Le texte, porté par la France et soutenu par la Chine, vise à définir les principaux droits environnementaux. Il va faire l’objet de négociations tendues entre les pays de l’ONU. Par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante) et Simon Roger le 20 septembre 2017 pour Le Monde. Lire aussi Un « pacte mondial pour l’environnement » remis à Emmanuel Macron.
La réunion de haut niveau sur le pacte mondial pour le droit de l’environnement, qui s’est déroulée mardi 19 septembre en marge de la 72e Assemblée générale de l’ONU, devait permettre au président français, Emmanuel Macron, de prendre la température sur le projet. Une salle comble, la présence du ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, les interventions des représentants de l’Inde, du Mexique, des îles Fidji – qui présideront la prochaine conférence sur le climat, la COP, en novembre – et de nombreux chefs d’États du continent africain l’ont convaincu de lancer officiellement ce chantier, en vue « d’une adoption au plus tard à l’horizon 2020 ».
Quatre-vingts experts internationaux, réunis par le Club des juristes et l’ex-président de la COP21 Laurent Fabius, aujourd’hui à la tête du Conseil constitutionnel, ont travaillé sur ce document d’une trentaine d’articles qui reprend les grands principes édictés dans les déclarations, les protocoles et les conventions relatives aux enjeux environnementaux. S’il est endossé par les Nations unies, ce pacte juridiquement contraignant constituera, selon Laurent Fabius, présent à New York, « une troisième génération de pactes fondamentaux » après les deux pactes internationaux adoptés par l’ONU en 1966. L’un est relatif aux droits civils et politiques, l’autre concerne les droits économiques, sociaux et culturels.
Depuis plus de trente ans, les juristes spécialistes du droit de l’environnement appellent à simplifier et synthétiser ces corpus de textes sans valeur juridique obligatoire. « Tous ces efforts conjoints méritent l’adoption d’un cadre unique universel », a insisté Emmanuel Macron, qui avait promis, fin juin, lors de la cérémonie de lancement du pacte à Paris, de la porter à la rentrée devant l’ONU.
« Bataille pacifique »
Dans un clin d’œil appuyé au discours belliqueux du président Donald Trump, quelques heures auparavant, à la tribune des Nations unies, le chef de l’État a invité ses pairs à « se mettre en ordre de bataille, mais une bataille pacifique ». Le sommet du 19 septembre « doit être le début d’une œuvre utile », a-t-il précisé. D’ici quelques semaines, l’Assemblée générale devrait voter une résolution courte et procédurale qui prévoit la mise en place d’un groupe de travail intergouvernemental. Ce groupe sera chargé de négocier avec les 193 États membres de l’ONU le contenu du texte final.
« Ce résultat est inespéré », commente une source élyséenne, qui rappelle que le « pacte n’a été formellement endossé par M. Macron que le 24 juin ». Près de trois mois plus tard, l’avenir « de cette magnifique base de travail » se joue désormais à New York. Mais la diplomatie française ne se fait pas d’illusions. Les négociations seront âpres et la date de 2020 sera difficile à tenir.
Pour autant, « c’est le bon moment d’enclencher le processus, assure Manuel Pulgar-Vidal, qui présida aux destinées de la COP20, en 2014, à Lima. Au moment où la planète est confrontée plus que jamais au défi du changement climatique, de la perte de biodiversité, de l’accès aux ressources en eau, nous avons besoin de clarté en matière de droit de l’environnement ». Pour l’expert péruvien, le pacte mondial pour l’environnement pourrait compléter l’architecture bâtie à partir de l’accord de Paris contre le réchauffement climatique, qui devrait également prendre ses pleins effets en 2020.
« Il y a un consensus mondial qui se développe », s’est félicité, mardi, le tout nouveau président de l’Assemblée générale, Miroslav Lajcak. Le diplomate slovaque a assuré à Emmanuel Macron qu’il ferait de ce pacte mondial « sa priorité absolue si les États membres [lui] donnent mandat ». Une vingtaine de chefs d’États ou de gouvernement ont souhaité participer au sommet du 19 septembre.
Le Gabonais Ali Bongo, qui préside le comité des chefs d’État et de gouvernements africains sur les changements climatiques, a offert le blanc-seing de son continent à cette initiative. « Nous ne pouvons que souscrire au principe d’universalité de ce pacte. Ensemble, nous sauverons ou détruirons notre bien commun, la terre », a-t-il expliqué. La Chine, plus gros émetteur de gaz à effet de serre de la planète, avait dépêché pour l’occasion son ministre des affaires étrangères. Pékin « se félicite de cette initiative (…) et veut participer aux efforts de gouvernance mondiale », a indiqué M. Wang.
« C’est un signal très fort : il faut désormais compter avec la Chine, se réjouit un diplomate. Elle va occuper l’espace que les Américains laissent vacant. » Depuis l’annonce du retrait américain de l’accord de Paris, le 1er juin, Pékin n’a eu de cesse de confirmer sa volonté de respecter ses engagements de réduction de ses émissions. Elle s’affirme comme un leader de la diplomatie du climat. Trois jours avant la session de l’Assemblée générale, la Chine s’est par exemple associée au Canada et à l’Union européenne pour rappeler aux ministres de l’environnement, réunis à Montréal, l’importance de mettre en œuvre l’accord de Paris.
« Faire sans les Américains »
Washington, en revanche, s’est contenté d’envoyer un simple expert au sommet du pacte mondial. « Il faudra faire sans les Américains, qui n’ont jamais ratifié un traité sur l’environnement », note sans surprise un fonctionnaire. Le texte nourrit par ailleurs les critiques de certains juristes, comme l’Américaine Susan Biniaz, qui, dans une longue note publiée par la Columbia Law School, en août, s’interroge sur le bien-fondé de vouloir « unifier » le droit face à la diversité des questions environnementales. Unifier ne signifie pas uniformiser, rétorquent les artisans du projet, qui cherchent surtout à harmoniser les principes fondamentaux du droit international de l’environnement pour en permettre une lecture plus cohérente.
Le projet de pacte mondial va désormais devoir affronter le cadre multilatéral, avec le risque de voir les exigences réduites à peau de chagrin pour obtenir le consensus le plus large des États membres. « C’est un risque, abonde Yann Aguila, avocat au barreau de Paris, qui a coordonné le projet au côté de M. Fabius. Mais ces grands principes contenus dans le pacte ne fixent pas d’objectifs chiffrés. Il s’agit de renforcer les cadres juridiques nationaux pour avoir des lois plus protectrices de l’environnement. »
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