Créées en septembre 2014, Les Chroniques écologiques du Professeur Feuillage vulgarisent avec humour les enjeux environnementaux de notre temps. En 18 mois et 6 épisodes, il comptabilise pas moins de 36 000 abonnés sur sa chaîne Youtube, 750 000 vues et vient d'intégrer IRL, la nouvelle plateforme web de programmes courts lancée par France TV Nouvelles Écritures avec 12 nouveaux épisodes co-produits par France TV nouvelles écritures et Pardon my french. Rencontre avec Mathieu Duméry, alias Professeur Feuillage.
Bonjour Mathieu Duméry, votre personnage est à la fois critique, cynique, didactique, ludique et provocateur mais vos propos s'appuient sur un vrai travail journalistique. Comment vous sont venues à l'idée ces chroniques ?
La première fois que j’ai pensé à faire Les Chroniques Ecologiques c’était en 2010. Il y avait quelque chose autour de la médiatisation de l’écologie qui me foutait systématiquement le bourdon. Ce mode de communication consistant à faire peur aux gens avec des vidéos anxiogènes part d’un bon sentiment mais force est de constater que ça n’impacte pas positivement les personnes dans leur prise de décision ni dans leurs actes. Si même-moi, sensibilisé à la cause environnementale, j’avais envie de fermer les yeux sur ces messages, qu’en était-il de celui ou celle qui restait à convertir ? Alors j’ai pensé qu’à défaut d’intéresser les gens à la problématique écolo, on pouvait les faire marrer un peu, avec comme prétexte l’information militante. Quatre ans plus tard, la géniale équipe du Professeur Feuillage tournait le premier épisode dans un squat du XXe.
Voir ci-dessous le premier épisode :
Le Professeur Feuillage est accompagné de sa jeune thésarde Sophie Shemalenko, vous utilisez schémas, maquettes, cartes mais aussi enquêtes de terrain en tout genre... Votre univers est loufoque et votre langage parfois grivoix et irrévérencieux... Le moins qu'on puisse dire est que cela permet de traiter de sujets préoccupants avec légèreté. Quel regard portez-vous sur la sensibilisation à l'écologie aujourd'hui ?
J’ai beaucoup d’interrogations à ce sujet. Je la trouve molle cette sensibilisation. Selon moi, l’urgence c’est d’intégrer les enfants et les ados à nos réflexions. Ce sont eux qui vont vraiment subir les modifications climatiques entre autres problèmes. Multiplier par quatre le budget de l’éducation nationale serait un bon début. Arrêter de leur mettre des tablettes entre les mains, dès l’école primaire, sous le regard bienveillant des institutions scolaires, former les profs, faire des stages de ramassage des déchets sur les plages et au bord des cours d’eau pour qu’ils puissent engueuler leurs parents qui jettent leurs mégots par la fenêtre de la voiture et les rendre acteurs et responsables du monde dans lequel ils vont vivre. C’est beau non… Seulement, en vrai, lorsque je regarde les ados qui passent dans ma rue, que j’écoute leurs discussions, leur centre d’intérêt je me demande s’il est possible qu’ils se passionnent plus pour l’eau, les forêts, les animaux que pour la mode vestimentaire ou leur smartphone ?
Pour sensibiliser, il faut impérativement susciter l’intérêt. Pour cela, arrêtons de rendre marginaux les modes de vie alternatifs, de rendre contraignante la décroissance, de vendre le bio deux fois plus cher. Faisons passer des lois contre la télé-réalité et autres conneries qui ont affecté les cerveaux de toute une génération.
Ci-dessous épisode en lien avec l'actualité, l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles :
Vous abordez les questions aussi diverses que les gaz de schistes, les OGM, la surpêche, la disparition des abeilles, la déforestation, le réchauffement climatique, ou autre en alliant pédagogie et humour... est-ce ce qui manque aujourd'hui ?
C’est presque Pavlovien… À moins que vous ne soyez masochistes, si je vous raconte que 2+2=4 en vous faisant marrer, vous le retiendrez mieux que si je vous mets des coups de poing dans le ventre et peut-être aurez-vous plus volontiers envie de le partager avec autrui. D’ailleurs, je ne comprends toujours pas comment on peut maintenir un système pédagogique consistant à ce que nos gosses restent le cul vissé sur une chaise pendant des heures dans leurs salles de classe à écouter sans agir, toucher, bouger, sentir ou rigoler. C’est sans doute pour les habituer à ce qu’ils continueront de faire jusqu’à la retraite.
Êtes-vous convaincu du besoin de changer nos habitudes depuis longtemps ?
Le mot écolo est finalement assez récent. Tout humain est écolo par essence parce que personne ne souhaite voir son habitat se dégrader. Ensuite, il y a ceux qui ignorent l’impact de leur mode de vie sur la planète, ceux qui en ont conscience mais qui ne changent pas grand-chose et ceux qui agissent pour améliorer les choses. Si l’écolo est celui qui agit alors, je ne suis écolo que depuis 3 ans… mais un passionné de nature depuis toujours.
Ci-dessous l'épisode sur le retour du loup :
Et votre communauté de fans ? Quels retours vous font-ils ? Changent-ils leurs habitudes ?
Les réseaux de partages des chroniques sont alimentés et consultés par des gens qui sont déjà sensibilisés et actifs dans la défense de l’environnement. Je ne pense pas que dans ce cadre, nous changions grand-chose. Au mieux on va faire marrer les écolos avec nos blagues grivoises. Notre but réel n’est pas de mettre du sirop d’humour dans le verre des écolos mais bien de mettre du sirop d’écologie dans le verre du geek qui sera venu pour se marrer. Sinon, ça reviendrait simplement à prêcher des convaincus.
La plupart des internautes sont bienveillants. Ils n’hésitent pas à nous corriger, nous suggérer des thématiques futures ou faire éclore des débats endiablés dans les commentaires des vidéos sur Youtube ou Facebook. L’écologie est un sport de combat. C’est tellement récent et actuel que tout le monde à son idée sur tel ou tel problème. Une petite part de « haters » nous insulte aussi dans les com. C’est le jeu du web, nous sommes des proies exposées et donc faciles.
Ceci étant, on ne change pas le monde depuis son canapé derrière son ordinateur. Agir, ce n’est pas seulement signer une pétition AVAAZ ou mettre un "like" à une vidéo militante. En ce sens, internet est un outil de savoir mais également souvent, d’inertie.
Quelles sont les lectures actuelles du professeur feuillage ?
Le Professeur Feuillage n’est pas un grand lecteur hormis sur le temps de préparation des chroniques. « MERDE… » C’est le nom du livre que je lis actuellement. Un petit bijou de l’épidémiologiste canadien David Walter-Toews. Ça parle de l’importance des matières fécales pour la biodiversité, la santé, l’agriculture… Instructif, drôle, bref… C’est génial MERDE !!!
Episode sur la COP21, qui s'est déroulée à Paris en décembre 2015 :
Si le professeur devait évaluer la société dans laquelle il évolue actuellement, quel serait le résultat ?
Je ne me permettrais pas de noter la société dans laquelle j’évolue. Soyons indulgents, nous ne sommes que des mammifères qui essayent et se plantent sans cesse. Ceci dit, comme certains, j’attends la révolution : une classe politique obsolète et irresponsable vote nos lois, des industriels se gavent comme jamais au détriment d’un peuple de travailleurs socialement mis sur la touche. Notre agriculture nous empoisonne à l’instar de ceux qui fabriquent nos médicaments. Le pouvoir d’achat demeure la priorité de la majorité des français, il n’y plus une rivière dont on peut boire l’eau en France, le génocide animal se perpétue chaque jour pour remplir nos insatiables appétits, on refuse d’accueillir des pauvres gens qui fuit la fureur guerrière au prétextes que « passé ce trait c’est chez nous », certains vénèrent des footballeurs d’une bêtise crasse, d’autres déifient Steve Jobs... Alors, bon, je me dis qu’avec un ciel noir comme ça, ce serait bien le diable qu’on n’ait pas un bel orage pour fertiliser de nouveaux nos cerveaux de mammifères bipèdes… J’attends que ça pète !
Anne-Sophie Novel
Retrouvez les chroniques du professeur feuillage sur YouTube
Auteurs : Mathieu Duméry, Lénie Cherino et Hadrien Genest
Réalisateur : Christian Boisliveau, Hadrien Genest (saison 1)
Interprètes : Lénie Cherino & Mathieu Dumery
Une coproduction : FranceTV nouvelles écritures et Pardon my French
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