Une fois n’est pas coutume, voilà un article de Christel de Taddeo pour le Journal du Dimanche d’hier, http://www.lejdd.fr/Societe/La-pollution-plombe-la-Secu-727558.
Une étude de l’Inserm révèle que la pollution de l’air coûte au moins entre 1 et 2 milliards d’euros à la Sécurité sociale. Depuis deux ans, le ministère de l’Environnement dispose aussi de chiffres rendus publics seulement vendredi soir.
C'est une étude choc qui évalue le coût de la pollution atmosphérique pour le système de soins français : entre 1 et 2 milliards d'euros, soit près d'un tiers du déficit annuel de la branche maladie de la Sécurité sociale! Une estimation a minima réalisée par Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Inserm, le Dr Gilles Dixsaut, spécialiste du fonctionnement de l'appareil respiratoire, et Christophe Farenberg, chargé de mission au Commissariat général au développement durable (CGDD), qui ont exploité les données de l'assurance-maladie sur l'année 2012 et viennent de publier les résultats de leurs travaux dans la revue scientifique Environnement, Risques & Santé. "C'est un volet qui a été très peu pris en compte en France, indique au JDD Isabella Annesi-Maesano. Pourtant, on a besoin de cette donnée. D'autant que le coût de la pollution de l'air pour le système de soins n'a rien d'inéluctable. Une prévention est possible : diminuer la pollution et limiter les coûts associés." Le ministère de l'Environnement, qui disposait depuis deux ans de chiffres comparables (900 millions à 1,8 milliard d'euros pour les maladies respiratoires), les a rendus publics ce vendredi, juste avant que l'étude de l'Inserm soit accessible sur le Web.
Alors que la liste des pathologies associées à la pollution atmosphérique ne cesse de s'accroître (AVC, maladies neurodégénératives, Parkinson…), les chercheurs se sont concentrés sur les cinq maladies respiratoires les plus répandues – asthme, bronchites aiguës, bronchites chroniques, cancers des voies respiratoires et broncho-pneumopathies obstructives chroniques – et les pathologies cardiopulmonaires. "Nous sommes partis de pathologies pour lesquelles il existe des données en terme de risques attribuables à la pollution de l'air, explique Isabelle Annesi-Mesano. Cette évaluation a minima du coût de la pollution atmosphérique pour le système de soins français" a donc tendance à largement sous-estimer les coûts réels de la pollution de l'air pour la Sécurité sociale d'autant qu'elle ne prend en compte que les nouveaux cas de bronchites et de cancers déclarés au cours de l'année, et qu'elle ne mesure pas, faute de données, certains coûts tels que les examens complémentaires (biologie, radiologie…) ou le transport des malades, remboursés eux aussi par l'assurance-maladie.
Quatre millions de Français touchés par l'asthme
L'asthme, première maladie chronique de l'enfant, toucherait 4 millions de Français et représenterait environ 200.000 passages aux urgences chaque année. Entre 10 et 35% des cas sont attribuables à l'environnement. L'étude a ainsi estimé le coût lié à leur traitement entre 311,1 millions et 1,089 milliard d'euros et celui des passages aux urgences qu'ils engendrent entre 3,8 et 13,4 millions d'euros en 2012. Par ailleurs, elle chiffre à 155 millions d'euros le coût des hospitalisations pour des pathologies respiratoires et cardio-vasculaires imputables à la pollution de l'air. Et estime entre 1.684 et 4.400 les cas de cancer des voies respiratoires imputables à l'environnement avec une prise en charge comprise entre 57 et 249 millions d'euros.
Selon les auteurs de l'étude, les précédentes méthodes d'évaluation des impacts sanitaires, fondées sur une approche économique, ont sous-estimé les coûts pour le système de soins, qui avaient été évalués entre 70 et 600 millions d'euros par an.
"Il existe une confusion entre bronchite chronique et broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) dans les études sur l'impact de la pollution de l'air, indique Isabelle Annesi-Mesano. La BPCO est une maladie respiratoire chronique progressive avec un risque vital au dernier palier. Elle peut prendre l'apparence d'une bronchite chronique, réversible elle, mais ce n'en est pas une! Alors que la broncho-pneumopathie obstructive chronique (BPOC) légère revient à 600 euros par an, elle nécessite souvent une oxygénothérapie à un stade avancé, et coûte alors 7.900 euros par an en moyenne." Sur les 479.500 cas incidents de broncho-pneumopathies obstructives déclarés en 2012, 10% seraient attribuables à l'environnement, soit 47.900 cas pour un coût compris entre 124 et 186 millions d'euros annuels en tenant compte de la gravité.
Un "chiffrage" encore incomplet
En ce qui concerne les bronchites simples, en l'absence de données relatives au nombre de cas annuel, les chercheurs ont estimé à 120.000 le nombre de nouveaux cas attribuables à l'environnement, pour 113,4 millions d'euros, en prenant en compte les coûts des consultations et des traitements (80,4 millions d'euros) et des arrêts de travail (33 millions d'euros). Enfin, concernant la bronchite aiguë, première cause de consommation d'antibiotiques en France, la pollution atmosphérique serait responsable chaque année de 500.000 cas de bronchite chez les adultes et plus de 450.000 cas chez les enfants, pour une facture totale de 170,4 millions d'euros dont 147 millions d'euros au titre des arrêts de travail.
Cette étude originale apporte une meilleure connaissance des coûts sanitaires réellement engagés par le système de soins, même si le chiffrage obtenu est encore "incomplet" reconnaissent les auteurs et que les résultats restent, selon eux, très sous-estimés ; ils ne tiennent pas compte notamment des durées et des évolutions des maladies. Les chercheurs souhaitent donc les préciser plus encore. Notamment grâce aux données individuelles mais anonymes de la Sécurité sociale pour travailler sur des cas réels. L'Inserm a accès au système national d'information inter-régimes de l'assurance-maladie (Sniiram) et à l'échantillon généraliste de bénéficiaires (EGB), spécimen représentatif d'une pathologie. "En fonction de la pathologie de l'affilié, on peut savoir exactement les médicaments pris, le nombre de consultations, s'il a été hospitalisé…", explique Isabella Annesi-Maesano qui ne renonce pas à inclure dans ses prochaines recherches d'autres pathologies associées à la pollution de l'air, comme les AVC. Affolant…
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