Nous mangeons, et donc déféquons, du plastique. C’est la conclusion majeure d’une étude au protocole simple et pourtant inédit, présentée mardi 23 octobre au congrès de gastroentérologie à Vienne. La présence généralisée de micro-plastiques dans les selles humaines montre la contamination de la chaîne alimentaire. Mais il est à ce stade difficile de savoir si ce sont les emballages ou la pollution des océans qui est en cause. D’après Sciences et Avenir, Le Monde et AFP le 24 octobre 2018. Lire aussi Bruxelles veut interdire le plastique jetable, Les océans pollués par des particules invisibles de plastique et La pollution chimique gagne les abysses. et .
Soucieux de ne pas ingérer des micro plastiques ? Ils sont bel et bien présents dans la chaîne alimentaire humaine... jusque dans nos selles ! C'est ce que montre une étude, qui a identifié - entre autre - des particules de polypropylène (PP) et de polyethylène-terephtalate (PET) dans les selles de 8 volontaires, résidant en Europe, en Russie et au Japon. Les résultats de cette étude pilote, réalisée par l'université médicale de Vienne (Autriche) et l'Agence autrichienne pour l'environnement, ont été présentés lors d'un congrès de gastroentérologie à Vienne (Autriche) comme une première mondiale.
Jusqu'à neuf types de plastiques différents dans les selles
Pendant une semaine, cinq femmes et trois hommes âgés de 33 à 65 ans, vivant en Finlande, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Italie, en Pologne, en Russie, au Japon et en Autriche, ont noté ce qu'ils mangeaient, tandis que des analyses étaient pratiquées sur leurs excréments.
Tous les échantillons analysés se sont révélés positifs : au minimum, 10 grammes de fèces contiennent dix-huit microparticules de plastique, le maximum étant de 172, et la médiane située à vingt… Plus surprenant, presque tous les types de plastiques recherchés ont été retrouvés. Du polypropylène (PP) et du polytéréphtalate d’éthylène (PET, présent dans les bouteilles), ont été identifiés dans tous les échantillons, les autres matières les plus fréquemment retrouvées étant le polystyrène (PS, barquettes), le polyéthylène (PE, sacs en plastique) et le polyoxyméthylène (POM). Chaque échantillon contenait en moyenne 20 microparticules de plastique par 10 grammes de fèces d'Homo sapiens sapiens... « Nous avons pu détecter neuf plastiques différents », indique Bettina Liebmann, chercheuse à l'Agence autrichienne de l'environnement. La taille des échantillons de plastique trouvés dans leurs selles varie de 50 à 500 micromètres, soit l'épaisseur d'un cheveu ou plus.
Pas de lien clair entre l'alimentation et la présence de micro-plastiques
Les scientifiques supposent que ces microparticules ont été ingérés via des produits de la mer que les volontaires ont mangés, mais aussi l'eau des bouteilles en plastique qu'ils ont bue et la nourriture emballée dans du plastique. 6 personnes sur 8 ont affirmé consommer souvent du poisson, aucune personne ne s'est déclarée végétarienne. Toutefois, les chercheurs n'ont à ce stade pas encore établi de lien de causalité clair (au sens statistique) entre alimentation et présence de micro plastiques dans les selles, peut-être en raison de la faible taille de l'échantillon (seulement 8 personnes). "Nous n'avons pas été capables d'établir un lien fiable entre les comportements alimentaires et l'exposition aux micro-plastiques", indique Philipp Schwabl, chercheur à l'Université médicale de Vienne, qui a mené l'étude.
Le caractère généralisé de la contamination de l’environnement par le plastique est difficile à percevoir ; les voies d’exposition à ces contaminants peuvent être surprenantes. Une étude allemande de 2013 a montré ainsi que, sur dix-neuf échantillons de miels produits en Allemagne, en France, en Espagne ou au Mexique, tous contenaient des microplastiques. En 2014, l’association 60 millions de consommateurs a reproduit l’étude sur douze miels produits en France : ils étaient tous contaminés.
La question des effets sanitaires de cette contamination de leur alimentation sur les humains est loin d’être tranchée. Lors d'études précédentes sur des animaux, les concentrations en micro-plastiques les plus fortes étaient trouvées dans l'estomac et les intestins, mais de petites quantités étaient détectées dans le sang, le foie et la lymphe. Il est possible que les micro-plastiques aient des effets négatifs sur le tube digestif mais "des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer les dangers potentiels des micro-plastiques pour les humains", fait savoir Philipp Schwabl. Pour Stéphanie Wright, chercheuse au King's College à Londres, la véritable question est de savoir si les plastiques s'accumulent dans le corps.
La pollution des océans en cause ?
La production plastique a explosé au cours de la dernière décennie et se monte actuellement à 348 millions de tonnes par an. Environ 2 à 5% se retrouverait dans les océans, au point qu'on parle aujourd'hui de "7e continent" pour qualifier les amas de plastiques flottant dans les océans. On estime que d'ici 2025, la quantité de plastique contenue dans les océans pourrait atteindre les 455 millions de tonnes. D'abord colonisés par des micro-organismes, ces déchets sont ensuite consommés par le plancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine.
commenter cet article …