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16 octobre 2019 3 16 /10 /octobre /2019 17:14

Ils assument utiliser des huiles essentielles pour guérir leur bétail, alors que c’est souvent illégal. Ce « manifeste des éleveurs hors-la-loi » est un acte fort pour ouvrir le débat. Par Émilie Torgemen pour Le Parisien le 15 octobre 2019.  Lire aussi Progression record du bio dans l’agriculture française, Cantines scolaires : deux fois trop de viande dans les assiettes et Florence Burgat : « L’institution de l’alimentation carnée reflète un désir très profond de l’humanité ».

Hercé (Mayenne), ce mardi. Eric et Patricia Guihery, éleveurs de vaches, utilisent des huiles essentielles «pour les bobos du quotidien». LP/François Lepage

Hercé (Mayenne), ce mardi. Eric et Patricia Guihery, éleveurs de vaches, utilisent des huiles essentielles «pour les bobos du quotidien». LP/François Lepage

 « Les antibiotiques ne marchent plus, on va tranquillement mais sûrement dans le mur », commence Eric Guihery, qui soigne ses 70 vaches laitières avec des plantes même si c'est illégal. Avec 1051 autres agriculteurs, dont beaucoup estampillés bio comme lui, cet éleveur de Mayenne a signé de son nom un manifeste des éleveurs hors-la-loi (lire ci-dessous).

En fait, tout médicament pour les animaux comme pour les humains doit subir une batterie de tests pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Or, très peu d'huiles essentielles ont passé cette épreuve parce que les tests coûtent cher et qu'ils sont plus complexes pour ces plantes qui combinent plusieurs molécules que pour des médicaments chimiques.

Les éleveurs esquivent en inscrivant dans leur « cahier d'élevage », qui est ensuite mis à disposition de toute inspection, « usage aromatique » ou « complément alimentaire ».

« Réglementation hypocrite »

Pour le vétérinaire Michel Bouy du cabinet Antikor dans la Drôme qui prescrit aussi phytothérapie et aromathérapie, « la réglementation est paradoxale et hypocrite, le même flacon sera interdit s'il y est inscrit traitement et autorisé si l'on indique parfum ». Le praticien est lui-même passé devant la chambre de discipline de l'ordre des vétérinaires.

Pour bichonner poules, brebis ou vaches, l'usage des médecines « alternatives » n'est pas une pratique marginale. Selon l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab), en bio ils sont 70 à 80 % à utiliser ces thérapies sous le manteau. Dans l'élevage conventionnel, la demande est grandissante.

« Soigner ses bêtes avec des plantes, c'est entrer en résistance », grogne Eric Guihery qui, cette fois, veut sortir du bois. Sur son exploitation, il utilise des huiles essentielles en continu pour les bobos du quotidien. « De l'extrait de géranium sur les inflammations des pis ; de l'hélichryse italienne contre les saignements. Évidemment en cas de maladies sévères, on passe aux antibiotiques », précise son épouse Patricia, soucieuse de ne pas passer pour une extrémiste.

« Naturel ne veut pas dire anodin »

L'Etat a déjà lancé deux plans Ecoantibio pour réduire la consommation antibiotique dans les élevages (2012-2017) puis (2017-2021). Le cahier des charges européen pour l'élevage bio préconise de favoriser les « produits phytothérapeutiques, homéopathiques » plutôt que les médicaments chimiques.

« On ne peut pas, d'une part, réclamer qu'on lutte contre l'antibio résistance vétérinaire et, d'autre part, nous interdire des remèdes qui ont fait leurs preuves pendant des générations », s'agace Eric Darley, éleveur de la Drôme qui accompagne, lui, ses brebis avec des plantes. « C'est un savoir issu de la tradition, des remèdes de bona fama, du latin de bonne réputation, et non de bonnes femmes comme c'est souvent traduit », insiste-t-il.

Dans l'administration, on met en garde contre les visions trop simplistes. « Ce n'est pas parce qu'un produit est naturel qu'il est anodin, met en garde Jean-Pierre Orand, le directeur de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV). L'huile essentielle de basilic, par exemple, est un génotoxique reconnu (NDLR : produits qui peuvent affecter l'ADN et être à l'origine de déficiences et ou des cancers transmis aux descendants). »

La demande est « notée »

Avant d'autoriser ces traitements alternatifs, il faut notamment établir des « limites maximale de résidus », soit vérifier que des molécules potentiellement dangereuses ne restent pas dans la viande ou le lait qui seront ensuite consommés par des humains.

« Mais pour certaines plantes comme le pissenlit et l'ail qui rentrent de toute façon dans l'appareil digestif des animaux qui broutent, les contrôles sont absurdes », pointe le vétérinaire Michel Bouy. Il propose une liste de 323 plantes peu préoccupantes, car l'usage par des générations de ses remèdes a déjà fait la preuve de leur innocuité.

« Nous avons noté la demande de nombreux agriculteurs mais nous n'avons pas encore trouvé la méthodologie idéale », glisse le directeur de l'agence du médicament vétérinaire.

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Le manifeste des 1052 éleveurs et éleveuses hors-la-loi

Nous, éleveurs bovins, caprins, ovins, porcins, équins, de volailles, apiculteurs ; Que nous soyons en agriculture biologique ou en conventionnel, en montagne ou en plaine, nous utilisons des plantes pour prévenir les maladies et pour les soins à nos animaux. Nous privilégions l’usage des plantes, plutôt que des antibiotiques ou tout autre produit chimique de synthèse.

Et nous sommes dans l’illégalité !

En valorisant un savoir-faire traditionnel basé sur la nature, en protégeant ainsi nos animaux et nos concitoyens de l’antibiorésistance, en préservant l’eau de contaminations par des médicaments chimiques de synthèse, nous sommes hors-la-loi. L’usage généralisé des antibiotiques pose aujourd’hui un problème de santé publique. Chaque année, en France, plus de 150 000 patients développent une infection liée à une bactérie multi-résistante, et plus de 12 500 personnes en meurent.

Face à cette urgence, il est incohérent que l’usage des plantes en élevage se voie imposer un tel carcan réglementaire. En effet, aujourd’hui, pour pouvoir utiliser des plantes en élevage, elles doivent disposer d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), comme les médicaments, et être prescrites par un vétérinaire. Or, très peu de médicaments à base de plantes disposent de cette AMM, procédure lourde et inadaptée. Au mieux, nous avons le droit d’utiliser des préparations sur prescription d’un vétérinaire, lorsque aucun autre médicament n’est disponible !

Impossible donc, pour nous, d’utiliser des orties, du romarin, du pissenlit, de la lavande… pour les soins à nos troupeaux. La loi nous contraint à leur préférer des produits antibiotiques, anti-inflammatoires ou anti-parasitaires issus de la chimie de synthèse !

Parce que nous voulons continuer à nous former.

Parce que nous voulons expérimenter, échanger et débattre librement sur ces pratiques avec nos collègues.

Parce que nous ne voulons plus être hors-la-loi !

L’Etat doit en urgence définir un cadre réglementaire spécifique pour pouvoir utiliser les plantes en élevage et mettre un terme à cette situation.

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11 octobre 2019 5 11 /10 /octobre /2019 09:29

On se croyait en start-up nation. On se retrouve à Tchernobyl. Qu’en un instant tout le glamour de pacotille de la Station F et des écrans tactiles s’écroule pour faire revenir d’un coup des images d’URSS n’aura pas été le moindre des paradoxes de l’explosion Lubrizol. Par Frédéric Lordon le 7 octobre 2019 sur son blog du « Diplo ».

Albert Goodwin. — « Apocalypse », 1903

Albert Goodwin. — « Apocalypse », 1903

On se croyait en start-up nation. On se retrouve à Tchernobyl. Qu’en un instant tout le glamour de pacotille de la Station F et des écrans tactiles s’écroule pour faire revenir d’un coup des images d’URSS n’aura pas été le moindre des paradoxes de l’explosion Lubrizol. Il faut pourtant s’y rendre : des pompiers envoyés en toute méconnaissance de ce qui les attendait, avec pour tout équipement « spécial » de pauvres masques de bricolage pareils à ceux des manifestants, à piétiner des heures dans la sauce qui troue les bottes et leur promet des pieds comme des choux-fleurs — et tout ceci, parfaite ironie, alors que la série Chernobyl venait de remporter un succès de visionnage bien fait pour consolider la commisération réservée aux régimes soviétiques et le sentiment de supériorité capitaliste (au prix tout de même de devoir oublier que Tchernobyl était en sandwich entre Three Miles Island et Fukushima).

Mais plus encore que les bottes et les masques, il y a le mensonge, le mensonge énorme, le mensonge partout, sans doute le propre des institutions en général, mais la marque de fabrique de ce gouvernement qui, en tous domaines, l’aura porté à des sommets inouïs. Jusqu’au stade de la rodomontade obscène : si elle avait été rouennaise, nous assure Sibeth Ndiaye, « elle serait restée ». On croirait entendre un secrétaire régional du PCUS d’Ukraine juste avant de fourrer d’urgence sa famille dans un autocar — mais les images de CRS en masque à gaz pendant que le préfet assurait de la parfaite normalité de la situation avaient déjà tout dit.

Sibeth Ndiaye n’a pas eu à « rester » puisqu’elle n’était pas là. Mais il n’est pas trop tard pour un acte de bravoure rationnelle, et il est encore temps d’y aller ! On peut même l’aider : un « Pot commun » devrait rassembler sans difficulté de quoi lui offrir une semaine dans un Formule 1 des environs, avec vue sur le sinistre et cadeau de bienvenue, une bouteille de Château Lapompe, directement tirée au robinet, un peu grise sans doute mais assûrement goûteuse, en tout cas certifiée potable par toutes les autorités.

Mais tous les mensonges n’y pourront rien : l’événement synthétise toute une politique et en dresse l’incrimination. Car voilà ce qu’il en coûte aussi — entendre : au-delà des destructions sociales et humaines — de faire le choix de tout accorder à « l’entreprise ». Un article d’Actu Environnement, accablant à proportion de sa froide sobriété, détaille les silencieux démantèlements réglementaires qui ont conduit à l’accident, et dont on voit comme en transparence la philosophie à la graisse de phoque qui les a animés : agilité, libération des énergies, attractivité du territoire, simplification administrative, accueil des investisseurs, accueil de Warren (1), accueil des bidons, rangez ça là comme vous voulez. Quand, sous le présupposé que tout ce que fait « l’entreprise » est bon pour tous, on laisse « l’entreprise » faire ce qu’elle veut, alors, en effet, « l’entreprise » … fait ce qu’elle veut. Mais avec un mot gentil tout de même, pour le Vivre Ensemble, puisque la directrice de Lubrizol s’est dite « réellement embarrassée » — on ne fait pas plus concerné.

Nous apprenons donc l’existence de décrets, publiés en juin 2018, avec pour effet d’assouplir les critères de soumission à l’évaluation environnementale, et d’une loi Essoc d’août 2018 qui retire ces évaluations à l’autorité environnementale indépendante pour la remettre au préfet. Nous apprenons aussi qu’« Essoc » veut dire « État au service d’une société de confiance ». Sans doute faut-il habiter suffisamment loin de Rouen pour regagner la possibilité d’en rire.

Comme à la balançoire, l’abaissement des normes d’un côté est fait pour remonter de l’autre dans les classements internationaux « d’attractivité » du type Doing business (Banque mondiale). Alors tout devient permis : on décide qu’une partie de ce qui était classé « Seveso » redevient « Belle des champs », et que l’autre ne mérite pas qu’on en fasse une marmite. Ces tolérances-là tombent rarement dans l’oreille d’un sourd. Lubrizol connaissait la musique. Le détail des augmentations de capacité obtenues en douce (avec la bénédiction du préfet) pour entasser de nouvelles saletés est vertigineux. Et comme rien ne doit être fait pour froisser « l’entreprise », qui s’y entend pour menacer tous les quatre matins de partir sous d’autres cieux si on la contrarie, on regarde d’un œil bienveillant les manquements répétés, et le cas échéant on donne une gentille tape sur les doigts — 4000 euros d’amende pour le dernier, on imagine le tonnerre de rire à Omaha, siège de Berkshire Hathaway.

La prise d’otages dans la société présente n’est pas celle qu’on croit — celle dont les médias jouissent si fort de se faire une obsession : la grève (des cheminots, des éboueurs, de qui on veut, tous des preneurs d’otages de toute façon). La vraie prise d’otages, c’est celle du capital, celle qui dit « ce sera l’emploi avec les bidons, ou rien du tout » — et qui, pour finir, empile les bidons mais détruit les emplois !

Quand le macronisme accorde tout à « l’entreprise » au motif qu’« elle crée l’emploi », il ajoute au contresens économique une licence sans frais : un droit élargi à « ce qu’on veut », piétiner les salariés (France Télécom, Free, Lidl, La Poste), piétiner l’environnement, piétiner la morale, piétiner la société. Et voilà peut-être le sens général du macronisme, tel qu’il se trouve fatalement incriminé par l’événement Lubrizol : l’autorisation générale — pour le capital. Doublé, très logiquement, par la répression générale — pour tous ceux qui ne l’entendent pas ainsi.

De la même manière que les grotesques incantations du « Vivre ensemble » sont le plus sûr indicateur d’une société où l’oligarchie fait sécession, le mâchonnage de la « responsabilité de l’entreprise » est celui d’un capital à qui tous les degrés de l’irresponsabilité ont été ouverts. Il n’y a que les amateurs de bondieuseries sécularisées pour croire que la vertu sauvera le monde, c’est-à-dire auto-régulera les salaires patronaux, auto-disciplinera la finance, et auto-nettoiera les petites salissures de l’industrie. Sauf imbécillité complète caparaçonnée d’idéologie, nul ne peut croire que ceux à qui on donne toutes les autorisations n’iront pas au bout de toutes les autorisations. D’ailleurs ils y vont.

Nous savons donc maintenant de connaissance certaine que le capitalisme, assisté de tous ses fondés de pouvoir gouvernementaux, détruira jusqu’au dernier mètre carré de forêt, assèchera jusqu’à la dernière goutte de pétrole, polluera jusqu’au dernier étang, et suicidera jusqu’au dernier salarié suicidable (il faudra bien en garder quelques-uns) pour extraire le profit jusqu’au dernier euro. Il s’agirait maintenant de faire quelque chose de ce savoir.

Günther Anders & Hannah Arendt

Günther Anders & Hannah Arendt

Oui ou non

Il y a plus de trente ans, un philosophe allemand, Günther Anders, avait pris ses résolutions. Premier mari d’Hannah Arendt, il s’était intéressé simultanément, comme elle au procès Eichmann, et pour son propre compte à l’événement Hiroshima, c’est-à-dire à l’entrée de l’humanité dans l’âge nucléaire. La conjonction n’avait rien de fortuit puisqu’il y allait à ses yeux dans l’un et l’autre cas de l’intégrité de l’humanité.

Du procès de Nuremberg à celui de Jérusalem, on sait assez qu’il a été question de crime contre l’humanité. Avec Hiroshima, c’est de la possibilité que l’humanité entière soit anéantie qu’il s’agit. Par un conflit nucléaire bien sûr, mais pas seulement. Sous le rapport de cet anéantissement, Anders ne fait aucune différence entre le nucléaire militaire et le nucléaire civil. C’est peu dire que Tchernobyl et Fukushima donnent raison à ses anticipations. Un accident nucléaire qui passerait « le cran d’après » chiffrerait ses conséquences en pans entiers d’humanité.

On dira que, sauf grossière exagération, Lubrizol ne joue pas dans la même catégorie. Lubrizol non, mais tous les Lubrizols mis ensemble oui. Et par « les Lubrizols », en fait, il ne faut pas entendre seulement les malfaiteurs qui entassent n’importe comment des bidons toxiques en sachant qu’ils n’auront qu’à payer de leur sentiment « d’embarras », mais l’ensemble des entreprises qui concourent hardiment, mais quotidiennement, et surtout légalement !, au massacre de la planète et des hommes — soit : le capitalisme.

Voilà ce que nous apprennent les temps présents, spécialement, mais pas seulement, leurs accidents les plus spectaculaires : que le capitalisme tout entier entre de droit dans l’angoisse rationnelle d’Anders, qu’en réalité « le nucléaire » n’en est que la métonymie, qu’une puissance a surgi, qui porte le potentiel, non : la certitude, de détruire l’humanité entière, et que cette puissance, c’est le capitalisme.

Pendant ce temps les bardes médiatiquement consacrés de « l’alerte climatique » continuent à freiner des quatre fers pour ne pas avoir à nommer le danger. Surtout ne pas dire « capitalisme » puisqu’un simple enchaînement logique nécessiterait alors de dire « anti-capitaliste ». Dire… n’importe quoi d’autre : « les hommes », ou tiens « l’homme », voilà c’est « l’homme », c’est la faute de « l’homme », l’« anthropocène », merveilleux l’anthropocène, on peut continuer à faire des tribunes dans Le Monde et des pétitions de célébrités — qu’on pourrait se brosser pour enrôler dans des horreurs « anti-capitalistes ».

L’inconséquence est partout. Deux fois de suite, Le Monde sort ce qu’il a de plus gros comme titraille (même le 11-Septembre est enfoncé) sur « le changement climatique bientôt il sera trop tard » pour replâtrer sa statue de grande conscience, pendant qu’il continue par ailleurs de soutenir de toutes ses fibres le monde même qui engendre ce qu’il dénonce en corps 80.

Anders, lui, vomit l’inconséquence. Alors ce philosophe reconnu, couvert de prix, jette son capital symbolique à la rivière, ou plutôt dans la bataille, et enchaîne logiquement ses idées. Il écrit un livre dont le titre est frappant : La violence, oui ou non. Ce qui retient l’attention dans ce titre, c’est l’absence de point d’interrogation. Il ne s’agit pas comme le ferait n’importe quel ventre mou installé de s’offrir un petit frisson mais bien dans les formes de la dissertation Sciences-Po : partie 1, la violence, parfois on peut comprendre ; partie 2, mais il y quand même du contre ; conclusion, vraiment beaucoup de contre, à éviter pour rester des démocrates.

Anders n’est pas un barde, il n’est pas faux-cul au Monde, il ne sort pas de Sciences-Po. Il est logique. Si des hommes ont monté une machine qui à coup sûr détruira l’humanité, il faut détruire la machine et, si nécessaire, ses hommes, avant qu’ils ne nous détruisent. C’est ce qu’il dit. Carrément. Oui ou non, en lieu et place de Oui ou non ?, signifie non qu’« il y a du pour et du contre » mais qu’il y a deux camps, et qu’il va falloir choisir. Il y a ceux qui laisseront faire la destruction de l’humanité par inconséquence, c’est-à-dire refus des moyens, et il y aura les autres. On a beau se croire pas feignant en matière d’anticapitalisme, on en reste un peu la chique coupée.

Anders n’est pas près d’être repris par les bardes. Quel sentiment d’effroi ne leur inspirerait pas la manière, pourtant implacable, dont Nuremberg et Hiroshima se sont accrochés dans son esprit — et dont serait venu s’accrocher en toute logique l’idée de l’écocide capitaliste. L’idée de l’écocide c’est-à-dire de l’anthropocide. Car dans tous les cas il s’agit de penser l’idée de crime contre l’humanité, ni plus ni moins, quoique en ajoutant une forme étendue, et inattendue, à la notion que l’après-guerre nous a fait acquérir.

Par crime contre l’humanité, nous avons d’abord désigné l’extermination d’un peuple à raison de ce qu’il est. D’un peuple, c’est-à-dire d’une fraction de l’humanité, mais en y voyant une réalisation de l’humanité générique. Mais, suggère Anders, comment la possibilité qu’une machine de création humaine détruise l’humanité elle-même, non pas générique et partielle, mais numérique et entière, comment cette possibilité ne tomberait-elle pas a fortiori sous la notion de crime contre l’humanité ? On ne voit pas trop ce qui pourrait venir se mettre en travers de l’argument, d’une évidence difficilement résistible. Cependant, allez faire dire à un barde que le capitalisme est criminel contre l’humanité. Alors que c’est bien ça, maintenant, qu’il faut dire. Et qu’il faut en tirer les conséquences. Oui ou non.

Post-scriptum. Tchernobyl, capitalisme ?

Le macronien, s’il s’en trouve un seul pour lire ce texte, n’a pas eu à aller au bout pour croire tenir son triomphe – dont il pense même avoir trouvé les armes dès la première ligne. Et Tchernobyl précisément ? C’est le capitalisme ?

La réponse à cette dernière question est moins simplement négative que ne l’imagine ce lecteur. Il y a longtemps, tout un courant du marxisme critique avait soutenu la thèse que l’URSS était moins l’antonyme du capitalisme qu’elle n’en était une variante spéciale, inattendue sans doute, mais une variante quand même. Son argument tenait que la planification centrale et un régime de propriété intégralement étatique des moyens de production n’avaient pas altéré les rapports sociaux fondamentaux par lesquels se définit le capitalisme : le rapport monétaire-marchand, le rapport salarial, la visée de l’accumulation, même si elle est ici séparée du mobile du profit.

Avec l’accumulation, en fait, on tient le point commun pertinent : « socialisme » et capitalisme sont l’un et l’autre des productivismes. Et c’est comme productivismes que ni l’un ni l’autre ne possèdent quelque point d’arrêt interne, quelque force de rappel. Les productivismes sont voués à l’accumulation, et l’accumulation est par construction un processus indéfini, sans terme assignable, qui ne sait que croître sans limite. L’objection d’un épuisement de la planète n’entre pas dans sa logique interne. C’est pourquoi en matière de désastre écologique, les « socialismes », également, se seront posés un peu là. Deux productivismes donc, mais chacun modulés par leurs tares respectives : pour le dire rapidement, l’incurie des organisations hiérarchiques quasi-militaires dans un cas, l’aveuglement de la quête sans frein du profit dans l’autre.

Et dans les deux cas, un accrochage avec les logiques d’État. Accrochage intime dans le cas soviétique, puisque l’État a absorbé toutes les entités productives, plus subtil dans le second, mais non moins réel, puisque l’État est comme le bras institutionnel des entités privées du capital à qui il aménage les conditions d’opération (réglementaires, légales) les plus décontractées. De là que le mensonge d’État, de l’État comme gardien général de l’ordre social, socialiste ou capitaliste, soit également présent à Tchernobyl comme à Lubrizol.

En réalité il y a deux manières simples de couper court à cette discussion. 1) L’histoire a tranché et, de ces deux productivismes saccageurs, il ne reste qu’un à combattre : le capitalisme. 2) Il n’y a que dans la tête de Laurent Joffrin ou de Nicolas Demorand, on veut dire de tous ceux qui tiennent éditos et micros, que sortir du capitalisme ne peut pas avoir d’autre sens que reconstruire une URSS.

 

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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 09:31

En plein été, une installation stratégique de la plus grande station d’épuration des eaux usées d’Europe est totalement détruite par le feu à trente kilomètres de la capitale. Il faudra entre trois et cinq ans pour la reconstruire, au prix, dans l’intervalle, d’une pollution gravissime de la Seine. Ce site n’a cessé d’enregistrer des sinistres de plus en plus graves depuis plusieurs années. Sa gestion est entachée par des dévoiements sans précédent en matière de marchés publics. Un désastre absolu, qui ne suscite qu’une inquiétante indifférence. Par Marc Laimé le 27 septembre 2019 pour son blog du « Diplo ». Lire aussi La corruption du marché des eaux usées remonte à la surface en Île-de-France et Dans les Alpes, la neige artificielle menace l’eau potable.

Photo © I. Michel / Sdis78

Photo © I. Michel / Sdis78

Le 3 juillet dernier, un incendie spectaculaire se déclenche sur le site classé « Seveso seuil haut », c’est-à-dire faisant l’objet d’une surveillance particulière en raison de la toxicité des produits qu’il abrite, au sein de l’usine « Seine Aval » (SAV) du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) implantée dans la plaine d’Achères, dans les Yvelines (1).

S’étendant sur 600 hectares, la gigantesque station d’épuration, à l’intérieur de laquelle on ne se déplace qu’en voiture ou en camion, est lovée dans une boucle de la Seine, à cheval sur les villes de Saint-Germain-en-Laye, Maisons-Laffitte et Achères. Elle traite 60 % des eaux usées de 9 millions de Franciliens, ce qui fait d’elle la plus grande station d’épuration d’Europe.

C’est un bâtiment de 6 000 m2 servant à la « clarifloculation » des eaux usées (procédé d’élimination des particules en suspension, notamment des phosphates (2)), abritant plusieurs cuves de chlorure ferrique, substance toxique et hautement corrosive, qui a pris feu. L’unité se situe au début de la filière de traitement des eaux usées, et abrite une myriade de colonnes en plastique, dans lesquelles circule le chlorure ferrique. Un énorme panache de fumée noire se dégage aussitôt, visible à plusieurs kilomètres à la ronde.

En l’espace de quelques mois, c’est le quatrième incident grave, incendie ou explosion, sur ce même site.

À 19 heures le sinistre n’était toujours pas maîtrisé par les sapeurs-pompiers du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) 78, qui avaient dépêché sur place plusieurs dizaines de véhicules et au moins 70 soldats du feu. À 18 heures 45, d’autres camions et d’autres sapeurs-pompiers continuaient d’arriver sur le site. « Nous avons dû procéder à une alimentation en Seine avec un bateau pompe. Nous avons également utilisé des motos pompes remorquables dans les rétentions des eaux usées », expliquait le lieutenant-colonel Christophe Betinelli, commandant des opérations de secours.

Ce que l’honorable lieutenant-colonel ne pouvait évidemment pas déplorer publiquement, c’est que les conduites alimentant les poteaux d’incendie — sur lesquels les pompiers branchent leurs lances — passaient… sous le bâtiment qui a brûlé. Les poteaux étaient donc inutilisables. « Inconcevable », confiera un pompier présent sur place. Il faudra attendre quatre jours pour que le sinistre soit totalement maîtrisé, après la venue de la gigantesque échelle déjà utilisée pour venir à bout de l’incendie de Notre-Dame de Paris.

Dès le lendemain matin, le syndicat FO du SIAAP dénonçait une situation « catastrophique » : « La situation à SAV s’est fortement dégradée depuis plus de deux ans. Vendredi dernier, nous avons adressé à l’inspection du travail sept alertes de dangers graves et imminents (dont le SIAAP n’a toujours pas tenu compte malgré ses obligations en la matière), pour des fuites de gaz ou des départs d’incendie. Hier avec l’incendie de la clarifloculation, les herbes hautes et sèches ont pris feu, lequel a failli atteindre la zone Biogaz. »

Premier bilan

Deux jours après l’accident, lors d’une réunion d’information organisée à Saint-Germain-en Laye, le SIAAP confirmait aux élus présents l’existence d’une pollution liée au déversement dans la Seine d’eaux usées qui n’étaient plus que « partiellement » traitées. Au lendemain de l’incendie, d’impressionnantes photos et vidéos d’amoncellement de poissons morts avaient été diffusées par les médias, ou mises en lignes par des associations locales et de nombreux particuliers, notamment des pêcheurs et des bateliers stationnés à Conflans-Sainte-Honorine.

Le samedi 6 juillet en fin d’après-midi, un bateau affrété par le SIAAP était arrimé au quai de l’île Peygrand, face au barrage d’Andrésy (Yvelines). À son bord, deux bennes contenant trois tonnes de poissons morts, mélangés à des algues et détritus divers. Une mortalité due au manque d’oxygénation de l’eau, conséquence de la présence anormale de matières organiques, et donc de carbone. Le syndicat affirmait compter sur la mise en service d’unités de biofiltration pour faire remonter le taux d’oxygénation du fleuve.

Parallèlement, le volume d’eaux traitées sur le site était réduit, passant de 15 m3 par seconde à 8 m3, la compensation étant assurée par deux des cinq autres usines du SIAAP, celles de Colombes (Hauts-de-Seine) et de Triel-sur-Seine. S’engageant sur un horizon de quelques semaines pour obtenir un traitement des phosphates quasi équivalent la situation d’avant l’incendie, le syndicat reconnaissait dans la foulée qu’il faudrait plusieurs années pour reconstruire l’unité de clarifloculation !

Ce même soir à 18 heures, Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État à l’écologie, annonçait la convocation des responsables du SIAAP. Quelques heures avant cette audition, un communiqué diffusé par l’association Robin des Bois suscitait de nouvelles inquiétudes : alors que la Seine était en période d’étiage, les égouts de l’Ouest parisien venaient de recevoir de lourdes charges de poussières de plomb consécutives à l’incendie de Notre-Dame de Paris.

L’association révélait surtout que l’incendie du 3 juillet était le onzième accident sur le site de SAV depuis le 10 avril 2017… Et que l’usine avait fait l’objet de quatre mises en demeure du préfet des Yvelines en 2018 pour non conformité à la réglementation, notamment pour le manque de contrôle des tuyauteries et soudures du site.

Le Siaap n’en ayant tenu aucun compte, une astreinte pécuniaire — une amende pour chaque jour de retard dans l’exécution des travaux — avait été prononcée par le préfet des Yvelines fin janvier.

Nouvelle hécatombe de poissons

Dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 juillet, de violents orages provoquaient une nouvelle pollution de la Seine du côté de Sartrouville, Conflans-Sainte-Honorine et Andrésy.

« Nous avons géré au mieux l’assainissement, mais nos capacités actuelles de traitement ne permettent pas d’excéder un débit de 17 m3 par seconde. Or, on a atteint 38 m3 par seconde », expliquait le directeur de SAV. En dépit du stockage dans son réseau et du soutien d’autres usines de traitement en aval, l’usine s’était contentée d’une simple « décantation ».

© Odile Tambou

© Odile Tambou

Dans toute la région parisienne, les gigantesques émissaires du SIAAP reçoivent en effet par temps de pluie, outre des eaux usées, des quantités énormes d’eaux « pluviales », fortement polluées après avoir ruisselé sur les chaussées. Comme Achères traite en temps normal jusqu’à 60 % des flux de l’agglomération, le scénario catastrophe se reproduira mécaniquement aussi longtemps que l’unité de « clarifloculation » n’aura pas été reconstruite, ce qui demandera trois à cinq ans et devrait coûter une centaine de millions d’euros. Avec pour conséquence de graves pollutions de la Seine, qui placeront la France en position délicate vis-à-vis de l’Union européenne, puisque plusieurs directives nous contraignent depuis le début des années 1990 à reconquérir une bonne qualité des eaux, sanctions financières à l’appui si l’objectif n’est pas atteint.

Fin juillet on recensait déjà un minimum de 10 tonnes de poissons morts.

Un mystère persistant

La préfecture des Yvelines organisait une nouvelle réunion le 5 septembre. On y apprendra que c’est seulement ce même jour, soit deux mois après l’incendie, qu’une mission d’experts avait pu accéder au site pour tenter de comprendre l’origine du sinistre !

Explication : « Le point de départ du feu était inaccessible pour des raisons de sécurité. (…) Les experts avaient besoin de rentrer dans la clarifloculation (…). La difficulté était double. D’abord parce qu’on avait des eaux d’extinction qui avaient servi à arrêter le feu qui se trouvaient au fond du bâtiment mélangées à du chlorure ferrique, et il était nécessaire de prendre un certain nombre de précautions, pour vider ces eaux, sans avoir un impact fort sur le milieu et la Seine. »

Avant juillet, le site traitait chaque jour 2,3 millions de m3 d’eaux usées. Une capacité tombée à 1,45 million de m3 après l’incendie. « Nous allons atteindre 1,7 millions de m3 à la fin de l’année, avant de parvenir à 2 millions au printemps 2020 », assurait le directeur de SAV. Côté calendrier, 2019 allait être consacré au nettoyage et au diagnostic complet des travaux à mener ; 2020 aux passations de marché, avant que le chantier ne démarre en 2021 pour s’achever à la fin 2022. À l’avenir, le chlorure ferrique sera stocké à l’extérieur de l’unité et non plus au centre comme c’était le cas, tandis que « la charpente et la toiture seront repensées », précisait le syndicat.

Arnaud Péricard, maire de Saint-Germain-en-Laye, indiquait qu’il tenait à la disposition des élus « tous les courriers qu’il a écrit depuis deux ans. Je ne veux pas être alarmiste inutilement, mais je ne suis pas optimiste sur la situation. Je me suis d’ailleurs permis d’appeler Mme le maire de Paris pour le lui dire. Elle m’a dit qu’elle allait regarder ça. Je rappelle que la ville de Paris a une part prépondérante dans ce conseil d’administration. »

Comme lors des deux précédentes réunions tenues en juillet, seuls des représentants de l’État, des élus et quelques rares représentants associatifs triés sur le volet avaient été conviés à y assister. De public, de riverains, point ! Du coup, alors que le site est classé « Seveso seuil haut » depuis 2009, l’annonce, seulement relayée par l’édition locale du Parisien et la Gazette des Yvelines — seuls médias à avoir suivi l’affaire —, de la mise en œuvre bien tardive d’un Plan particulier d’intervention (PPI), ou la refonte d’un Plan de prévention des risques technologiques (PPRT) n’avait aucune chance de rassurer des riverains excédés.

Rencontrés le 23 septembre, des résidents de Conflans-Sainte-Honorine qui préparent une liste citoyenne pour les prochaines élections municipales ne décoléraient pas : « On se moque de nous, depuis le début, nous n’avons aucune information sérieuse. Y a-t-il des risques sanitaires si l’on remet en service les anciens bassins de décantation qui vont nous empuantir des kilomètres à la ronde ? Qu’est-ce qui nous garantit que de nouveaux accidents ne vont pas survenir ? » Difficile de leur donner tort. Le SIAAP, qui verrouille sa communication d’une main de fer, à fait imprimer à des milliers d’exemplaires des tracts distribués dans les mairies qui répètent en des termes lénifiants que tout est déjà rentré dans l’ordre, ce que bien évidemment personne ne croit.

On notera par ailleurs que pas un(e) seul(e) des élu(e)s PS, PCF et EELV, qui représentent la Ville de Paris, la Seine Saint Denis, le Val de Marne et les Hauts de Seine au Conseil d’administration du SIAAP ne s’est exprimé sur ce désastre depuis le 3 juillet dernier...

Une nouvelle alerte syndicale

M. Stevan Kanban, responsable FO du SIAAP, avait exposé la veille, lors d’un CHSCT exceptionnel tenu à Seine Aval, l’exaspération de son syndicat :  «  (…) Le 26 août, alors que la détection incendie était en panne dans toutes les installations critiques du service 2, le SIAAP maintient la production sans aucun agent sur place, se contentant d’organiser des rondes toutes les heures pendant la nuit.

Le 31 août un départ d’incendie au service 2 de l’Unité de production des eaux (UPEI), sur des compresseurs de l’unité de nitrification n’a pas été signalé au CHSCT, et aucune enquête n’a été diligentée par le SIAAP.

Dans la nuit du 3 au 4 septembre, un autre départ de feu au service 2 de l’UPEI n’a pas non plus été signalé au CHSCT, et aucune enquête n’a été diligentée. »

Pour le responsable syndical, « depuis la nouvelle mandature, le SIAAP a accentué la censure contre les représentants du personnel aux CHSCT. Aussi bien au CHSCT central qu’à celui de SAV, les déclarations liminaires sont purement et simplement évacuées des procès-verbaux de séance et les prises de position lors des points à l’ordre du jour sont le plus souvent déformées ou non retranscrites. De l’habillage en somme. La politique de l’administration est limpide, c’est la préparation de l’outil de travail et de l’organisation à une gestion privée de nos installations : le refus systématique d’intégrer les éléments de sécurité définis par la réglementation relative aux administrations est un aveu s’il en faut. L’abandon par le directeur général lui-même de la présidence du CHSCT abonde dans ce sens. »

Le 16 septembre Mme Emmanuelle Wargon recevait à nouveau les représentants du SIAAP afin, notamment, d’évoquer l’audit de sécurité que l’entreprise doit réaliser. « Le marché sera lancé en octobre et le rapport devrait être remis à la fin du premier trimestre 2020 », précisait M. Yann Bourbon, le directeur du site de Saint-Germain-en-Laye. Une échéance jugée lointaine par plusieurs élus et associations du secteur.

Or l’omerta continue, plus que jamais. Alors que les conclusions des différentes enquêtes en cours ne sont pas connues, M. Jacques Olivier, directeur général du SIAAP, déclare le 25 septembre aux Echos : « La cause exacte de l’incendie n’est pas encore identifiée, mais trois pistes se dégagent : un problème au niveau des moteurs électriques des systèmes de ventilation, d’un éclairage halogène provisoire, ou d’un chemin de câble à proximité des cuves », avant de préciser : « Cette unité a été construite dans les années 1990 avec des standards de sécurité qui ne sont pas ceux d’aujourd’hui. »

Encore un peu ça va être la faute à pas de chance, ou à un travailleur détaché polonais...

La Seine polluée pour des années

Dans l’immédiat, pour pallier les problèmes de pollutions récurrentes, le syndicat prévoit d’augmenter à nouveau progressivement la capacité de traitement de la station. Notamment en remettant en service au printemps 2020 de gigantesques bassins de décantation à l’air libre, l’unité « Achères 4 », fermée lors de la mise en service de l’unité de clarifloculation. Or ces bassins à l’air libre dégageaient quand ils étaient en service des odeurs pestilentielles des kilomètres à la ronde…

« À partir d’un moment les pouvoirs publics doivent arbitrer entre des solutions moins bonnes ou pires. Si on n’installe pas cette décantation primaire, on est sûrs de ne pas passer l’été prochain », justifiait le préfet des Yvelines M. Jean-Jacques Brot, pointant la nécessité d’informer « loyalement » les populations riveraines de la station d’épuration.

Comment en est-on arrivé là ?

Dès le XIXème siècle, Achères accueillait les eaux usées non traitées de Paris, qui seront épandues dans sa plaine pour le maraîchage. Construite en 1940, la station d’épuration, longtemps réputée être la plus grande du monde avec celle de Chicago, connaîtra des agrandissements incessants à partir des années 1970, qui s’accéléreront à l’orée des années 2000 avec l’entrée en vigueur de directives européennes de plus en plus contraignantes.

Compte tenu de l’ampleur des investissements à mobiliser, avec le couperet de la transcription en droit français de la directive « Eaux résiduaires urbaines » (DERU), qui date de 1991, et a imposé à la France comme à tous les États membres de nouvelles obligations de résultat en terme de qualité de traitement des eaux usées, des bonnes fées vont se pencher sur le berceau du syndicat.

M. Michel Rocard, maire de Conflans-Sainte-Honorine de 1977 à 1994, et son directeur de cabinet M. Jean-Paul Huchon, qui lui succédera à la mairie de 1994 à 2001, avant d’occuper de 1998 à 2015 la présidence de la région Île-de-France, se démènent avec succès pour porter sur les fonts baptismaux une convention cadre entre le SIAAP, l’agence de l’eau Seine-Normandie et la région Ile-de-France, qui va permettre au syndicat de bénéficier de financements supplémentaires, ce qui va contribuer à lui conférer un statut d’exception. Avec ses 1 700 agents et son budget annuel d’1,2 milliard d’euros, c’est le premier donneur d’ordre européen dans le domaine de l’environnement.

De gigantesques marché publics se profilent. Près d’un milliard d’euros en différentes tranches pour la seule station d’Achères, ce qui a déjà suscité nombre d’interrogations….

L’unité de clarifloculation qui a entièrement été détruite le 3 juillet dernier est une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), dont le fonctionnement doit être étroitement contrôlé par les services de l’État, notamment la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE). Les graves incidents enregistrés depuis des années, comme les différentes enquêtes en cours depuis le 3 juillet — un audit technique interne, une procédure judiciaire ouverte dès le lendemain, ainsi qu’une enquête de la DRIEE, et une expertise confiée au Centre national de protection et de prévention (CNPP) —, ne suffiront pas à faire oublier un contrôle jusqu’alors des plus laxistes.

Pour sa défense, le SIAAP, dont les dirigeants étaient à nouveau convoqués par Mme Emmanuelle Wargon le 16 septembre, invoque les difficultés provoquées par la coexistence sur un même site d’installations datant des années 1970 avec des équipements ultra-modernes… Dont acte.

Liaisons dangereuses

Dans deux vidéos promotionnelles de la société Schneider Electric, le directeur général du SIAAP, le directeur adjoint à la direction technique et le chef de service équipement/ingénierie n’hésitent pas à vanter les mérites du matériel de télégestion installé par l’entreprise, notamment à l’usine de Seine Aval.

On peut s’interroger sur le respect du devoir de réserve des fonctionnaires territoriaux concernés, puisque ce sont ces mêmes responsables qui ont imposé au fil du temps l’adoption puis le renouvellement de ces matériels, au risque de flirter allègrement avec l’encadrement réglementaire des marchés publics.

Car il y a un problème. Le système de contrôle-commande (SCC) de l’usine Seine-Aval est exclusivement du matériel Schneider-FOXBORO. Ce système a été vendu avec l’assurance que chaque nouvelle version serait interopérable avec la précédente. C’est-à-dire que lors du lancement d’une nouvelle version logicielle, les anciennes versions présentes sur l’usine doivent pouvoir dialoguer avec la nouvelle, et que les éléments des anciens ateliers de l’usine doivent pouvoir apparaître sur les écrans du nouveau système.

Ce n’est pas le cas !

Les versions proposées par Schneider au cours du temps ne sont que très imparfaitement compatibles entre elles. Un peu comme avec Windows : il n’est pas possible de faire tourner un jeu développé sous Windows XP avec un PC Windows 7, et encore moins avec Windows 10 ! On se retrouve donc à Achères avec un système de gestion automatisé spécifique pour le prétraitement, un autre pour la clarifloculation (l’unité qui a brûlé), et la nitrification-dénitrification, et un troisième système pour la dernière nouvelle tranche, la file biologique.

Ce qui oblige les opérateurs à jongler avec plusieurs PC et une multitude d’écrans dans la salle de commande du poste de commandement central. Chaque système ayant ses caractéristiques particulières, il n’est pas toujours facile de se rappeler qu’une action sur une pompe dans un système peut ne pas donner les mêmes résultats sur le même type de pompe via un autre système. En termes de gestion industrielle du process et de la sécurité, et pour un site classé « Seveso 2 seuil haut », on peut faire mieux…

Ajoutez à cela une réorganisation des équipes de personnel de l’usine qui passe très mal, et a déjà été à l’origine de plusieurs grèves, un management de plus en plus coercitif aux pratiques féodales, voire népotiques, que ne cessent de dénoncer les syndicats, et l’occurrence d’accidents industriels à répétition s’éclaire d’un tout autre jour. Car ces dysfonctionnements innombrables s’inscrivent dans un contexte délétère.

République bananière

Un mois avant l’explosion, en juin 2019, la chambre régionale des comptes d’Île-de-France (CRC) dressait un tableau accablant de la « gouvernance » du SIAAP, qui s’est affranchi de toute contrainte depuis des lustres (3) :  « Les statuts actuels ont été adoptés en mars 2000 et ne correspondent pas à la base légale de la compétence, installée par la Loi sur l’eau de 2006 (…) ; le règlement intérieur du Conseil d’administration ne comprend pas de dispositions relatives au fonctionnement du bureau, hormis sa convocation (…) ; le Président (du CA) était un élu de Paris (RPR), de 1984 à 2001, puis un vice-président du Conseil général du Val-de-Marne (PCF) de 2001 à 2015, et depuis lors un élu (PCF) du Conseil départemental de la Seine Saint Denis (…) ; 5 commissions thématiques ont été créées par le CA. Les documents transmis n’ont pas permis de constater si elles s’étaient réunies, ni d’évaluer leurs travaux (…) ; la commission de la Coopération décentralisée (dotée d’un budget annuel de 2 millions d’euros), a compté jusqu’à 18 administrateurs entre 2011 et 2014. Aucune procédure ni règle écrite ne régit son fonctionnement (…) ; l’absence de règle précise de désignation des administrateurs a conduit en 2015 à une crise institutionnelle de longue durée (…) ; un quart des usagers du SIAAP, soit 2,3 millions d’usagers, sont situés hors de sa zone statutaire (et) ne bénéficient d’aucune représentation au sein des organes de décision du syndicat (…) ; des indemnités ont été versées aux élus sans base légale (…). Leur coût total s’élève à 928 826 euros pour l’ensemble de la période de 2010 à 2015. »

Alors que la CRC et le préfet de région préconisent, dans la perspective de la réforme du Grand Paris, de transformer le SIAAP en syndicat mixte et de revoir profondément sa gouvernance, la ville de Paris, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis répondent à la CRC et au préfet qu’ils n’en voient pas la nécessité.

Soupçons de corruption à grande échelle

L’attribution par le SIAAP de gigantesques marchés publics aux multinationales françaises de l’eau, à leurs filiales d’ingénierie, à des bureaux d’étude spécialisés et à des géants du BTP défraie la chronique judiciaire depuis le début des années 2000.

«  (…) Trois entreprises engrangent régulièrement des marchés : OTV, une filiale du groupe Veolia, Degrémont (une filiale de Suez), et Stereau, du groupe Saur (le numéro 3 du secteur de l’eau). En 2009, Degrémont a décroché un premier marché sur l’usine d’Achères (Yvelines) ; OTV, associée à Degrémont, en a obtenu un deuxième dans la même usine en 2010 ; OTV et Stereau l’ont emporté dans un troisième en 2016, ils avaient déjà décroché celui de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) en 2015, et la modernisation de l’usine de Valenton (Val-de-Marne) qui a été attribuée à Veolia en 2017… Des marchés colossaux, entre 300 et 700 millions d’euros chacun  (4).  »

Alors que ces dossiers sont toujours en cours d’instruction au parquet national financier (PNF), plusieurs décisions de justice récentes viennent de confirmer l’existence d’irrégularités qui ont déjà entraîné l’annulation du marché de rénovation de l’usine de Clichy-la-Garenne (5).

(1) Voir la fiche de l’usine (PDF).

(2) Voir cette fiche explicative (PDF).

(3) « SIAAP, exercice 2010 et suivants ». Rapport d’observations définitives et sa réponse. Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France. Observations délibérées le 28 novembre 2018, juin 2019.

(4) Franck Johannès, « Révélations sur des soupçons de corruption sur le marché de l’eau parisien », Le Monde, 13 mars 2018.

(5) Emmanuelle Serrano, « Et si l’italien Passavant Impianti était en passe de gagner une seconde manche contre le SIAAP ? », La Lettre A, 9 septembre 2019.

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8 octobre 2019 2 08 /10 /octobre /2019 09:09

 « Le nucléaire ne répond à aucun besoin technique ou opérationnel que ses concurrents sobres en carbone ne puissent satisfaire mieux, moins cher et plus rapidement ». Voilà la conclusion sans appel dressée par l’édition 2019 du World Nuclear Industry Status Report (WNISR). Plus coûteuse que les énergies renouvelables, la construction d’un nouveau réacteur dure en moyenne 10 ans : trop long pour sauver le climat ! Par Bernard Deboyser le 2 octobre 2019 pour Révolution énergétique. Lire aussi Aux Lilas, les citoyens s’unissent pour produire de l’électricité verte, Comment l’Europe profite à bas prix du soleil marocain et Les financements verts cachent un mouvement mondial de libéralisation des marchés de l’énergie.

Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat

Aujourd’hui la production d’électricité par les installations solaires et les parcs éoliens concurrence efficacement les centrales nucléaires existantes, y compris en termes de coûts, et leur capacité de production augmente plus rapidement que celles de toutes les autres filières, peut-on lire dans les 323 pages de l’édition 2019 du World Nuclear Industry Status. Cette étude indépendante menée par 8 experts interdisciplinaires de 6 pays, dont 4 professeurs d’université, a été coordonnée par Mycle Schneider, un consultant français spécialisé dans les domaines de l’énergie et de la politique nucléaire. Entre 1998 et 2010, il a conseillé le ministère de l’Environnement allemand, le cabinet du ministre français de l’Environnement et celui du ministre belge de l’Énergie et du Développement Durable.

Il y a aujourd’hui 417 réacteurs nucléaires dans le monde. Bien que leur nombre ait légèrement augmenté au cours des dernières années, il est significativement inférieur au pic de 438 enregistré en 2002.

Mais les réacteurs entrés récemment en service étant plus puissants, la capacité nucléaire installée sur la planète n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui : 370 GWe, une puissance légèrement supérieure au maximum précédent de 367 en 2006.
Toutefois la construction de nouvelles centrales s’essouffle visiblement. Alors qu’en 2010 (l’année précédant Fukushima), 15 chantiers étaient lancés, il n’y en a eu que 5 en 2018 et, jusqu’à aujourd’hui, un seul en 2019.
Actuellement 46 réacteurs sont en construction dans le monde, mais ils étaient 68 en 2013 et 234 en 1979. Même en Chine
, pays qui investit le plus dans le nucléaire, aucun nouveau projet n’a vu le jour depuis 2016.
Conséquence de tout cela : l’âge moyen du parc mondial de réacteurs nucléaires dépasse maintenant pour la première fois les 30 ans.

Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat

Heurs et malheur de l’EPR français

Problème : les chantiers de construction de nouveaux réacteurs sont de plus en plus long, 10 ans en moyenne selon le WNISR, et leur coût s’envole. L’exemple du seul réacteur actuellement en construction en France, celui de l’EPR de Flamanville [1] est significatif. Commencé en 2007, le chantier n’est toujours pas terminé, 12 ans plus tard. De retards en déboires nombreux et divers, sa mise en service prévue au départ en 2012, est actuellement programmée à fin 2022, soit après 10 ans de retard, au moins. Son coût, établi initialement à 3 milliards d’euros a déjà plus que triplé, la dernière estimation étant de 10,5 milliards. Mais le prix pour EDF pourrait s’élever au final à 15 milliards selon certains experts.

Un autre EPR de fabrication française se construit à Olkiluoto, en Finlande, et cela ne se passe pas beaucoup mieux. Débuté en septembre 2005 pour une mise en service initialement prévue à mi-2009, les travaux, s’éternisent aussi. Aujourd’hui, l’exploitant TVO estime ne pas pouvoir disposer de l’installation avant mi-2020. Vous comptez bien : plus de 10 ans de retard également. Côté coût, le montant forfaitaire de 3 milliards d’euros initialement convenu par contrat a explosé lui aussi suite aux indemnités de retard exigées par TVO. Le constructeur, Areva, étant une entreprise détenue majoritairement par l’État et par le Commissariat à l’énergie atomique (un établissement public), une grande partie des surcoûts liés à ces retards sera donc à la charge du contribuable français.

Enfin, EDF a prévenu récemment que son énorme chantier de construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point en Angleterre devrait coûter 3,3 milliards d’euros plus cher que prévu, alors qu’en 2017 le groupe français avait déjà annoncé s’attendre à un surcoût de 1,7 milliard d’euros. Quant au retard, évalué en 2017 à 15 mois pour le premier réacteur et 9 mois pour le second, Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, avoue aujourd’hui qu’il « s’est accentué ». « Il ne faut pas se voiler la face, la filière nucléaire française vit des moments difficiles parce que les problèmes dans la réalisation des chantiers s’accentuent » a-t-il encore admis ce 24 septembre.

> Des dérapages en termes de coût et de durée jugés inacceptables par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. « Le nucléaire ne doit pas être un État dans l’État » s’est-il exclamé lors d’une récente intervention sur RTL. Révélant avoir demandé un audit « totalement indépendant », il a prévenu que les conclusions du rapport pourront avoir des conséquences « à tous les étages », y compris chez EDF.

L’électricité verte se développe 25 fois plus vite que le nucléaire

Pendant ce temps, les nouvelles installations solaires et éoliennes accroissent leurs capacités de production plus rapidement que tout autre type d’énergie. Au cours de la dernière décennie, les coûts actualisés d’une unité de production électrique ont baissé de 88% pour le solaire et de 69% pour l’éolien, alors qu’ils ont augmenté, en moyenne de 23% pour le nucléaire, révèle le rapport du WNISR. Ces dernières années, la poussée des coûts de sécurité dans le nucléaire a contribué à creuser l’écart. Par MWh produit sur la durée de vie d’une installation, le coût total (construction + exploitation) du solaire photovoltaïque varie entre 33 et 40 €/MWh et celui de l’éolien entre 26 et 51 €. Pour le nucléaire, la fourchette est de 102 à 172 € soit, en moyenne, 3 à 4 fois plus cher que les renouvelables. Désormais, dans de nombreuses régions de la planète, le coût de celles-ci passe même sous celui du charbon et du gaz naturel, affirme le rapport.

Les investissements reflètent cette évolution. Aux États-Unis, la capacité de production d’énergie verte augmentera de 45 GW au cours des trois prochaines années, tandis que le nucléaire et le charbon perdront 24 GW. En 2018, la Chine qui reste le constructeur nucléaire le plus actif au monde, a investi 91 milliards de dollars dans les énergies renouvelables, mais seulement 6,5 milliards dans l’atome. Pékin, a étoffé son parc nucléaire de près de 40 réacteurs au cours de la dernière décennie, mais sa production nucléaire est inférieure d’un tiers à sa production éolienne. Bien que plusieurs nouvelles centrales soient en construction, aucun nouveau projet n’a vu le jour dans l’empire du milieu depuis 2016.

En conséquence, depuis 2000, les capacités de production d’électricité verte se développent 25 fois plus vite que le nucléaire. Sur cette période, elles se sont accrues de 547 gigawatts pour l’éolien et de 487 GW pour le solaire contre seulement 41 GW pour le nucléaire.

Les capacités de production d’électricité verte se développent 25 fois plus vite que le nucléaire

Les capacités de production d’électricité verte se développent 25 fois plus vite que le nucléaire

Rien qu’en 2018 un record de 165 gigawatts de nouvelles capacités renouvelables ont été connectées au réseau électrique mondial, pour seulement 9 gigawatts de puissance nucléaire supplémentaire. En termes de quantité d’électricité générée, celle de l’éolien s’est accru de 29% en 2018, du solaire de 13%, et celle du nucléaire de … 2.4%. En comparaison de la situation au début de la décennie, les renouvelables (hydroélectricité non comprise) génèrent un supplément mondial annuel de 1.900 TWh (térawattsheures), dépassant le charbon et le gaz, alors que le nucléaire produit moins malgré l’augmentation de la puissance installée. La faute à la vétusté grandissante du parc de centrales dont les pannes sont plus fréquentes et les périodes d’entretien ou de rénovation plus longues. En Belgique, par exemple, le taux de disponibilité du parc nucléaire n’a pas dépassé les 50 % en 2018 et pendant toute une période, un seul réacteur sur les 7 était opérationnel.

L’énergie nucléaire s’avère la plus chère et la plus lente

Tous ces chiffres sont extraits de l’édition 2019 du World Nuclear Industry Status Report dont son coordinateur, Mycle Schneider, a déclaré lors de la présentation du rapport aux médias il y a quelques jours à Budapest : « Il n’y a aucun doute : le taux de renouvellement des centrales nucléaires est trop lent pour garantir la survie de la technologie. Le monde assiste à l’agonie lente de l’industrie de l’atome ». Pour le climat, le prolongement de la durée de vie des vieux réacteurs en service n’est pas une option non plus, estime-t-il. Leurs coûts opérationnels excèdent celui des installations de production d’énergie renouvelable dont intermittence peut être compensée par des solutions de stockage ou de production pilotables comme l’hydraulique, la géothermie ou les centrales à biomasse. Et dont les coûts baissent eux aussi, constamment.
Le constat de Mycle Schneider est sans appel : « Vous ne pouvez dépenser un dollar, un euro, un yuan ou un rouble qu’une seule fois. L’urgence climatique est telle que les investissements doivent être consacrés aux solutions énergétiques les plus efficaces, les plus économiques et les plus rapides ». La durée moyenne de construction des réacteurs à l’échelle mondiale est d’un peu moins de dix ans, rappelle Schneider. Un délai trop long qui a des conséquences majeures en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, dans la mesure où il implique une prolongation de la durée de vie des centrales thermiques. « L’énergie nucléaire s’avère la plus chère et la plus lente », conclut-il. « Elle ne pourra pas sauver le climat ».

L’Ademe aussi condamne le nucléaire pour raison économique

Les conclusions du WNISR confortent celles d’une autre étude révélée fin 2018 en France par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Souhaitant éclairer le gouvernement au moment où s’ouvrait la consultation sur la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), cet institut scientifique publique établit dans son étude que « le développement d’une filière EPR ne serait pas compétitif pour le système électrique français d’un point de vue économique ». Selon le rapport de l’Ademe intitulé « Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050 », la construction d’un seul réacteur supplémentaire de nouvelle génération en 2030 nécessiterait 4 à 6 milliards d’euros de soutien public en raison de ses coûts trop élevés. En revanche, atteindre 95% d’électricité renouvelable en 2060 est soutenable pour le réseau et permettrait de réduire les coûts de l’électricité pour le contribuable.

Bernard Deboyser est ingénieur polytechnicien et consultant en énergie et mobilité durable. Passionné par les énergies renouvelables depuis plus de 30 ans il développe des projets éoliens et photovoltaïques dans le cadre d'une coopérative citoyenne dont il est un des fondateurs et l'administrateur-délégué www.hesbenergie.be

Lire Le rapport du WNISR et L’étude de l’Ademe      

[1] EPR : European Pressurized water Reactor ou Réacteur Européen à eau Pressurisée. Conçu par Framatome (une filiale d’EDF) et Siemens, ce réacteur de 3e génération (la technologie la plus récente de réacteurs nucléaires) est censé offrir une puissance et une sûreté améliorées.

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4 octobre 2019 5 04 /10 /octobre /2019 09:02

La famille des pesticides SDHI est-elle dangereuse au point de devoir être retirés du marché ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a-t-elle laissé passer des produits susceptibles de déclencher un scandale sanitaire ? C’est ce qu’affirme l’ouvrage de Fabrice Nicolino Le crime est presque parfait, paru en ce début septembre. Personnage central de l’ouvrage de Fabrice Nicolino, Pierre Rustin, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et responsable d’une équipe de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), est le scientifique qui a donné l’alerte sur les SDHI. Propos recueillis par Marie Astier pour Reporterre. Lire aussi Le 4 octobre, les SDHI sont nos ennemis ! et Les SDHI, ces pesticides qui alarment les scientifiques.                                    Venez manifester avec nous devant la mairie des Lilas ce vendredi 4 octobre à 18h30.

L’Anses n’a pas pris la mesure du drame des SDHI

Reporterre : Quel est votre domaine de recherche ?

Pierre Rustin : Avec mes collègues, nous travaillons depuis plus de 30 ans sur les maladies mitochondriales [1], c’est-à-dire des maladies liées à des anomalies de la respiration des cellules. Ces maladies concernent possiblement tous les organes, seuls ou en association. Elles interviennent à tous les âges de la vie. Chez le jeune enfant, le fonctionnement du cerveau, du cœur ou des muscles est souvent concerné, chez les personnes âgées ce sont des maladies de type Parkinson ou Alzheimer. En plus de ces maladies, connues depuis peut-être 40 ans, s’ajoutent depuis les années 2000 des cancers.

Nous nous sommes intéressés aux facteurs de l’environnement qui pouvaient intervenir dans le déclenchement ou l’évolution de ces maladies. En faisant des recherches bibliographiques, nous sommes tombés sur le fait que l’on utilisait des pesticides SDHI en agriculture. Or, les SDHI inhibent la SDH (la succinate déshydrogénase), qui est une des enzymes importantes dans la respiration cellulaire.

Vous avez contacté l’Anses pour l’avertir du danger sanitaire…

En fait, nous lui avons posé cinq questions scientifiques majeures auxquelles nous n’avons toujours pas obtenu de réponse.

La première question est liée au fait que les SDHI tuent l’enzyme chez toutes les espèces biologiques que l’on connaît. En matière de conséquence environnementale, c’est le pire que l’on puisse envisager pour un pesticide : aucune spécificité entre les espèces.

La deuxième question, c’est que nous avons découvert que les SDHI de nouvelle génération ne bloquent pas seulement la SDH mais bloquent aussi d’autres éléments dans les mitochondries, ce qui veut dire qu’il n’y a pas non plus de spécificité de cible et que les conséquences attendues de l’usage de ces nouveaux SDHI sont encore pires.

Le troisième élément, c’est que les tests réglementaires actuels ne sont valables ni au niveau cellulaire — ils ne permettent pas de voir si une substance va bloquer le fonctionnement des mitochondries — ni au niveau des animaux utilisés comme modèles pour tester la toxicité des SDHI. Les rongeurs ne présentent pas du tout une susceptibilité aux mêmes cancers que ceux observés chez les humains.

Le quatrième point, c’est que d’autres produits qui, comme les SDHI, touchaient la respiration cellulaire [2], ont dû être retirés parce qu’ils causaient chez l’homme la maladie de Parkinson. Et là encore, ni les tests réglementaires ni nos autorités sanitaires ne décelaient de danger…

Le cinquième point est que l’utilisation en préventif de ces molécules SDHI, comme d’autres pesticides, est totalement inadmissible. On ne donnera pas des antibiotiques à son bébé en prévision d’une éventuelle infection. C’est pourtant ce que l’on fait en agriculture. C’est inadmissible et absurde parce que chez les champignons comme chez les bactéries, cette pratique est sans doute la meilleure façon d’induire l’apparition de résistances. Un phénomène constaté dès maintenant pour les SDHI.

Nous leur avons posé ces cinq questions simples mais cruciales, mais pour chacune, nous n’avons pas reçu de réponse.

Aviez-vous déjà eu affaire à l’Anses ?

Jamais, nous sommes tombés des nues. Très franchement, nous nous sommes quasiment disputés avec mes collègues parce que, naïvement, j’étais convaincu qu’en recevant notre coup de téléphone, l’Anses allait prendre instantanément la mesure du drame possible. Mes collègues m’ont dit : « Ce n’est pas comme cela que ça se passe ! » Elles avaient raison.

Nous avons été obligés de publier la tribune dans Libération pour que — comme l’Anses ose le dire — ils « s’autosaisissent ».

Roger Genet, directeur général de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), le 23 septembre, sur France Info

Roger Genet, directeur général de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), le 23 septembre, sur France Info

Vous vous êtes alors retrouvé dans une bataille médiatique ?

À notre corps défendant ! Parce que la toxicité des pesticides n’est vraiment pas notre domaine de recherche. Mais pour des raisons morales, il n’est pas possible de ne rien dire, de ne rien faire.

Quand j’entends le ministre de l’Agriculture dire, qu’en accord avec l’Anses et les scientifiques, « cinq mètres d’écartement entre les traitements et les maisons, c’est bien », cela me fait bondir ! Comme sur bien des problèmes de pesticides, le ministre se trompe. Concernant l’espace de cinq mètres, cela a un côté ridicule, soit les pesticides doivent être proscrits, soit non. Tout le monde sait que les pesticides sont partout dans l’air, dans l’alimentation, les rivières. Cette discussion est absurde, il est urgent de sortir des pesticides.

Le directeur de l’Anses, Roger Genet, et son directeur du pôle sciences, Gérard Lasfargue, ont été ces derniers temps très présents dans les médias, pour répondre à votre alerte, à l’ouvrage de Fabrice Nicolino, et rassurer sur les pesticides SDHI…

Mais jamais ils ne s’adressent à notre équipe. L’Anses ne répond pas à mes méls, à mes lettres. Cette agence est complètement discréditée à mes yeux, ils ne font pas leur boulot. Ce n’est pourtant pas à nous de démontrer que ces pesticides sont dangereux.

Sur les SDHI, l’Anses a constitué un comité d’experts de gens sur le sujet, qui n’ont en aucune façon répondu à nos cinq points. Nous le leur avons dit, reprécisé, nous n’avons jamais obtenu de réponse. Je ne vois pas ce que l’on peut faire de plus.

L’Anses vous reproche de ne pas donner de preuve de la toxicité des pesticides SDHI sur l’homme.

On devrait tout d’abord parler de la toxicité peu discutable des pesticides, parmi lesquels les SDHI, démontrée en laboratoire et désormais constatée sur l’environnement. Mais, si l’on ne s’intéresse qu’aux seuls effets chez l’homme, l’effet attendu est l’apparition ou l’accélération de maladies neurologiques, du type maladie de Parkinson. Or, une incidence accrue de cette maladie est justement observée dans les cohortes d’agriculteurs, et cela dans les délais attendus.

Par ailleurs, vous écrivez dans une lettre ouverte à l’Anses qu’elle vous a demandé de montrer l’effet des SDHI sur l’enzyme des mammifères. Or, ceci est fait depuis 1976 ?

Absolument. Une recherche menée il y a plus de 40 ans par les spécialistes mondiaux de l’époque montre l’effet de la carboxine, l’ancêtre de tous les SDHI. Déjà, ils concluaient que c’était et que ce serait une folie complète d’utiliser ce type de molécules.

C’est une folie que de chercher à bloquer la respiration cellulaire en visant des étapes clefs, parfaitement conservées dans l’évolution, depuis les microorganismes jusqu’à l’être humain. Au départ, nous n’avons même pas pensé à publier ces observations : les revues scientifiques n’aiment pas republier des choses connues depuis… 40 ans. Quand l’Anses nous a dit que l’on n’amenait rien de nouveau, ils avaient raison d’une certaine façon.

Quelles recherches avez-vous menées sur l’effet des SDHI ?

Paule Bénit, dans notre équipe, a notamment étudié l’action des SDHI de dernière génération. Elle l’a fait dans des conditions qui font que l’on voit l’effet des SDHI, alors que les tests réglementaires ne le permettent pas. Elle montre que des cellules humaines normales meurent en présence d’une faible concentration de SDHI, et que les cellules de patients Alzheimer meurent plus vite. Comme ce sont des maladies où les mitochondries ne marchent déjà pas bien, quand l’on ajoute des inhibiteurs touchant les mitochondries, on a une mort cellulaire encore plus rapide. L’article scientifique exposant cette recherche va être publié dans les semaines qui viennent.

Vous étiez-vous intéressé aux pesticides auparavant ?

Pas vraiment. De fait, nous sommes entrés dans le sujet différemment de toxicologues, à partir de nos études sur des maladies humaines, ce qui d’une certaine manière nous a protégés de la chape de plomb qui pèse sur une partie de la toxicologie.

Pour les SDHI, depuis 1976, les toxicologues auraient dû dire stop. Depuis des années, il était possible de savoir à partir de la littérature scientifique accessible, que les tests réglementaires n’étaient pas valables. C’était leur boulot de monter au créneau et le dire haut et fort.

Pour vous quelle est l’étape suivante ?

Que l’on arrête d’utiliser les SDHI. Il n’y a pas besoin d’étude supplémentaire. Si usage il doit y avoir, alors il faudrait revoir complètement la façon de les utiliser, c’est-à-dire au moins en finir avec les épandages préventifs, qui sont des folies, que cela soit à 5 mètres ou plus.

D’autant que beaucoup de ces molécules n’ont pas prouvé leur efficacité. Je vous engage à essayer de connaître l’effet sur le rendement de ces SDHI. Ni la FNSEA [le syndicat agricole majoritaire], ni les industriels, ni l’Anses n’ont été capables de nous donner des chiffres sur l’effet sur le rendement de ces molécules. Le bénéfice-risque n’est donc même pas connu.

Et que pensent l’Inserm et le CNRS, vos employeurs, de tout cela ?

Avec leur accord, nous pouvons librement parler.

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2 octobre 2019 3 02 /10 /octobre /2019 10:59

En 1770, la première grande pollution industrielle chimique en France avait eu lieu à 500 mètres du site de Lubrizol. L’inspection des établissements dangereux, comme Lubrizol à Rouen, s’est « singulièrement assouplie » pour éviter de trop contraindre les propriétaires d’usine. Un héritage des siècles passés et de l’industrialisation à tout crin. Une tribune de Thomas Le Roux, historien, parue dans Le Monde le 2 octobre 2019. Chercheur au CNRS, Thomas Le Roux est auteur, avec François Jarrige, de « La Contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel » (Seuil, 2017). Lire aussi La toxicité du Roundup connue de Monsanto depuis au moins 18 ans et Amiante : un permis de tuer pour les industriels

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L’usine Lubrizol en feu, à Rouen le 26 septembre, vue d’un drone. (©SDIS 76)

L’usine Lubrizol en feu, à Rouen le 26 septembre, vue d’un drone. (©SDIS 76)

C’est à 500 mètres de l’actuelle usine Lubrizol de Rouen qu’eut lieu la première grande pollution industrielle chimique en France, au cours des années 1770, dans le quartier Saint-Sever, sur la rive gauche : les fumées corrosives d’une fabrique d’acide sulfurique détruisirent la végétation alentour et on les soupçonna de menacer la santé publique. Malédiction sur le site ou simple coïncidence ? Ni l’un ni l’autre : mais c’est au miroir du passé que l’on peut mieux comprendre comment le risque industriel et les pollutions sont encadrés aujourd’hui.

Le procès instruit en 1772-1774 après la mise en cause de la fabrique d’acide, a en effet produit un basculement dans l’ordre des régulations environnementales, un vrai changement de paradigme lourd de conséquences.

Une mise en lumière du processus historique aide à répondre à un panache de questions, telles que : « Seveso, quèsaco ? », « Une usine dangereuse dans la ville, est-ce possible ? », « Tire-t-on les leçons d’une catastrophe industrielle ? » Ou encore : « l’industriel : responsable, pas coupable ? »

Les directives européennes Seveso

L’usine d’additifs pour essence et lubrifiants Lubrizol est classée « Seveso – seuil haut ». Elle est donc parfaitement connue des autorités de régulation, à savoir l’Inspection des établissements classés, qui dépend du ministère de la transition écologique et solidaire, et qui a un rôle préventif et de surveillance.

Le classement Seveso découle d’une harmonisation européenne des règles de droit des différents Etats régissant les industries les plus dangereuses. Il tire son nom de celui de la ville de Lombardie où, en juillet 1976, l’usine chimique Icmesa laisse s’échapper un nuage toxique de dioxine qui contamine les environs. Pour prévenir ce type d’accident, trois directives européennes Seveso sont successivement adoptées en 1982, 1996 et 2012 (entrée en vigueur en 2015). Une telle exposition des faits pourrait laisser penser que, tirant les leçons de l’expérience (un accident), les autorités réagissent et fondent un droit protecteur, sans cesse amélioré. Il n’en est rien.

D’une part parce qu’avant la mise en place des directives Seveso, les Etats avaient déjà leur propre réglementation, parfois plus sévère. D’autre part parce que les centrales nucléaires, par exemple, y échappent. Enfin, parce que l’on peut douter de l’efficacité du dispositif.

En matière d’industrie dangereuse, l’accident n’est pas exceptionnel, c’est la norme. Les accidents dans les établissements classés français sont passés de 827 en 2016 à 978 en 2017, et 1 112 en 2018 et près de la moitié d’entre eux laissent s’échapper dans l’environnement des substances dangereuses. Les établissements Seveso contribuent sensiblement à cette progression : pour 15 % en 2016, 22 % en 2017 et 25 % en 2018.

Relâchement dans la régulation depuis la directive Seveso 3 de 2012 ? Remontons quelques années plus en amont, car, au nom d’une simplification des règles administratives, l’inspection des établissements dangereux s’est singulièrement assouplie pour moins contraindre les industriels.

Ainsi, depuis 2010, la nouvelle procédure de « l’enregistrement » a fait baisser significativement le nombre des usines devant se plier aux procédures d’autorisation de fonctionnement. Et cela malgré le souvenir, pas si lointain, de l’explosion mortelle d’AZF à Toulouse en 2001.

Cette procédure a accouché du dispositif des PPRT – plans de prévention des risques technologiques (2003), dans le but de réduire la proximité des installations classées avec les habitations, et dans lesquels, par un curieux renversement de perspective, il est prévu d’exproprier non pas l’industriel source de danger mais le résident qui a eu l’imprudence de venir habiter trop près ou la malchance de voir s’installer une usine près de chez lui. Chacun appréciera.

Comment comprendre que près de quarante ans après la première directive Seveso, la coexistence des habitations et des industries dangereuses soit encore possible ? C’est que ces directives reprennent l’esprit de législations nationales déjà existantes dont le but est, depuis le XIXe siècle, d’encourager l’industrialisation, quitte à sacrifier des zones au nom de l’utilité publique.

Revenons au procès de l’usine d’acide sulfurique de Rouen et son verdict par un arrêt du Conseil du roi, où l’affaire a été renvoyée, en 1774 : à l’encontre de la jurisprudence établie depuis des siècles et qui visait à protéger la santé publique en supprimant toute nuisance de voisinage, il est décidé, après moult débats entre les ministres, que l’usine peut continuer à fabriquer son acide, défense faite au voisinage de gêner son fonctionnement. L’acide sulfurique est alors un nouveau produit, puissant, innovant et indispensable au décollage des industries textile et métallurgique, moteurs de l’industrialisation.

Les populations doivent s’adapter

La décision du Conseil crée une brèche inédite dans la régulation des pollutions et risques industriels ; elle est à l’origine d’un bras de fer de plusieurs décennies entre industrialistes (acception large incluant les industriels, de nombreux scientifiques et la plupart des administrateurs de l’Etat) et défenseurs d’une jurisprudence rétive aux activités de production polluantes (voisins, agriculteurs, polices et justices locales).

La Révolution française et l’Empire napoléonien scellent finalement le nouveau pacte entre l’industrie et l’environnement, dans un contexte de guerre et de mobilisation de masse. La période voit une libéralisation considérable des contraintes juridiques environnementales.

En 1810, au plus fort de l’Empire, une loi sur les industries polluantes (la première du monde) se surimpose au droit commun et y déroge. Elle instaure un régime administratif industrialiste, qui est copié immédiatement sur tout le continent, puis adapté outre-Manche et outre Atlantique à la fin du XIXe siècle.

Les réformes ultérieures de la loi (en 1917 et en 1976 en France), y compris celle de Seveso, n’y changent rien : c’est aux populations de s’acclimater à l’industrie et son cortège de risques et de pollution, au nom de l’utilité publique, l’industrialisation étant assimilée au bien général. Plutôt que d’interdire un produit, on commence à définir une acceptabilité par la dose et les seuils. D’où la banalité de la proximité des usines dangereuses avec des zones habitées depuis deux cents ans.

Surtout, en conséquence de la loi de 1810 et du contrôle administratif, l’industriel échappe à la sphère pénale en cas de pollution : déjà responsable sans être coupable. Les seuls recours judiciaires possibles sont civils, pour déterminer des indemnités pour dommages matériels. Encore aujourd’hui, les poursuites pénales sont extrêmement rares, et les condamnations très faibles, l’exemple de l’entreprise Lubrizol venant confirmer cette règle, avec sa condamnation pour un rejet de gaz toxique, en 2013, à 4 000 euros d’amende – soit une broutille pour une entreprise de cette taille.

Autre leçon des régulations post-1810 : leur insistance sur l’amélioration technique, censée rendre, toujours à court terme, l’industrie inoffensive. La récurrence de l’argumentation, décennie après décennie, laisse rêveur au regard de la progression parallèle de la pollution au niveau mondial. Si la pression du risque industriel est partiellement contenue en Europe depuis les années 1970, c’est en grande partie la conséquence des délocalisations principalement en Asie, où les dégradations environnementales sont devenues démesurées.

La régulation des risques et des pollutions ne protège donc pas assez les populations, parce qu’elle protège avant tout l’industrie et ses produits, dont l’utilité sociale et l’influence sur la santé sont insuffisamment questionnées. Les garde-fous actuels (dispositifs techniques, surveillance administrative, réparation et remédiation, délocalisations) ont pour but de rendre acceptables les contaminations et les risques ; ils confirment une dynamique historique tragique dont l’accident de l’entreprise Lubrizol n’est que l’arbre qui cache la forêt dense de pollutions toujours plus chroniques, massives et insidieuses.

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1 octobre 2019 2 01 /10 /octobre /2019 21:55

Le vendredi 4 octobre à 18H30, les signataires de l’Appel à la résistance pour l'interdiction de tous les pesticides Nous voulons des Coquelicots se retrouvent à nouveau devant les mairies de leurs villes et villages. 421 événements sont annoncés pour le 4 octobre ! Lire aussi  Les SDHI, ces pesticides qui alarment les scientifiques  et Nous voulons des coquelicots...

Le 4 octobre, les SDHI sont nos ennemis !

Pour le premier anniversaire de notre beau mouvement des Coquelicots, nous avons décidé de passer à la confrontation. Avec le système infernal et criminel qui autorise l’empoisonnement de tous.

Car il y a du nouveau, avec ce sigle que tout le monde va découvrir : SDHI. Ces nouveaux pesticides sont partout en France, et représentent un danger inouï. Ils sont pourtant soutenus et même félicités par nos autorités d’État, ainsi que le raconte un livre explosif qui parait le 11 septembre.

Notre agence de sécurité sanitaire, l’Anses, est partie prenante du lobby des pesticides et démontre d’une manière éclatante qu’elle ne protège ni les humains ni les écosystèmes. La situation est si grave qu’elle remet en cause le contrat social qui lie nos vies et nos institutions.

Bien sûr, le mouvement des Coquelicots est, reste et restera non-violent et démocratique. Mais cela n’empêche pas la révolte, la saine révolte contre un ordre qui n’est plus respectable. Nous découvrirons ensemble, au fil des semaines, quelles actions peuvent être menées. Sachez que le petit groupe d’origine a des idées précises, qui en étonneront plus d’un. En voici une première, à découvrir ici.

Il va de soi que chacun peut proposer sa propre partition, éventuellement meilleure que nos propositions. Retenez que la deuxième année des Coquelicots doit montrer sa force sur le terrain. Les rassemblements devant les mairies doivent être maintenus et amplifiés, mais ouvrez grand vos oreilles, et préparez-vous à l’action. C’est le moment.

L'association Nous voulons des coquelicots

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28 septembre 2019 6 28 /09 /septembre /2019 09:09

La première centrale solaire citoyenne d’Ile-de-France voit le jour, avec l’appui de la ville et de plusieurs autres collectivités. Un article que j'aurai dû partager plus tôt sur ce blog, par Claude Guedon le 10 septembre pour Le Parisien. Lire aussi Un coup de pouce Vert pour les Electrons solaires ! et rejoignez les énergies citoyennes locales sur http://electrons-solaires93.org/Cooperative.html !

Les Lilas, le 5 septembre. La coopérative Electrons solaires cofondée par Pierre Stoeber a financé la première installation citoyenne d’Ile-de-France de panneaux photovoltaïques, sur le toit d’une école aux Lilas. LP/Claire Guédon

Les Lilas, le 5 septembre. La coopérative Electrons solaires cofondée par Pierre Stoeber a financé la première installation citoyenne d’Ile-de-France de panneaux photovoltaïques, sur le toit d’une école aux Lilas. LP/Claire Guédon

« Une aventure humaine. » Loin d'être galvaudée, l'expression que choisit Pierre Stoeber, cofondateur de la coopérative des Electrons solaires, au cœur du territoire d'Est Ensemble résume le chemin accompli ces trois dernières années. La poignée d'habitants convaincus du départ forme aujourd'hui une force de frappe de 120 sociétaires qui ont financé la pose de 117 panneaux photovoltaïques sur la toiture de l'école Waldeck-Rousseau, aux Lilas.

L'installation proprement dite qui s'est élevée à 75 000 € s'est déroulée au mois d'août. Une petite réception des travaux était organisée la semaine passée, pour inaugurer ce qui constitue la « première centrale solaire citoyenne d'Ile-de-France », comme le souligne Pierre Stoeber.

Sept coopératives en Ile-de-France

A sa connaissance, sept coopératives se sont montées en l'espace d'un an en région parisienne dont Plaine Energie citoyenne au nord-ouest de Seine-Saint-Denis. Parmi les projets avancés, figurent ceux d'EnerCit'IF, à qui la mairie de Paris a accordé au printemps 2019, le droit d'occuper le domaine public pour construire les neuf premières centrales solaires citoyennes de la capitale.

« Ça bouillonne depuis un an ou deux en Ile-de-France. On voit des habitants qui ont envie de se mettre ensemble, pour accompagner un projet d'énergie renouvelable », confirme Julien Courtel, d'Enercoop. Ce fournisseur d'électricité verte, qui compte 80 000 clients, travaille déjà avec 250 producteurs (centrales hydrauliques et installations éoliennes et photovoltaïques).

Une partie des 117 panneaux photovoltaïques posés sur le toit d’une école aux Lilas. LP/Claire Guédon

Une partie des 117 panneaux photovoltaïques posés sur le toit d’une école aux Lilas. LP/Claire Guédon

L'équipement de l'école des Lilas qui couvre une surface de 200 m2 produira l'équivalent de la consommation annuelle de douze à quinze foyers. Alors, évidemment, énoncée ainsi, la démarche pourrait paraître anecdotique. En réalité, elle a valeur d'exemple. « Notre but est d'amorcer la transition énergétique et de pousser les autres, à la faire. En tant que citoyen, on ne peut pas tout mais on montre que c'est possible », détaille Pierre Stoeber.

« Prise de conscience »

Et ça fonctionne : les villes des Lilas, du Pré Saint-Gervais, de Romainville, Pantin (et bientôt celle de Montreuil) ainsi qu'Est Ensemble sont devenus sociétaires de la coopérative. Chaque part est fixée à 100 €. « En moyenne, un sociétaire prend 4,5 parts », précise Pierre Stoeber.

« C'est une convergence de volontés, résume le maire socialiste des Lilas, Daniel Guiraud. On amorce une prise de conscience, pour encourager les copropriétés et les pavillons à poser des panneaux photovoltaïques et permettre l'augmentation du solaire dans le mix énergétique. »

Financé par la coopérative, l'investissement est assuré à 20 % en fonds propres, 30 % en emprunts et le reste en subventions. Un bail de trente ans a été passé avec la ville des Lilas qui en a profité pour coupler la rénovation de la toiture de l'école Waldeck-Rousseau aux travaux de pose des panneaux photovoltaïques.

Quatre nouveaux toits en 2020

En 2020, quatre nouveaux projets d'Electrons solaires vont pousser sur les toits du collège Jean-Zay (500 m2), à Bondy, d'un immeuble de logements sociaux, à Montreuil et de deux écoles à Pantin et Bagnolet.

L'objectif est de revendre l'énergie renouvelable à Enercoop. « Nous allons soutenir 18 projets citoyens en Ile-de-France portés par trois collectifs : Electrons solaires, EnerCit'IF et Sud Paris Soleil, précise Julien Courtel, d'Enercoop. Notre idée est de leur acheter l'électricité à un tarif légèrement bonifié et nous nous engageons auprès d'eux sur vingt ans, afin de leur assurer un modèle économique stable », poursuit-il.

Deux décennies, c'est effectivement la durée estimée pour « rentabiliser les installations », indique Pierre Stoeber. « J'essaie de faire de l'écologie par des actes. On crée quelque chose qui va vivre sa vie. C'est une très grande satisfaction. »

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21 septembre 2019 6 21 /09 /septembre /2019 09:02
Sur le quai du RER B à la station Saint-Michel, à Paris, le 25 juillet 2015. (PAUL-MARIE GUYON / CITIZENSIDE.COM / AFP)

Sur le quai du RER B à la station Saint-Michel, à Paris, le 25 juillet 2015. (PAUL-MARIE GUYON / CITIZENSIDE.COM / AFP)

« Trois cents bouches du métro rejettent des particules fines à des niveaux de danger exceptionnels », déclarait au Monde Anne Hidalgo, lundi 16 septembre, avant la publication d’une cartographie inédite révélant les zones les plus polluées de la capitale. Une équipe du CNRS, épaulée par l’association Respire, a mesuré en juin ces particules fines dans le métro et dans le RER avec un appareil de haute précision (LOAC). Les résultats, diffusés mercredi 18, sont sans appel : « L’air est nettement plus pollué en particules fines dans le métro que dans l’air ambiant extérieur. »

A la station du RER A, gare de Lyon, les concentrations de PM10 (inférieurs à 10 micromètres), les particules les plus grossières, ont atteint jusqu’à dix fois celles mesurées à la surface : 300 microgrammes par mètre cube (µg/m3) contre 30 µg/m3 à l’extérieur. L’écart est également important pour les PM2,5 (inférieurs à 2,5 µm) : 50 µg/m3 versus 15 µg/m3. Mais les résultats sont encore plus impressionnants lorsque l’on s’intéresse aux particules ultrafines (PUF), d’un diamètre inférieur à 0,1 µm, que ni les appareils de surveillance mis en place par la RATP sur son réseau ni ceux d’Airparif ne mesurent, en l’absence de normes.

« Un niveau jamais atteint en extérieur »

La concentration en PUF a atteint en juin environ 300 µg/m3, gare de Lyon. « Un niveau jamais atteint en extérieur, où on reste en général en dessous de 10 µg/m3 », souligne Jean-Baptiste Renard, du Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace du CNRS, qui a conduit ce projet. Les mesures en concentration ne rendant qu’imparfaitement compte de la pollution lorsqu’il s’agit de particules aussi fines, il faut aussi les dénombrer. Et, sur le quai du RER A, les scientifiques en ont compté beaucoup : entre 300 millions et 800 millions de particules par mètre cube. Soit 10 fois plus qu’à l’extérieur. Des niveaux similaires ont été relevés sur les quais de la ligne 4 du métro, à la station Châtelet.

Des mesures ont également été faites à la station Cité et dans une rame de la ligne 10 entre Odéon et Gare d’Austerlitz. Les niveaux de pollution constatés à l’intérieur de la rame sont inférieurs à ceux mesurés dans les couloirs. Et sur les quais, c’est en tête que les pics ont été mesurés. Conseil d’Olivier Blond, le président de Respire : « N’attendez pas votre RER près de l’entrée du tunnel ! »

Pour le spécialiste de la pollution de l’air, il s’agit d’« en finir avec l’omerta ». « Tout le monde sait que le métro est pollué, mais rien ne changera tant que la RATP refusera de reconnaître la gravité du problème. Les mesures que nous avons effectuées, c’est la régie qui aurait dû les faire depuis longtemps. » A la RATP, on fait valoir que des mesures de qualité de l’air sont pratiquées « depuis vingt ans » et mises à disposition du public depuis 2018, que 56 millions d’euros auront été investis entre 2016 et 2020 pour renouveler les systèmes de ventilation, ou encore qu’une expérimentation est en cours pour « capter les particules métalliques au freinage », considérées comme la principale source de pollution.

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20 septembre 2019 5 20 /09 /septembre /2019 09:13

L’étude menée à Paris, Berlin, Madrid, Londres… révèle des niveaux de pollution de l’air intérieur loin des normes sanitaires. D’après Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL) et Stéphane Mandard pour Le Monde le 18 septembre 2019. Lire aussi La première conférence mondiale sur la pollution de l'air s'est ouverte à Genève, Pollution de l’air : le match du siècle , Paris, encore loin des villes européennes modèles pour la pollution de l’air et la mobilité, La pollution de l’air tue 7 millions de personnes dans le monde chaque année et Médecins et associations unissent leurs voix pour rappeler l’urgence d’agir face à la pollution de l’air.

Les écoles cernées par la pollution dans six capitales européennes

La pollution de l’air ne s’arrête pas aux portes des écoles, ni à celles des salles de classe. Telle est la conclusion d’une étude menée par l’ONG européenne Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL) dans six capitales en proie à des problèmes récurrents de qualité de l’air : Paris, Londres, Berlin, Madrid, Sofia et Varsovie.

Trois polluants (dioxyde d’azote, particules fines et dioxyde de carbone) ont été mesurés entre mars et mai dans cinquante établissements. Les résultats ont été publiés mercredi 18 septembre. Ils font apparaître des tendances alarmantes communes à toutes les villes.

Du dioxyde d’azote (NO2), gaz toxique émis principalement par le trafic routier et en particulier les véhicules diesels, a été détecté à l’intérieur de toutes les salles de classe dans l’ensemble des écoles et parfois à des niveaux importants.

Les concentrations en particules fines (PM 2,5, inférieurs à 2,5 micromètres de diamètre) dépassent souvent la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est de 10 microgrammes par mètre cube (µg/m3) en moyenne annuelle. La plupart des salles de cours présentent des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) supérieurs au seuil recommandé de 1 000 particules par million (ppm).

Record dans une école parisienne

Les écoles cernées par la pollution dans six capitales européennes

Les résultats concernant le NO2 sont éloquents. Dans certaines classes, les concentrations frôlent les limites européennes en vigueur pour l’air extérieur (40 µg/m3 en moyenne annuelle). Ainsi, 35 µg/m3 ont été relevés dans une école de Madrid.

Dans d’autres établissements, les concentrations retrouvées à l’intérieur des salles dépassent même les niveaux mesurés en extérieur, à l’entrée de ces écoles : 30 µg/m3 versus 22 et 23 versus 16 pour deux écoles de Sofia, 13 versus 6 pour un établissement berlinois. Et, dans de nombreux cas, les niveaux mesurés à l’entrée des écoles oscillent entre 35 et 43 µg/m3, le record revenant à une école maternelle parisienne avec un taux de 52 µg/m3, soit largement au-delà de la limite légale européenne.

« L’objectif de notre travail n’était pas de comparer les villes entre elles, mais de mobiliser les décideurs locaux à travers l’Union européenne autour d’un défi de santé publique récurrent. A savoir que, pour garantir la qualité de l’air intérieur dans les écoles – là où respirent les membres d’une catégorie particulièrement vulnérable de la population –, il est indispensable de réduire la pollution extérieure », commente Sophie Perroud, de HEAL, qui regroupe plus de 70 organisations spécialisées dans les questions de santé-environnement.

A Paris, la campagne de mesures a été pilotée par France Nature Environnement (FNE). Elle complète les données publiées en mars par l’association Respire indiquant que les niveaux de pollution aux abords des établissements scolaires dépassent souvent les normes sanitaires. Six écoles maternelles et primaires représentant près de 1 000 élèves ont accepté de participer à l’étude. Choisies de façon à obtenir des profils différents (proximité avec un axe urbain, quartier…), elles ont préféré garder l’anonymat.

Mauvaise ventilation

Quatre écoles présentent des concentrations de CO2 « très supérieures aux niveaux recommandés » (entre 1 062 et 1 525 ppm), indiquant une mauvaise ventilation, pourtant indispensable pour la santé et la concentration des enfants. Les niveaux de particules fines PM 2,5, les plus dangereuses car elles pénètrent profondément dans l’organisme, dépassent la norme de l’OMS dans quatre d’entre elles, et de plus du double pour trois écoles (avec 20, 23 et 25 µg/m3).

Les résultats sont particulièrement préoccupants pour une école primaire du centre de Paris. Située à proximité d’un grand boulevard, elle cumule niveaux très élevés de CO2 (1 525 ppm) et de NO2 (52 µg/m3 à l’entrée de l’école, 27 µg/m3 en salle).

« La circulation routière et les chantiers de construction constituant la principale source de pollution de l’air extérieur, les écoles ont besoin que les maires agissent en vue de trouver des solutions permettant de la réduire, commente Alain Chabrolle, vice-président de FNE. Paris est en train de mettre en place quelques mesures, mais il est possible de faire davantage, en particulier autour des écoles avec, par exemple, des limitations de vitesse plus strictes, des zones à faibles émissions ou des zones à péage urbain. »

FNE et HEAL réclament aussi un « meilleur contrôle » et « des amendes plus dissuasives pour le non-respect de la vignette Crit’Air », qui interdit aux véhicules les plus polluants (Crit’Air 5 et 4) de circuler dans Paris en semaine. Les ONG plaident également pour un « renforcement du contrôle réglementaire et scientifique citoyen de la qualité de l’air dans les écoles ». Annoncé par la mairie avant l’été, le déploiement de 150 capteurs dans une cinquantaine d’établissements jugés prioritaires doit s’intensifier à partir du 20 septembre.

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