 10.
Ce chiffre inquiète très sérieusement l’ONG. « Avec les perturbateurs endocriniens, ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais la période d’exposition, souligne le porte-parole de Générations Futures François Veillerette. Si un adulte comme moi consomme des pesticides, cela n’aura pas le même effet que s’il s’agit de très jeunes enfants et surtout de fœtus qui y sont particulièrement sensibles, même à des doses très faibles. »
Des bébés confrontés à ces substances
Or, parmi les produits analysés par l’EFSA figuraient notamment des produits destinés aux bébés. Qui dit bébé dit être en croissance. Et c’est précisément à ce stade que les perturbateurs endocriniens sont les plus dangereux. « On sait que l’exposition intra-utérine aux perturbateurs endocriniens peut être responsable de malformations génitales et plus tard des problèmes d’infertilité, d’obésité, de diabète, de développement intellectuel », détaille François Veillerette.
Parmi les 350 résidus de molécules chimiques trouvés dans les 41 722 échantillons de nourriture analysés par l’EFSA, 157 substances sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens. L’une d’elles, le boscalide, est un fongicide fréquemment utilisé pour protéger les cultures de fruits et légumes. Il a été retrouvé dans pas moins de 6 815 échantillons !
Pour François Veillerette, porte-parole de l’association, la conclusion est que « les voies d’exposition par l’alimentation doivent donc absolument être considérées par les autorités. Malheureusement, nous n’avons pas accès à suffisamment de données pour estimer la proportion d’échantillons sur lesquels on retrouve des pesticides perturbateurs endocriniens. La seule chose que nous pouvons dire, c’est que près des deux tiers des résidus de pesticides quantifiés dans le cadre du programme de surveillance européen sont des perturbateurs endocriniens potentiels et que les voies d’exposition par l’alimentation doivent donc absolument être considérées par les autorités. »
Un consensus scientifique d’ailleurs repris en France par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui, dans son rapport de décembre 2017 sur les perturbateurs endocriniens, précisait que « les recherches de ces dernières années confirment la dissociation entre la dose et l’effet des perturbateurs endocriniens, cumulée avec les effets dits “cocktail”, et remettent en question les raisonnements classiques de la toxicologie » (cf. Le rapport-choc de l’IGAS sur les perturbateurs endocriniens interrogent l’inaction des pouvoirs publics).
La toxicologie classique bousculée
La toxicologie classique est de plus en plus bousculée par de profonds changements de paradigmes scientifiques. Dans une étude publiée en juin dans la revue Environmental Health Perspectives, une équipe de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) montrait par exemple que des rongeurs mâles exposés à six pesticides communs, à des doses considérées comme sans effet nocif par les agences réglementaires, développaient des troubles métaboliques évocateurs du diabète : prise de poids doublée par rapport aux animaux non exposés, taux de cholestérol et glycémie à jeun élevés, accumulation de graisse hépatique.
Les perturbateurs endocriniens sont suspectés d’être l’une des causes de l’augmentation de certaines maladies non transmissibles (cancers hormono-dépendants, troubles neuro-comportementaux, infertilité, obésité et diabète, etc.) dans la population générale. La question de leur inclusion – au même titre que les cancérogènes, les mutagènes et les reprotoxiques – dans la réglementation européenne est au cœur d’un long feuilleton bruxellois qui dure depuis près de vingt ans.
Alors que la future loi sur l’agriculture et l’alimentation doit de nouveau être discutée fin septembre, Générations futures demande au gouvernement de prendre en compte ces résultats d’analyse et de lister au plus vite les molécules les plus problématiques pour les retirer du marché. Et elle conseille aux consommateurs, dans la mesure du possible, de privilégier l’alimentation bio.
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