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16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 09:14

Capitalisme, démesure et autodestruction est le sous-titre de ce livre. Anselm Jappe est un des représentants les plus importants en France de la théorie critique de la valeur, une théorie de critique radicale du capitalisme inspirée par Karl Marx, mais qui s'oppose au marxisme traditionnel, et dont André Gorz était très proche dans ses dernières années. D’après http://dissidences.hypotheses.org et http://www.palim-psao.fr, Palim Psao qui propose un ensemble de textes et vidéos portant sur les courants de la critique de la valeur (Wertkritik) et de la critique de la valeur-dissociation (Wert-abspaltungskritik), autour des œuvres de Robert Kurz, Anselm Jappe, Roswitha Scholz, Norbert Trenkle, Ernst Lohoff, Moishe Postone, Claus Peter Ortlieb, etc., et des revues Krisis, Exit ! et Sortir de l'économie, et suivi d’un entretien avec l'auteur qui trace les traits d'une société en proie à une pulsion autodestructrice pour Mediapart.

La Découverte, 2017, 248 pages, 22 €.

La Découverte, 2017, 248 pages, 22 €.

Anselm Jappe est le représentant en France de la théorie critique de la valeur, une théorie qui relit Marx à travers l’abstraction induite par la marchandisation du monde. Cette critique radicale (au sens de « à la racine ») du capitalisme, portée par la revue allemande Krisis dans les années 1990 et 2000, se distingue néanmoins profondément des autres écoles marxistes par son rejet de certains éléments clés comme la lutte de classes. L’auteur avait présenté cette théorie au public français en 2004 dans Les Aventures de la marchandise, qui est republié aux éditions La Découverte ces jours-ci, alors que paraît chez le même éditeur son nouvel ouvrage, La Société autophage.

 Dans La société autophage, le philosophe allemand Anselm Jappe livre une proposition théorique originale et très radicale du capitalisme ainsi qu’une analyse des formes de violence extrêmes. En s’intéressant au sujet narcissique-fétichiste, qu’il identifie comme la subjectivité propre au capitalisme de crise, la « critique de la valeur » élargit ici son discours à la sphère des structures psychiques, à la recherche du sujet même de la fétichisation de la marchandise. Ce livre s’adresse à tous ceux qui se préoccupent de la « pulsion de mort » de la société actuelle et qui pensent qu’elle est le résultat d’une véritable crise de civilisation.    

   Le mythe grec d’Érysichthon nous parle d’un roi qui s’autodévora parce que rien ne pouvait assouvir sa faim – punition divine pour un outrage fait à la nature. Cette anticipation d’une société vouée à une dynamique autodestructrice constitue le point de départ de La Société autophage. Anselm Jappe y poursuit l’enquête commencée dans ses livres précédents, où il montrait – en relisant les théories de Karl Marx au prisme de la « critique de la valeur » – que la société moderne est entièrement fondée sur le travail abstrait et l’argent, la marchandise et la valeur.

   Mais comment les individus vivent-ils la société marchande ? Quel type de subjectivité le capitalisme produit-il ? Pour le comprendre, il faut rouvrir le dialogue avec la tradition psychanalytique, de Freud à Erich Fromm ou Christopher Lasch. Et renoncer à l’idée, forgée par la Raison moderne, que le « sujet » est un individu libre et autonome. En réalité, ce dernier est le fruit de l’intériorisation des contraintes créées par le capitalisme, et aujourd’hui le réceptacle d’une combinaison létale entre narcissisme et fétichisme de la marchandise.
Le sujet fétichiste-narcissique ne tolère plus aucune frustration et conçoit le monde comme un moyen sans fin voué à l’illimitation et la démesure. Cette perte de sens et cette négation des limites débouchent sur ce qu’Anselm Jappe appelle la « pulsion de mort du capitalisme » : un déchaînement de violences extrêmes, de tueries de masse et de meurtres « gratuits » qui précipite le monde des hommes vers sa chute.

   Dans ce contexte, les tenants de l’émancipation sociale doivent urgemment dépasser la simple indignation contre les tares du présent – qui est souvent le masque d’une nostalgie pour des stades antérieurs du capitalisme – et prendre acte d’une véritable « mutation anthropologique » ayant tous les atours d’une dynamique régressive.

 Les conclusions de cette traversée, nécessairement partielle, des logiques contemporaines permettent d’affirmer une thèse importante : il n’y a pas de « forme-sujet » opprimé de l’extérieur par la « forme-marchandise », comme par un carcan dont il suffirait de sortir pour se libérer. Au contraire, il y a eu historiquement, comme l’affirme Jappe, un « développement parallèle et conjoint de la forme-sujet et de la forme-marchandise » (p. 220). Cette idée conduit à rien moins qu’à un changement dans le paradigme traditionnel de l’émancipation à gauche, car elle oblige chaque militant qui souhaite un changement radical à repenser l’action politique également dans les termes d’une nécessaire déconstruction de « sa propre constitution psychique narcissique ». Ambitieux programme, que celui pour lequel la sortie de la société marchande passe au préalable par une importante transformation individuelle ! D’ailleurs, l’auteur n’a pas la prétention de donner la marche à suivre : le chemin reste à trouver, à tel point que son indétermination peut paraître un peu décourageante. Il n’en reste pas moins que l’ouvrage présente l’immense intérêt, par rapport à d’autres analyses contemporaines par ailleurs convergentes, de ne pas tomber dans l’ornière de l’invocation nostalgique de formes d’organisation sociale ou de rapports humains hérités du passé, ou même d’une « nature » de l’homme qui laisserait bien peu de place à l’invention historique.

Dans un entretien accordé à Mediapart, Anselm Jappe revient sur quelques-uns des principaux thèmes de sa théorie, sur son dialogue avec la psychanalyse ou avec certains essayistes critiques de la société néolibérale, sur sa critique du marxisme traditionnel et sur le devenir du capitalisme.

Anselm Jappe

Anselm Jappe

Le livre que vous publiez ces jours-ci, La Société autophage, explore en détail le devenir du sujet dans la société capitaliste. Le concevez-vous comme la poursuite des Aventures de la marchandise, qui exposait au public français la théorie critique de la valeur ?

C’est une continuation plus personnelle. L’ouvrage Les Aventures de la marchandise s’appuyait principalement sur les grands théoriciens de la critique de la valeur, notamment ceux qui écrivaient dans la revue allemande Krisis. Depuis, une partie de ces derniers, notamment Robert Kurz, ont fait évoluer cette théorie vers une théorie de la critique du sujet, avec une critique des Lumières. J’ai développé parallèlement mes propres idées, en m’intéressant également à l’apport de la psychanalyse. En cela, j’ai été particulièrement marqué par la lecture de Christopher Lasch et de ses ouvrages La Culture du narcissisme et Le Moi assiégé, mais j’ai également repris les ouvrages de Herbert Marcuse et Erich Fromm. À cela se sont ajoutées plusieurs autres lectures importantes pour la genèse de ce livre, celle du sociologue Luc Boltanski ou encore de Dany-Robert Dufour, avec qui je ne suis globalement pas d’accord, mais dont la lecture m’a paru suffisamment stimulante pour me donner l’envie de lui répondre. C’est ce parcours, qui a duré dix ans, qui m’a permis de construire La Société autophage.

La théorie critique de la valeur souligne l’abstraction que le capitalisme par nature impose au monde. Est-ce là le point de départ de votre démonstration ?

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que la théorie critique de la valeur n’est pas une théorie purement économique. Elle s’inscrit dans la continuité de la pensée de Karl Marx, qui entreprend une critique de l’économie politique et non pas celle d’une théorie économique particulière. Marchandise, travail abstrait, valeur et argent ne sont pas, chez Marx, des catégories économiques, mais des catégories sociales qui forment toutes les façons d’agir et de penser dans la société. Ce n’est pas explicite chez Marx, mais c’est ce que l’on peut tirer de ses écrits. C’est pourquoi je fais de la valeur un « fait social total », au sens où l’entend Marcel Mauss.

Ces catégories sont, comme le dirait Emmanuel Kant, des formes a priori, des formes vides de sens qui sont comme des moules et dont tout découle. Ainsi, dans la société capitaliste, tout prend la forme d’une pure quantité d’argent et, au-delà même, d’une pure quantité. Cela va donc bien au-delà du seul fait économique. Ces catégories ne sont cependant pas des faits anthropologiques qui existeraient partout et toujours. Ce sont des formes qui progressivement s’imposent aux autres domaines de la vie, notamment aux relations sociales. On le voit avec l’émergence du « moi quantifié » dans le cadre de la mesure, par exemple, des prestations sportives. La quantification monétaire est une des formes les plus visibles de la société capitaliste, mais ce n’est pas la seule.

La première partie de votre livre décrit l’histoire du sujet confronté à cette abstraction imposée par le capitalisme. 

Oui, mais il est important de bien saisir la nature de cette abstraction. L’abstraction est un phénomène mental qui est évidemment une aide pour saisir le réel. On ne peut pas toujours parler d’un arbre particulier et l’on a donc recours à un concept général d’arbre. Mais il s’agit, ici, d’autre chose. Il s’agit d’une abstraction, la valeur, qui peut prendre n’importe quelle forme réelle par la quantification. Toute réalité peut être ramenée à une quantité de valeur. Elle devient alors une « abstraction réelle », concept qui n’est pas explicitement présent chez Marx, mais qui a été développé au XXe siècle. Et cela a des impacts très concrets. Un jouet ou une bombe ne deviennent ainsi plus que des quantités de la valeur abstraite et la décision de stopper ou de poursuivre leur production dépend de la quantité de survaleur, de plus-value, que ces objets contiennent.

Nous ne sommes donc plus ici dans la vision marxiste classique d’une dialectique entre base et superstructure, où l’économie s’imposerait et où le reste s’adapterait à elle. Ici, il s’agit d’une forme générale abstraite, la valeur, qui s’exprime à tous les niveaux. J’aime ainsi à citer le linguiste allemand Eske Bockelmann qui souligne qu’au XVIIe siècle la musique est passée d’une mesure qualitative à une mesure quantitative. Et cette abstraction s’exprime, au même moment, dans la nouvelle physique de Galilée ou dans la nouvelle épistémologie de Descartes.

C’est ici que prend forme l’un des éléments clés de votre pensée, la notion de fétichisme. Fondée par l'homme, la valeur dicte sa loi à l'homme. Un concept qui, selon vous, permet de saisir la nature du capitalisme au-delà des critiques habituelles.

Dans le concept marxien de fétichisme, qui découle de ce que l’on vient de dire, ce qui porte la valeur n’a aucune importance. Un jouet ou une bombe ne sont que des formes passagères d’une autre forme de réalité invisible, la quantité de travail abstrait, c’est-à-dire la valeur. Une fois cela compris, on peut aller au-delà de la simple vision moralisatrice de la société capitaliste. Le producteur de bombes produit des bombes non parce qu’il est insensible moralement, mais parce qu’il est soumis à cette logique fétichiste. L’immoralité peut s’y ajouter, mais ce n’est pas le moteur. Et, du reste, dans la société capitaliste, ce fétichisme touche aussi les ouvriers. Ceux qui fabriquent les bombes ne veulent pas perdre leur emploi. Tous participent à cette réalité, parce que tous sont soumis au fétichisme de la marchandise et de la valeur.

Il ne faut cependant pas se limiter à une vision trop systémique de la réalité. Il existe aussi un niveau de réalité fait d’idéologie et d’intérêts, où les acteurs veulent tirer des avantages réels de la situation et qui est nécessaire au bon fonctionnement du capitalisme. Les individus ne sont pas des marionnettes. Pour s’imposer, le capitalisme doit en passer par des systèmes de motivation et de gratification. C’est la carotte agitée devant l’âne. Seulement, ces motivations sont secondaires, elles peuvent toujours être remplacées par d’autres. Ce qui est essentiel pour le système, c’est l’existence une structure psychique spécifique. Et c’est ici que se joue la question du narcissisme du sujet.

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