Biodiversité, AFP.
Un fleuve sacré pour les Maoris a été reconnu par le Parlement néo-zélandais comme une entité vivante, une décision qui pourrait être une première mondiale. Le Whanganui, troisième plus long cours d'eau du pays, a été doté, mercredi 15 mars, d'une " personnalité juridique, avec tous les droits et les devoirs attenants ", a détaillé le ministre de la justice. Traduction : les intérêts du cours d'eau seront défendus dans les procédures judiciaires par un avocat représentant la tribu et un autre le gouvernement. La tribu maorie locale Iwi, qui lutte pour la reconnaissance de ses droits sur le fleuve depuis les années 1870, a reçu 80 millions de dollars néo-zélandais (52 millions d’euros) au titre des frais de justice, et 20 millions d'euros pour améliorer l'état du fleuve. « La nouvelle législation est une reconnaissance de la connexion profondément spirituelle entre iwi [tribu] Whanganui et son fleuve ancestral. »
" Vision du monde " (Ajout d'après Caroline Taïx le 20 mars 2017 pour Le Monde).
" Aujourd'hui, nous reconnaissons le sacrifice et la souffrance de la tribu Whanganui, qui s'est battue près de cent cinquante ans pour arrêter l'exploitation de cette force vitale ", a salué Te Ururoa Flavell, du Parti maori. Le texte fait valoir que le fleuve, dont le nom maori est Te Awa Tupua, est une entité vivante, " partant des montagnes jusqu'à la mer, y compris ses affluents et l'ensemble de ses éléments physiques et métaphysiques ".
Les droits et les intérêts du Whanganui pourront être défendus devant la justice. Le fleuve sera alors représenté par deux personnes : un membre de la tribu et un autre du gouvernement – de la même manière qu'un adulte parle au nom d'un enfant devant le juge. Le fleuve est ainsi mieux protégé et des plaintes pourront être déposées en son nom. La tribu n'est pas la propriétaire du fleuve mais son gardien, chargé de le protéger pour les générations actuelles et futures.
Certains pourraient juger étrange cette reconnaissance de droit pour un fleuve, a reconnu le député travailliste Adrian Rurawhe, lui-même maori. Mais pour les peuples autochtones, c'est normal, a-t-il expliqué à des journalistes néo-zélandais, avant de citer un adage maori : " Je suis la rivière et la rivière est moi. "
" Notre terre est personnifiée, explique Jacinta Ruru, codirectrice du centre de recherche maori à l'université d'Otago, en Nouvelle-Zélande. Nous nous percevons comme faisant partie de l'environnement. Notre bien-être et notre santé dépendent de ceux de notre environnement et réciproquement. " La loi a " embrassé la relation des Maoris à la terre et renverse l'idée d'une souveraineté humaine ", se félicite-t-elle.
Cette législation a été présentée par le gouvernement néo-zélandais comme une première mondiale, mais pour la juriste internationale Valérie Cabanes, auteure d'Un nouveau droit pour la Terre (Seuil, 2016), il existe des précédents. " La reconnaissance des droits de la nature est en pleine évolution dans le monde ", précise-t-elle, en évoquant des exemples en Equateur et en Bolivie, mais aussi des comtés aux Etats-Unis, ou la ville de Mexico, qui ont inscrit les droits de la nature dans les législations locales.
La croyance des peuples premiers, qui ne font pas de distinction entre humanité et nature, est à l'origine de cette affirmation des droits de la nature. Mais " de plus en plus d'Occidentaux s'engagent dans cette démarche ", explique Valérie Cabanes. Elle met en avant " la crise climatique et environnementale " pour expliquer cette évolution : " Depuis le judéo-christianisme et la suprématie de l'Occident sur le monde, l'homme s'est positionné comme dominant. Mais ce n'est qu'une vision du monde, qui est manifestement arrivée à ses limites. "
Fin mars, une initiative doit être lancée au Parlement européen pour demander la reconnaissance des droits de la nature.
commenter cet article …