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24 décembre 2017 7 24 /12 /décembre /2017 09:36

Selon un article d’Anouch Missirian et de Wolfram Schlenker, de l’université Columbia (New York) publié dans Sciences le 21 décembre, si les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de progresser à leur rythme actuel, les Vingt-Huit pourraient être confrontés à un flux massif de réfugiés. D’après Simon Roger le 22 décembre 2017 pour Le Monde. Lire aussi François Gemenne : « La France terre d’asile est une légende ». et Migrants : dix raisons de les accueillir dignement en Europe et d'ouvrir les frontières.

Sauvetage de migrants au large des côtes libyennes par les autorités italiennes, en août 2016. EMILIO MORETTI / AP

Sauvetage de migrants au large des côtes libyennes par les autorités italiennes, en août 2016. EMILIO MORETTI / AP

En plein débat sur la politique migratoire européenne, l’article de Science corrélant l’évolution de la température mondiale et le nombre de demandes d’asile auprès des vingt-huit pays membres de l’Union européenne (UE) devrait susciter quelques réactions.

Publiés jeudi 21 décembre, les travaux d’Anouch Missirian et de Wolfram Schlenker, de l’université Columbia (New York), se fondent sur l’analyse croisée, pour les années 2000-2014, de plusieurs bases de données : chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, critères météorologiques, données socio-économiques, etc. Sur cette période, l’UE a réceptionné, en moyenne, 351 000 dossiers de demandeurs d’asile par an.

A partir des informations collectées dans cent trois pays de départ, les chercheurs ont évalué l’impact de la température moyenne enregistrée dans les zones agricoles sur le phénomène migratoire. « Lorsqu’elle dévie de l’optimum de 20 °C pour tendre vers des [moyennes] plus basses ou plus élevées, les demandes d’asile s’accentuent », constate Anouch Missirian, précisant que « ces effets sont plus visibles en cas d’élévation de la température. »

« Établir un lien entre variable de température et flux migratoire n’est pas une approche nouvelle, juge François Gemenne, expert en géopolitique de l’environnement, mais l’effort de quantification et de projection proposé par cette étude est, en revanche, assez inédit. »

Poussant plus loin leur réflexion, les deux universitaires ont revisité les modèles de réchauffement climatique élaborés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à partir de leurs observations. Et leurs résultats jettent une lumière crue sur l’ampleur des migrations à laquelle l’UE va devoir faire face.

Deux scénarios possibles

Si les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de progresser à leur rythme actuel et soumettent la Terre à une augmentation de température de l’ordre de 4,5 °C à 5 °C, les dossiers de demandes d’asile pourraient bondir de 188 % d’ici à 2100, soit 660 000 dossiers de plus que sur la période 2000-2014.

Si, en revanche, grâce aux efforts combinés des Etats et des acteurs non étatiques (collectivités locales, entreprises, société civile), l’espèce humaine parvient à stabiliser ces émissions et à contenir la surchauffe planétaire autour d’un seuil d’environ 2° C, les demandes d’asile ne devraient progresser que de 28 %.

« Dans le premier cas, on se retrouverait en plein scénario catastrophe, avec des hausses de température extrêmes et une explosion démographique qui nous entraînerait dans un monde inconnu, avance Anouch Missirian. En tout état de cause, cette interaction entre climat et migration est un sujet sensible, qui doit interpeller le monde politique, au-delà de la communauté des chercheurs. »

A commencer par les instances européennes, puisque l’étude se focalise sur l’espace communautaire. L’UE est un ensemble géographique pertinent à examiner : il est confronté depuis les années 2010 à une crise migratoire majeure.

En 2015, les Vingt-Huit ont accordé le droit d’asile à quelque 333 000 demandeurs, un chiffre en hausse de 72 % par rapport à 2014, d’après les données diffusées par l’office statistique européen, Eurostat. Mais les taux d’acceptation varient fortement d’un pays à l’autre. Et surtout, plus d’un million de migrants ont rejoint l’Europe, et plus de 3 700 personnes sont mortes en traversant la Méditerranée, au cours de cette même année 2015.

« La Commission européenne considère que, en dépit de la baisse des arrivées observée ces derniers mois au sein de l’UE, les facteurs de dynamique migratoire – changement climatique ou démographie à l’intérieur et aux marges de l’UE –, vont continuer à représenter un défi durant des décennies », a réagi l’un de ses porte-parole après lecture de l’article de Science.

« Myopie des gouvernements »

« La question migratoire est une priorité absolue pour l’UE, assure François Gemenne. En ce sens, l’étude est intéressante car elle peut nous aider à corriger la myopie des gouvernements actuels, qui font encore la distinction entre les bons réfugiés politiques d’un côté, les méchants migrants économiques de l’autre ! » Il poursuit : « La moitié de la population africaine, par exemple, tire l’essentiel de ses revenus de l’agriculture de subsistance. Elle est très vulnérable au dérèglement du climat. Autrement dit, ceux que l’on qualifie de “migrants économiques” sont aussi des migrants environnementaux ou climatiques. »

Selon les projections de Missirian et Schlenker, c’est en Afrique et au Moyen-Orient que pourraient apparaître les plus forts taux de demandes d’asile à la fin du siècle, au Niger, au Soudan, en Mauritanie, au Koweït et en Irak. Autant de pays soumis à d’importantes élévations de température ; victimes aussi, pour certains, d’une instabilité politique chronique.

La température n’est qu’un argument parmi d’autres dans la décision d’émigrer. Une approche multifactorielle de la réalité migratoire s’impose donc, mais aussi une analyse dépassionnée des chiffres brandis par les chercheurs de l’université Columbia.

L’hypothèse de 188 %, la plus significative, ne devrait pas voir le jour si l’UE, comme elle s’y est engagée, renforce la coopération et le soutien aux pays tiers et si des stratégies d’adaptation sont mises en œuvre dans les régions les plus sensibles au réchauffement climatique. « Un tel chiffre peut avoir un effet à double tranchant, prévient M. Gemenne. Il peut pousser à l’action ou, au contraire, effrayer les gouvernements et les conduire à un renforcement de leurs frontières. »

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20 décembre 2017 3 20 /12 /décembre /2017 11:34

  

Parce qu’elles n’accepteront pas que les centres d’hébergement deviennent des annexes des préfectures, 25 associations qui accueillent, hébergent, orientent des personnes sans abri, ont saisi le 18 décembre le Défenseur des droits au sujet du nouveau dispositif étatique destiné à l’examen de la situation administrative des étrangers sans abri hébergés ou qui sollicitent un hébergement. Lire aussi L’humanité de demain se construit par l’accueil des migrants aujourd’hui.

Annoncé aux associations lors d’une réunion organisée par les ministres de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires le 8 décembre, ce projet, qui remet en cause l’accueil inconditionnel des personnes dans les centres d’hébergement d’urgence, principe fondamental de l’action sociale, avait provoqué le départ anticipé de représentants associatifs.

Deux circulaires (l’une publiée le 8 décembre et l’autre datée du 12 décembre, mais pas encore publiée) prévoient en effet l’envoi d’équipes mobiles constituées d’agents de l’OFII et du service étranger des préfectures dans les centres d’hébergement en vue d’identifier les personnes de nationalité étrangère.

Conséquences immédiatement anticipées par ces associations : des personnes (dont des familles avec enfants, rappelons-le) qui n’appelleront plus le 115 pour être hébergées, qui resteront  à la rue ou dans des squats ou bidonvilles de peur d’être contrôlées et expulsées ou qui subiraient des fins de prise en charge.

Les associations demandent donc au Défenseur des droits d’intervenir auprès du gouvernement afin que ces instructions portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes étrangères hébergées dans les centres ne soient pas mises à exécution.

Si ces textes devaient être opposables aux personnes : ils mettraient un point final au principe de l’accueil inconditionnel, instaureraient un contrôle généralisé et discriminatoires des personnes étrangères au sein de lieux privés et obligeraient les associations à transmettre des informations à caractère personnel préjudiciables aux personnes qu’elles accueillent.

Associations signataires de la saisine :

Fédération des acteurs de la solidarité, La Cimade, Emmaüs Solidarité, Emmaüs France, Centre Primo Levi, UNIOPSS, Fondation Abbé Pierre, UNICEF, Médecins sans frontières, la Ligue des droits de l'Homme, Samu social de Paris, Médecins du monde, Secours catholique, JRS, Fédération de l'entraide protestante, CASP, France terre d’asile, Fondation de l’Armée du salut, Association Cités du Secours Catholique, Le refuge, Droit au logement (DAL), Dom’asile, Amicale du Nid, MRAP, Fédération d’Habitat et Humanisme.

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20 décembre 2017 3 20 /12 /décembre /2017 11:18

A l’occasion de la journée mondiale des migrants, le 18 décembre 2017, 413 organisations affirment qu’elles sont « fermement décidées à promouvoir un changement radical qui mette un terme à ces politiques migratoires aux conséquences humaines dramatiques ». Et qu’elles veulent « faire ressortir des revendications communes et des propositions concrètes pour une autre politique migratoire, respectueuse des droits fondamentaux ». Lire aussi Recensement des étrangers dans les centres d’hébergement : les associations saisissent le Défenseur des droits.

 

L’humanité de demain se construit par l’accueil des migrants - tribune du 18 décembre 2017 avec la liste des signataires.

En cette journée internationale des migrants, nous pensons à ces milliers d’enfants, de femmes et d’hommes qui ont péri en Méditerranée, dans le désert, ou en captivité, alors qu’ils avaient entrepris un voyage pour une vie meilleure, plus sûre et plus digne, comme tout être humain peut la désirer. Hommage à tous ces exilés qui ont dû risquer leur vie à cause de plusieurs décennies de politiques des pays les plus riches qui ont rendu les routes de l’exil impraticables et périlleuses.

En cette journée mondiale des migrants, nos pensées se portent également vers tous et toutes ces citoyens et citoyennes engagé⋅e⋅s qui, en France, en Europe et dans le monde, pensent qu’accueillir les personnes migrantes, manifester de la solidarité envers elles, c’est construire l’humanité d’aujourd’hui et le monde de demain.

Les obstacles mis sur les routes des migrants font le jeu des profiteurs de malheur, qui sèment le trouble et la terreur en se livrant au trafic d’êtres humains, au racket et à l’esclavage. Ces maux doivent être dénoncés et combattus. Or l’arsenal répressif déployé aveuglément par les gouvernements européens frappe du même coup les personnes migrantes, renforçant encore la nécessité pour elles de recourir à des réseaux criminels.

La France est en première ligne de ce mauvais combat. Une proposition de loi actuellement en discussion au parlement permettrait la rétention administrative anticipée des personnes « dubliné.e.s » (1), puis, début 2018, un projet de loi sur l’immigration et l’asile risque d’accroître encore le dispositif de répression à l’encontre de l’ensemble des étrangers. Sans attendre l’adoption de ces réformes, le ministre de l’Intérieur, via une circulaire en date du 20 novembre, a exhorté les préfets à obtenir des résultats rapides en matière d’expulsion de personnes en situation irrégulière. Pour ajouter encore au caractère inacceptable de cette politique, d’autres mesures sont envisagées qui remettraient en question le principe de l’accueil inconditionnel dans les structures d’hébergement d’urgence, et viseraient à contraindre les acteurs associatifs opérant dans ces centres à participer au tri entre « bons » et « mauvais » migrants.

On utilise cette expression pour désigner les personnes « placées en procédure Dublin », c’est-à-dire que le règlement européen Dublin III autorise à renvoyer dans l’État de l’UE par lequel elles ont transité avant d’arriver en France.

L’action extérieure de la France est à l’avenant. Le Président Macron s’indigne du traitement des migrants détenus en Libye, et des marchés aux esclaves, qu’il feint de découvrir quand les ONG alertent sur leur existence depuis plusieurs années.

Mais ni la France ni l’Europe n’envisagent de renoncer à financer les « autorités » libyennes pour qu’elles continuent de bloquer les migrants, et donc à fermer les yeux sur les violences et les trafics dont elles se rendent de fait complices.

L’argumentaire est toujours le même : la France, comme l’Europe, ne peut pas accueillir toute la misère du monde… Sauf que « toute la misère du monde » n’a aucunement l’intention de venir en France ou en Europe ! Les chiffres l’attestent clairement. Entêtées dans cette logique manichéenne de tri, les autorités des pays européens refusent d’admettre que les causes des migrations sont multiples, et d’envisager, en conséquence, que les critères pour accueillir et accorder une protection le soient aussi.

Dans nos actions de terrain, nous, associations et organisations citoyennes, constatons quotidiennement les conséquences de ces orientations : maltraitance des migrants, violation de leurs droits fondamentaux, criminalisation des bénévoles, affaiblissement des principes guidant le travail social et la protection des personnes les plus fragiles, et donc les fondements mêmes de la solidarité nationale.

Cette politique se développe sans concertation large avec les centaines d’associations locales, collectifs citoyens ou organisations nationales qui travaillent aux côtés des personnes migrantes. En dépit de nos demandes, le gouvernement se barricade derrière ses certitudes, se limitant à quelques rencontres avec certains acteurs pour les informer de ses décisions et confirmer son choix de pratiques démagogiques, au demeurant dénuées de réalisme, érodant chaque jour un peu plus nos chances de construire un futur fait de droits, de solidarité et de respect.

Dans ce contexte plus qu’inquiétant, nous avons pris l’initiative, le 21 novembre, de lancer les « États généraux des Migrations ». D’abord marqués par des rencontres en régions de tous les acteurs citoyens impliqués, les idées et propositions qui en émergeront seront ensuite discutées à l’occasion d’une session nationale plénière prévue au printemps prochain. Notre objectif est de faire ressortir des revendications communes et des propositions concrètes pour une autre politique migratoire, respectueuse des droits fondamentaux.

Ce 18 décembre, en soutien à tous et toutes les migrant⋅e⋅s, nous sommes fermement décidés à promouvoir un changement radical qui mette un terme à ces politiques migratoires aux conséquences humaines dramatiques.

  1. On utilise cette expression pour désigner les personnes « placées en procédure Dublin », c’est-à-dire que le règlement européen Dublin III autorise à renvoyer dans l’État de l’UE par lequel elles ont transité avant d’arriver en France.
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22 novembre 2017 3 22 /11 /novembre /2017 12:21

Les grandes associations et de nombreux collectifs locaux d’aide aux migrants se regroupent pour montrer le visage de la France qui accueille. Le collectif Les amis de la Roya citoyenne s'est constitué en association lundi 20 novembre à Paris, nous y étions, pour soutenir les lanceurs d'accueil Cédric Herrou, Pierre-Alain Mannoni,... D’après Maryline Baumard le 21 novembre 2017 pour Le Monde.

Pierre-Alain Mannoni lors du lancement de l’association Les Amis de la Roya citoyenne lundi 20 novembre à Paris

Pierre-Alain Mannoni lors du lancement de l’association Les Amis de la Roya citoyenne lundi 20 novembre à Paris

Tous sous une même bannière ! Mardi 21 novembre, 470 associations et collectifs d’aide aux migrants lancent les Etats généraux des migrations. Ils se veulent une émanation de cette France de l’accueil qui n’a pas réussi à parler d’une même voix depuis 2014, et espèrent ensemble peser face à la politique du gouvernement.

Pour la première fois depuis 2008, Amnesty International, le Secours catholique, la Croix-Rouge française, Médecins du monde mais aussi le Gisti ou Emmaüs International se retrouvent dans un mouvement unitaire aux côtés d’une longue liste de collectifs locaux qui jusqu’alors cantonnaient leur mission à une aide aux migrants, sans s’inscrire dans une expression plus politique. Les P’tits Dej’ à Flandre, Terre d’errance ou Paris d’exil feront eux aussi entendre leur voix, en écho à celle de Roya citoyenne et de nombreux mouvements catholiques ou protestants.

Cahiers de doléances

Une bonne partie du mouvement citoyen d’accueil des migrants se met ainsi en ordre de marche. Symboliquement, les premières actions auront lieu le 18 décembre, journée internationale des migrants. Des cahiers de doléances seront ouverts et commenceront à être noircis par les 470 communautés partantes. Dans la foulée, des concertations seront décentralisées partout en France avec interpellation et mobilisation citoyenne en réaction au projet de loi sur l’immigration que prépare le ministère de l’intérieur pour début 2018.

Les associations veulent aussi rendre plus visible cette « chasse aux migrants qui continue dans les Alpes, près de Calais et partout en France, tandis que les procès de citoyens solidaires se succèdent », comme le précise Violaine Carrère, juriste au Gisti et membre du comité de liaison.

« On a longtemps laissé faire mais désormais, face à la situation de violence contre les migrants, à la multiplication des interpellations de citoyens solidaires et à la préparation d’un projet de loi très répressif, il nous fallait agir, dire haut et fort que cette politique n’est pas menée en notre nom », observe Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale d’Emmaüs international.

Son association est l’une des premières à s’être mobilisées à force de voir, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, des compagnons d’Emmaüs convoqués par la police et des responsables de centre auditionnés au sujet des sans-papiers qu’ils aident.

Les différences d’approche mises entre parenthèses

En janvier déjà, les associations marquées à gauche, mais aussi des mouvements catholiques, avaient commencé à se compter, élaborant une carte de France baptisée #LaPreuveParNous, qui regroupe 1 097 initiatives diverses d’aides aux nouveaux venus sur tout le territoire. Les répondants de ce premier appel sont aussi ceux qui ont signé une tribune le 17 juin sur le site Mediapart. Intrigué par la liste des 470 signatures, l’Elysée a reçu des émissaires, six organisations nationales et six collectifs locaux.

« Le pouvoir en place voulait bien des états généraux sur l’alimentation, mais pas sur les migrations. D’autant que sur notre sujet, ils nous ont dit avoir déjà leur feuille de route », observe rétrospectivement un des invités. Le 12 juillet a en effet été annoncé le « plan migrants » du gouvernement… « Cette fin de non-recevoir a fini de nous convaincre de la nécessité d’organiser nos états généraux sans l’Etat », ajoute le même interlocuteur.

Mettant donc entre parenthèses les différences d’approche au sein de ce paysage multiforme, 110 représentants de 80 associations se sont une nouvelle fois retrouvés à Paris dans les locaux d’Amnesty International, le 7 octobre, pour entériner l’idée de cahiers de doléances, avant une autre réunion pour les derniers calages, largement suivie elle aussi.

Créer un vaste mouvement d’opinion

Prévue pour s’inscrire dans la durée, cette mobilisation veut agir à la fois « sur la loi migration qui pourrait passer au Parlement au printemps » et de façon plus profonde en créant un vaste mouvement d’opinion, organisé, capable de peser « et de faire comprendre que les Français sont accueillants et que nous sommes nombreux à ne pas nous reconnaître dans la politique menée aujourd’hui », rappelle Camille Champeaux du Centre de recherches et d’information pour le développement, l’instance qui coordonne.

Aux côtés de Cédric Herrou, de nouvelles voix issues de dizaines de collectifs sont partie intégrante du dispositif. Dans la Roya, d’ailleurs, afin de sortir du tête-à-tête stérile entre le préfet et Cédric Herrou – une nouvelle fois assigné en justice lundi 20 novembre –, un collectif baptisé Les Amis de la Roya citoyenne a posé son acte de naissance lundi à Paris et sera acteur des états généraux. Il est parrainé par plusieurs centaines d’artistes, intellectuels et politiques, d’Agnès Jaoui à Jacques Testart en passant par Annie Ernaux ou Jean-Luc Mélenchon.

Des migrants, Cedric Herrou, Pierre-Alain Mannoni, et d’autres lanceurs d’accueil dans un débat animé par Daniel Schneidermann, lors du lancement de l’association Les Amis de la Roya citoyenne lundi 20 novembre à Paris

Des migrants, Cedric Herrou, Pierre-Alain Mannoni, et d’autres lanceurs d’accueil dans un débat animé par Daniel Schneidermann, lors du lancement de l’association Les Amis de la Roya citoyenne lundi 20 novembre à Paris

Les représentants des grandes associations nationales, emblématiques du secteur, abordent eux la période avec l’expérience de leur dernière importante mobilisation sur le sujet, il y a neuf ans. Sous l’ère Sarkozy, un collectif citoyen qui offre bien des points communs avec celui de 2017, avait réussi à monter un Sommet citoyen sur les migrations.

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28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 14:02

Dans leur rapport annuel publié hier, six associations dressent un bilan sévère du placement en CRA des étrangers en situation irrégulière pour l’année 2016. Elles dénoncent une politique migratoire axée sur le « quantitatif ». Par Émilien Urbach le mercredi 28 Juin 2017 pour l'Humanité.

«Recours trop systématique à l’enfermement », « pratiques abusives », « violations des droits »… Les six associations (1) habilitées à intervenir dans les 50 centres (CRA) ou locaux de rétention administrative (LRA) dressent un bilan sévère du placement des étrangers en situation irrégulière pour l’année 2016. Au total, près de 46 000 personnes ont été placées en rétention l’an dernier. C’est un peu moins qu’en 2015 (47 500 mesures) mais le niveau reste très élevé. « De 2012 à 2016, 23 2 162 personnes ont été privées de liberté » via la rétention, rappellent les organisations, qui y voient « le reflet de politiques migratoires axées sur le quantitatif, masquant mal des approches à court terme ».

La situation varie beaucoup en fonction des territoires. En métropole, le nombre de placements (24 000) baisse de 13 %, notamment en raison de l’état d’urgence, qui a mobilisé les policiers vers d’autres missions et donc entraîné la fermeture ou la réduction de capacité de certains CRA. Outre-mer, en revanche, le chiffre est en nette hausse (22 000 mesures de rétention). Le département de Mayotte atteint à lui seul 43 % du total national. « Les éloignements forcés y sont si rapides (17 heures en moyenne) que seule une faible proportion de personnes peut exercer ses droits », déplore le rapport.

Impressionnante augmentation du nombre d’enfants enfermés

En métropole, les autorités ont procédé en 2016 à 9 440 expulsions depuis la rétention, soit un taux de reconduite de 44 %, dont une grosse moitié seulement vers un pays extérieur à l’Union européenne. Vers l’UE, en revanche, on compte 1 017 reconduites de migrants « dublinés », c’est-à-dire ayant laissé leurs empreintes dans un autre pays européen. Certains sont plus éloignés que d’autres : Roumains (85,6 %) ou Albanais (81,7 %) notamment, souligne le rapport, qui dénonce un moyen pour certaines préfectures « de gonfler leurs chiffres ».

Les associations dénoncent l’utilisation parfois abusive des 1 823 places en CRA et 231 places en LRA. « Dans nombre de cas, la rétention a été détournée de son objet, en servant à éloigner les migrants des zones de campement sans pour autant avoir de perspectives raisonnables d’éloignement, la plupart provenant de pays à risques », précise le rapport. C’est ainsi que de nombreux migrants s’y sont retrouvés après la fermeture des campements de Paris et de la « jungle » de Calais. Dans le seul Pas-de-Calais, 630 Afghans ont ainsi été placés en rétention ainsi que 250 Irakiens.

La durée maximale de rétention – fixée à 45 jours depuis 2011 – est également sujette à caution, la plupart des décisions d’éloignement étant prises dans les deux premières semaines d’enfermement. Ainsi, en 2016, sur les 2 646 personnes retenues plus de 30 jours en métropole, 61 % ont finalement été libérées. Les auteurs du rapport posent donc la question de « l’efficacité » et de la légitimité d’une durée de rétention maximale aussi longue. Dernier point très inquiétant : l’impressionnante augmentation du nombre d’enfants enfermés. Malgré les cinq condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme en 2016, le nombre d’enfants privés de liberté, en métropole, a pratiquement quadruplé en deux ans, passant de 45 cas à 185. Et il atteint le chiffre ahurissant de 4 285 dans le seul département de Mayotte. Dans ce département, « l’enfermement des enfants en rétention continue à être massif et à s’exercer en violation de tous les standards du droit interne comme européen », déplore le rapport.

(1) Assfam, Forum réfugiés-Cosi, France Terre d’asile, Cimade, Ordre de Malte, Solidarité Mayotte.

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27 avril 2017 4 27 /04 /avril /2017 15:43

Le politologue belge François Gemenne déconstruit l’expression « appel d’air », qui déshumanise les migrants et repose sur un mensonge. Entretien par Ingrid Merckx le 26 avril 2017 pour Politis à lire sur www.politis.fr . Lire aussi par François Gemenne Migrants : dix raisons de les accueillir dignement en Europe et d'ouvrir les frontières et Dynamiques nouvelles des migrations internationales.            Mobilisons-nous localement avec La Grande Grande Parade Métèque qui aura lieu cette année le samedi 1er juillet 2017. Premiers chars en construction début mai, tous les détails et l'adhésion sur cf http://www.lagrandeparademeteque.org/.

Philippe Huguen-AFP

Philippe Huguen-AFP

Spécialiste en géopolitique de l’environnement, François Gemenne explique en quoi l’idée d’appel d’air fait fi des études sérieuses sur les migrations pour servir le « bon sens populaire », alimenter la peur brandie par l’extrême droite et justifier des politiques d’accueil restrictives. Il rappelle que la France n’est plus un pays attirant et que ce qui pousse les gens à choisir un pays c’est la langue, la famille éventuellement déjà établie et la possibilité d’y trouver du travail.

D’où vient la notion d’appel d’air ? A-t-elle une réalité ? La thèse de l’appel d’air suppose que les migrants maîtrisent leur trajet et le choix de leur destination. Cette vision tient-elle face à une guerre, à une catastrophe, à des persécutions, à la misère… ?

L’idée de l’appel d’air, c’est qu’un pays qui aurait une politique migratoire plus ouverte, ou une politique sociale plus généreuse, attirerait automatiquement un grand nombre de migrants. Or, on sait que les politiques du pays d’accueil n’entrent pas en ligne de compte dans le choix du pays de destination : ce qui compte, c’est la maîtrise de la langue, la présence antérieure de membres de sa famille ou de sa communauté, et la possibilité d’y trouver un travail.

C’est encore moins le cas lorsqu’on doit fuir une situation désespérée (...)

François Gemenne Chercheur en science politique à l’université de Liège (Cedem) et à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Cearc), chercheur associé au Ceri/Sciences Po.

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13 avril 2017 4 13 /04 /avril /2017 09:04

Depuis deux décennies, les passeurs opérant en bandes organisées se succèdent autour de Calais et de Grande-Synthe, où le camp humanitaire a été ravagé par un incendie dans la nuit du 10 au 11 avril. Hommes invisibles qui dorment le jour, vivent la nuit, ils sont détestés des migrants mais indispensables pour franchir la frontière. Un ancien passeur a accepté de témoigner. Par Elisa Perrigueur le 11 avril 2017 pour Mediapart. Lire aussi Le maire de Grande-Synthe veut que le camp de migrants survive à l’incendie.

À la tombée de la nuit en 2015-2016, il était courant d’apercevoir des silhouettes marchant à travers champs pour rejoindre les autoroutes et, a priori, créer des barrages © Elisa Perrigueur

À la tombée de la nuit en 2015-2016, il était courant d’apercevoir des silhouettes marchant à travers champs pour rejoindre les autoroutes et, a priori, créer des barrages © Elisa Perrigueur

Parfois baptisés par les migrants les « parkings de l’enfer », ces lieux sont des ressources stratégiques. Une partie des camions qui filent vers le Royaume-Uni s’y garent. Il faut ensuite ruser pour y faire monter les migrants contre quelques milliers d’euros. Technique clandestine la plus utilisée, elle rapporte gros : entre 3 500 et 12 000 euros par tête. Être « chef de parking » est un statut qui se protège. Alors les groupes s’arment, « pistolets, couteaux et gaz lacrymos », confie Zirak, ancien passeur. Les passeurs sont généralement des tombes, mais lui accepte de révéler anonymement des bribes de ses années d’expérience. « Il y a eu des blessés dans des règlements de compte. » Le Kurde irakien l’admet : « 90 % des migrants ont peur de nous car il arrive que des personnes les battent. Ce sont ceux qui boivent, se droguent et perdent le contrôle. » Lui, sous sa carrure imposante, n’aime pas « ces comportements violents », dit-il.

Depuis une décennie, rien n’a changé sous le ciel du Nord. Les passeurs originaires du Kurdistan irakien et d’Albanie règnent sur ce business, organisant les montées dans les camions, mais également des passages clandestins avec de faux documents. Autour d’eux gravitent d’autres réseaux tenus par des Érythréens, des Soudanais, des Vietnamiens… ou encore des Iraniens qui, arrivés sur le tard en 2015, tentent les traversées par bateaux sur la Manche agitée, comme le 3 avril dernier au large de Calais. D’autres migrants, enfin, essayent seuls, se glissant sous les châssis des bus ou des camions. Ou lors de barrages sur les routes, comme à l’aube du démantèlement de la « jungle » de Calais, en octobre 2016. Spectaculaires mais peu efficaces. La stratégie de l’invisible est plus sûre.

Le « réservoir » de Grande-Synthe

Ces organisations criminelles résistent aux démantèlements successifs des camps. Celui du bidonville de Calais les a tout au plus déstabilisées. « Leur activité est constante. Lorsqu’on démantèle un réseau, on le désoriente pendant quelques mois, mais d’autres trafiquants reviennent systématiquement combler le vide », note Vincent Kasprzyk, capitaine de la Brigade mobile de recherches de Coquelles (BMR). Connus des réfugiés, les passeurs sont des spectres pour les riverains ou les associations. Autour d’eux, c’est l’omerta. Outre-Manche, les migrants se livrent sous anonymat. En France, ils restent muets. « C’est trop risqué de parler », souligne Sylvain de Saturne, de l’association L’Auberge des migrants. « Les réfugiés ne veulent pas griller leurs plans vers l’Angleterre, qui représentent un investissement énorme. Parfois, j’ai rencontré des gamins qui avaient été tabassés. Ils m’avaient affirmé que c’était la police, puisque ça arrive souvent… J’ai su après que c’était des trafiquants. Ils préféraient mentir pour se protéger. »

Car ces hommes de l’ombre sont au plus près des migrants. À l’exception des ressortissants albanais, pouvant circuler 90 jours avec des passeports biométriques et qui logent souvent dans des hôtels, la majorité s’installent dans les camps de réfugiés, se faisant eux-mêmes passer pour des migrants. Celui de la Linière, à Grande-Synthe, qui abritait 1 700 personnes dont des familles et qui a brûlé dans la nuit du 10 au 11 avril, « était un gros réservoir de passeurs. Ils étaient nombreux à vivre à l’intérieur », signale la BMR. Selon les premières informations concernant l’incendie, une rixe a éclaté entre Kurdes et Afghans, ces derniers étant mécontents de leurs conditions de logement, davantage précaires. « Le camp était tenu par les passeurs Kurdes irakiens, précise la BMR de Coquelles. Au départ, ils voulaient rester entre eux et n’acceptaient pas l’entrée des Afghans, qui ont fini par venir en grand nombre [à partir de décembre, après le démantèlement de la « jungle » de Calais – ndlr]. Des tensions étaient rapportées depuis plusieurs semaines… Pour que le camp finisse en cendres, cela suppose que plusieurs départs de feux aient été allumés. Il y avait une volonté de destruction. »

En 2017, sept filières trans-Manche ont été disloquées sur le littoral par cette brigade renforcée en septembre. Vingt l’année précédente. À coups d’écoutes téléphoniques, de surveillances, il faut deux à trois mois environ pour « taper » une cellule, selon le jargon policier. « Avec l’incendie de La Linière, cela risque de rendre les investigations plus compliquées. Les passeurs feront tout pour ne pas perdre leur marché, mais on ne sait pas où ils seront rassemblés. Ils seront moins visibles, indique la BMR. Tout ça est encore très flou. Ils vont se réorganiser… »

Entre eux, ils se donnent des surnoms : Dana, Kerouane, Soura… Ces hommes, plutôt jeunes et sans papiers, sont une centaine, calcule la police aux frontières (PAF). Les chiffres restent des estimations dans ce système obscur. Des micro-réseaux : cinq à six personnes. Une logistique dérisoire : des voitures, souvent immatriculées en Grande-Bretagne, des téléphones portables, dont les numéros sont eux aussi britanniques. Ils s’enrichissent vite. 3 500 euros le passage semble être le tarif minimum ; il peut vite flamber en fonction des nationalités. « On voit que les personnes érythréennes ou soudanaises paient moins cher, car elles ont peu d’argent. Les syriennes, elles, paieront plus, considérées comme plus aisées, détaille Vincent Kasprzyk. Les groupes albanais sont également beaucoup plus gourmands et ne font passer que des personnes originaires d’Albanie. »

« Ils opèrent comme les réseaux de stupéfiants »

Un autre agent de la BMR compare : « Ils opèrent comme les réseaux de stupéfiants : leurs marchandises sont des êtres humains qu’ils tentent de dissimuler de la même façon qu’ils cacheraient de la drogue pour la faire passer illégalement. » « On ne les aime pas, mais impossible d’aller en Grande-Bretagne sans un passeur », résume l’Iranien Olan. Dans le nord de la France, ils trouvent toujours du travail. Des Érythréens, Soudanais, Éthiopiens, Kurdes, Albanais, Afghans et Vietnamiens sont toujours candidats pour le Royaume-Uni. Arpentant les champs et les routes entre Calais, Dunkerque et Boulogne-sur-Mer, les passeurs connaissent également par cœur ces confins de la France. Des confins si barricadés que leur « expertise » de terrain devient indispensable. Car derrière les barbelés qui bordent les autoroutes, deux infrastructures aux allures de forteresses se dressent à la frontière. L’Eurotunnel et le port de Calais, principales portes d’entrée vers l’Angleterre, par où transitent des milliers de poids lourds chaque jour, n’ont cessé de renforcer leurs protections : chiens renifleurs, scanners, clôtures « végétalisées », caméras infrarouges, détecteurs de pulsations cardiaques… Mais autorités et migrants le concèdent : les traversées clandestines se poursuivent ; à un rythme peu intense mais régulier. Pour les passeurs, rien ne semble impossible.

Dans le nord, tout est question de routes pour les passeurs. D’après les policiers, les Kurdes d’Irak et les Albanais se sont « approprié » des parkings le long des autoroutes dans le courant des années 2000 © Elisa Perrigueur

Dans le nord, tout est question de routes pour les passeurs. D’après les policiers, les Kurdes d’Irak et les Albanais se sont « approprié » des parkings le long des autoroutes dans le courant des années 2000 © Elisa Perrigueur

Des « moineaux » par dizaines

Zirak, lui, a été « lieutenant » pendant des années, celui qui ferme les portes des camions pour dissimuler ceux que les réseaux nomment leurs « clients ». Cela se passe lorsque les villes dorment, cinq soirs par semaine, le samedi et dimanche étant des jours off, en raison du faible nombre de poids lourds. Le « lieutenant » raconte avec détachement son exercice d’autrefois, remuant lentement son café, la manière dont il se faufilait pour « charger », selon la formule, les migrants avec rapidité, ses « performances » : environ dix migrants à chaque fois, pour 3 500 euros par personne. Il jouissait d’une bonne réputation pour son travail, se remémore-t-il, satisfait. « Ça joue sur la régularité de tes prestations. Si jamais tu ne fais passer personne pendant trois semaines, tes clients iront voir ailleurs. Tout se sait. » L’ex-passeur, désormais loin de cet univers calaisien, a cessé cette activité illégale. « Trop fatigante », abrège-t-il, triturant le col de sa chemise. Il n’en dira pas plus sur sa nouvelle vie. Dans la bouche de Zirak, cela semblait un business comme un autre. « Je suis arrivé ici, je n’avais pas d’argent. On m’a proposé ce boulot. On le fait tous pour ça. En Irak, tout le monde est pauvre. Alors certains envoient de l’argent à leur famille, à un proche blessé au pays… »

C’est seulement à leur arrivée dans le nord que les migrants approchent le réseau. « Par téléphone ou par Facebook. Nos réputations se diffusent par le bouche-à-oreille. » Il est rare, précise l’ex-trafiquant, qu’un groupe organise tout le trajet des migrants à travers l’Europe. « Chaque frontière possède ses micro-réseaux indépendants. Ce sont toujours des Kurdes. Nous sommes sur toutes les frontières, nous avons ça dans le sang », sourit l’homme. Après les premiers contacts, les tentatives commencent. Et la plus courante : la tactique du « camion pollué », comme la qualifie le parquet de Boulogne-sur-Mer, lorsque les migrants montent à l’insu du chauffeur routier. « Si le client se fait prendre aux contrôles ou par les chauffeurs, on réessaye jusqu’à ce qu’il passe. C’est la prestation. Et ça fonctionne peu du premier coup », prévient l’Irakien. Durant leurs opérations, les passeurs utilisent des codes par téléphones, conscients des écoutes. « On rebaptisait nos clients de noms d’oiseaux, comme “moineaux”, et nos voitures devenaient des “ânes”. » Une fois que les migrants montent dans les camions, ils ne savent généralement pas où ils arrivent au Royaume-Uni. Leur itinéraire s’arrêtera à l’adresse de livraison du poids lourd. Aucun passeur ne les attend outre-Manche.

Zirak est monté en grade au sein du réseau. Il a commencé « transporteur », avant de devenir « lieutenant ». Pour que l’activité tourne à plein régime, la cellule se structure. Il y a d’abord le « rabatteur » qui recrute les « clients », le « transporteur », qui les mène aux aires d’autoroute, puis le « lieutenant ». En haut de cette hiérarchie, le « chef de parking », puis le « banquier », qui s’assure du paiement à l’arrivée. Un système informel sans traces : la hawala (mandat en arabe). Un transfert est effectué depuis le pays d’origine du payeur, trois quarts de la somme, souvent par la famille, au « banquier », intermédiaire généralement installé au Royaume-Uni. Le dernier quart n’est remis qu’une fois le « client » arrivé à destination. « S’il ne donne pas l’argent à l’arrivée, on va voir la famille au pays [d’origine – ndlr], on discute, on peut aussi baisser le prix, ajoute l’ex-passeur. Mais c’est rare que les gens ne payent pas. » Pour rembourser leurs dettes envers la famille ou les amis, une partie des migrants travaillent ensuite au noir au Royaume-Uni.

Le turn-over des « passeurs d’opportunité »

Bien sûr, l’homme avoue avoir eu peur de la prison, avoir connu les courses à tombeau ouvert pour fuir la police. De Dunkerque à Calais, en passant par Douvres, près de 600 agents de la PAF veillent. L’ancien passeur connaissait les peines maximales encourues, cinq ans ferme et 30 000 euros d’amende pour une aide à l’entrée et au séjour irréguliers. Dix ans ferme et 75 000 euros d’amende si le délit est effectué en bande organisée, dans des conditions dangereuses. Au contraire de Zirak, d’autres sont tombés dans le milieu. Des figures comme Pasha, dont les autorités évaluent les bénéfices à près de 5 millions d’euros entre août 2015 et septembre 2016. Cinq ans fermes, en septembre dernier.

Alors, pour se faire plus discret, « on va, on vient », dit Zirak. Lui se « mettait au vert », plutôt dans un autre pays d’Europe, ce que la PAF confirme. Une partie des membres des réseaux sont des récidivistes. « Tu travailles bien pendant trois mois, tu gagnes pas mal d’argent, puis tu pars en vacances pour te faire oublier des autorités et ensuite tu reviens, résume-t-il. Pendant ce temps-là, tu donnes tes clients à deux personnes de confiance. »

« On ne sait pas où est l’argent »

Plus sûre que le « camion pollué », les passeurs proposent la prestation du « passage garanti » ou « VIP » pour 10 000 à 12 000 euros. Lors de ce que le groupe appelle l’intifaqi, le chauffeur du véhicule est complice. Des caches sont aménagées dans les véhicules ou les poids lourds : à l’intérieur de la marchandise, derrière des doubles cloisons ou encore dans le bloc moteur… Des faux papiers peuvent également être fournis aux migrants.

Le chauffeur de mèche devient lui-même un « passeur d’opportunité », d’après l’expression de la police, un complice qui n’appartient pas au réseau. Les routiers de l’Est se laissent le plus souvent tenter, comblant un salaire de misère. Mais la gamme des « passeurs d’opportunité » est plus large que les seuls camionneurs. Zirak l’atteste, d’autres « petites mains » éphémères interviennent dans le business kurde irakien. Avec un large taux de turn-over. Quelques Français, rares, voulant arrondir leurs fins de mois. Mais surtout beaucoup de migrants eux-mêmes. « Si quelqu’un n’avait pas d’argent mais voulait aller en Angleterre, je lui proposais de travailler pour moi. Il acheminait les gens jusqu’au parking pendant 10-15 jours et je le faisais passer gratuitement. »

À l’aube du démantèlement de la « jungle », en octobre 2016, les barrages se sont multipliés sur les autoroutes © Elisa Perrigueur

À l’aube du démantèlement de la « jungle », en octobre 2016, les barrages se sont multipliés sur les autoroutes © Elisa Perrigueur

Ces « passeurs d’opportunité » défilent plusieurs fois par semaine dans les tribunaux du Nord. Pascal Marconville, procureur de la République à Boulogne-sur-Mer, rappelle que les comparutions immédiates de cette cour sont passées de quelque 250 en 2015 à 400 pendant l’année 2016. Sur ces affaires, la moitié environ concerne les passages clandestins. Pour Me Marie-Hélène Calonne, qui a souvent défendu ce type de passeurs, la comparution immédiate est « un moyen de poursuite extrêmement violent ». « On a souvent affaire, dans ces cas-là, à des hommes qui ont peur et craignent des représailles pour leur famille. Les peines sont extrêmement lourdes et c’est du ferme quasi systématique lorsque la personne est étrangère. Un Français se verra plus facilement accorder un sursis… », signale cette avocate. « Ce traitement différencié entre étrangers et Français me dérange. » Et de citer le cas de ce chauffeur polonais, qui, le 30 mars, a écopé de douze mois de prison, dont six fermes. « Il a perdu connaissance au tribunal », souligne-t-elle.

Les passeurs qui se retrouvent à la barre de la justice française ne sont souvent que des « ouvriers », selon le langage des groupes. Le haut de la pyramide est rarement dans l’Hexagone. Le trésor non plus. Sur les sept millions d’avoirs criminels autour du trafic de migrants saisis chaque année en France, les autorités ne dénichent presque rien sur le littoral. « On ne sait pas où est l’argent », admet Julien Gentile, patron de l’Ocriest.

Collaborer sur des enquêtes financières avec les États d’origine des passeurs en réseau s’avère complexe. « L’Albanie a plus d’intérêt à enquêter en raison des aides qu’elle reçoit de l’Europe, mais elle a peu de moyens. Quant au Kurdistan irakien, impossible : il n’y a pas d’État. » Reste la Grande-Bretagne, où se trouvent « beaucoup de commanditaires, au moins financiers », explique Julien Gentile. « Avant 2013-2014, le Royaume-Uni ne luttait pas contre les réseaux, considérant que les trafiquants étaient surtout en France. Ils débutent dans le domaine. » Une prise de conscience que le phénomène des passeurs trans-Manche ne concerne pas seulement le littoral. « Certains groupes descendent plus au sud, près de Reims, Orléans… sur des aires d’autoroutes moins surveillées, détaille Julien Gentile. Mais il y a aussi la voie aérienne, via Paris ou des petits aéroports avec des faux documents. » Depuis le début de l’année, six réseaux à destination de la Grande-Bretagne ont été démantelés loin du littoral du nord.

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12 avril 2017 3 12 /04 /avril /2017 12:27

Détruit par les flammes, le camp de réfugiés de Grande-Synthe est en sursis. Le maire, Damien Carême, n'entend pas laisser l'État en finir avec ce lieu dans lequel vivaient près de 1 500 personnes, principalement des Kurdes irakiens et des Afghans en transit vers l'Angleterre. Par Carine Fouteau pour Mediapart le 11 avril 2017. Lire aussi Un ancien passeur raconte le trafic de migrants entre la France et l’Angleterre.

Le camp de Grande-Synthe, après l'incendie qui l'a détruit dans la nuit du 10 au 11 avril 2017. © Reuters

Le camp de Grande-Synthe, après l'incendie qui l'a détruit dans la nuit du 10 au 11 avril 2017. © Reuters

Un gigantesque incendie a ravagé dans la nuit du 10 au 11 avril le camp de Grande-Synthe (Nord), qui hébergeait environ 1 500 migrants, provoquant la désolation de celles et ceux qui s’étaient démenés pour voir surgir de terre ce lieu, le premier campement aux normes internationales sur le sol français à accueillir des réfugiés. Désolation de voir des familles déjà éprouvées par l’exil subir un nouveau traumatisme ; désolation de voir leurs efforts partis en fumée ; désolation d’entendre leurs opposants politiques se saisir de ce drame, qui n’a pas causé de décès, pour dénoncer leur initiative.

« C’est un coup sur la tête, on se relève, il faut faire face, on continue, on va trouver des solutions », affirme Damien Carême, le maire EELV de la ville, à l’origine avec Médecins sans frontières (MSF) de l’ouverture du camp en mars 2016.

Personne ne le conteste, l’incendie est le fait des migrants eux-mêmes. Il a fait suite à deux rixes qui ont éclaté, dans l’après-midi et la soirée du 10 avril, entre des ressortissants kurdes irakiens et des ressortissants afghans, les deux principales communautés présentes sur place, entre lesquelles les tensions étaient récurrentes. Selon des témoignages recueillis par l’AFP, les Afghans étaient mécontents d’être parqués dans les cuisines collectives tandis que les Kurdes, arrivés avant eux, dormaient dans des chalets dont le nombre n’a pas été accru. « Lors de la première bagarre, un migrant a été blessé à l’abdomen par un coup de couteau, six personnes ont été blessées ; puis vers 22 heures, cela a repris, 15 autres personnes ont été blessées », raconte Damien Carême, joint par Mediapart en début d'après-midi.

« Ça s’est envenimé », poursuit-il : les Kurdes ont mis le feu aux cuisines collectives ; en représailles, les Afghans ont incendié les « shelters ». Le feu a été maîtrisé au milieu de la nuit, à la suite de l’intervention d’une soixantaine de sapeurs-pompiers ; les forces de l’ordre ont permis « de ramener le calme et de limiter le bilan des victimes à quelques blessés », indique le ministère de l’intérieur.

Sur les 291 cabanons en bois, seule une trentaine a été épargnée par les flammes. Le camp transformé en champ de ruines est aujourd’hui inaccessible, une enquête confiée au commissariat de sécurité publique de Dunkerque étant en cours. « Les familles sont désespérées, elles ont tout perdu : leur maigres affaires, leurs papiers, elles sont à nu, elles n’ont plus rien », indique le maire, réconforté par sa conversation téléphonique, en milieu de journée le 11 avril, avec le nouveau ministre de l’intérieur Matthias Fekl, qui a rappelé que « les premières victimes de ce drame étaient les migrants eux-mêmes ». Sur les 1 500 migrants délogés par l'incendie, 600 ont été hébergés dans trois gymnases mis à disposition par la municipalité ; les autres sont partis le long des routes, vers Calais ou Dunkerque, à la recherche d’emplacements pour passer la nuit.

« L’hébergement dans les gymnases ne peut pas durer ; des activités y sont programmées ; ces installations sont en ville, ce n’est pas gérable vis-à-vis de la population », indique le maire, prêt à recevoir la visite de Matthias Fekl et d’Emmanuelle Cosse, la ministre du logement, en fin d’après-midi. « Malgré la période électorale peu favorable, nous allons trouver des solutions », veut-il croire. Dans un premier temps, l’idée serait d’installer des tentes ou des conteneurs sur le campement, une fois les travaux de déblaiement terminés. « Ensuite, poursuit-il, nous pourrions envisager la reconstruction de maisonnettes. » « Peut-être pas en bois », ajoute-t-il.

La propagation rapide du feu a forcément interrogé le choix initial des cabanons en bois. « Il n’y a pas de solution miracle, rappelle la porte-parole de MSF – c'est l'ONG qui a conçu le camp – Corinne Torre. Le problème, ce n’est pas le matériau utilisé. Nous avons construit ce camp parce que personne ne faisait rien, que des gens dormaient dans des bois avec de la boue partout », souligne-t-elle. « Le problème, cela a plutôt été le management : ce camp est resté un camp au lieu de devenir un lieu de vie », estime-t-elle. MSF a créé l’espace, mais ne l’a jamais géré, deux structures associatives s’étant relayées à cette tâche : d’abord Utopia 56, puis l’Association des Flandres pour l’éducation, la formation des jeunes et l’insertion sociale et professionnelle (Afeji).

« Gérer ce genre de lieu suppose un encadrement solide, des travailleurs sociaux, des personnes capables de s’occuper de l’accompagnement des familles. Cela suppose beaucoup de ressources humaines. Or, sur place, ils n’étaient pas assez nombreux », observe Corinne Torre.

Aux tensions intercommunautaires s’ajoutait, à Grande-Synthe, un autre problème de taille : la présence de réseaux de « passeurs », principalement des Kurdes irakiens, installés dans les parages depuis des années (lire l’enquête d’Elisa Perrigueur) et faisant payer la traversée vers la Grande-Bretagne entre 3 500 et 12 000 euros par personne. Des armes circulaient, les règlements de comptes se terminant parfois en coups de feu ou coups de couteau. « Tout le monde était au courant de ce contexte explosif, poursuit la porte-parole de MSF. Il aurait fallu prendre cette situation à bras-le-corps. »

« Cela a été fait, rétorque Damien Carême. Des réunions hebdomadaires étaient organisées en mairie avec l'association gestionnaire, les forces de l’ordre et le procureur. Les personnes soupçonnées d’organiser le trafic étaient repérées et mises sur écoute : en un an, 31 personnes ont ainsi été interpellées. Certaines ont pris de lourdes peines. » Le maire ne nie cependant pas que les difficultés subsistaient : la Cimade avait par exemple décidé d'ouvrir son bureau d'aide juridique aux migrants en centre-ville, afin que les personnes demandant l'asile ne soient pas repérées par les passeurs et soumises à leur pression.

« Je soutiens l’État dans ses efforts pour trouver des hébergements en CAO »

Pour l’État, la priorité est double : « prévenir les troubles à l’ordre public », avec l’envoi d’unités de forces mobiles, et mettre à l’abri les personnes à la rue. Venu dans la nuit, le préfet du Nord, Michel Lalande, a semé le doute dans la matinée en évoquant la « fin » du camp, réduit à un « amas de cendres ». « Il sera impossible de remettre des cabanons à la place de ceux qui existaient auparavant », a-t-il ajouté, laissant penser que les autorités pourraient profiter du drame pour en finir avec ce campement, qu’elles financent pour partie mais qu’elles ont mis du temps à accepter et qu’elles ne voudraient pas voir perdurer trop longtemps.

 

Des migrants relogés dans un gymnase de Grande-Synthe, le 11 avril 2017, après l'incendie du camp dans lequel ils vivaient. © Reuters

Des migrants relogés dans un gymnase de Grande-Synthe, le 11 avril 2017, après l'incendie du camp dans lequel ils vivaient. © Reuters

Les ministres de l’intérieur et du logement communiquent d’ailleurs sur leur volonté d’orienter les migrants « désireux d’entrer dans la démarche d’asile » vers les centres d’accueil et d’orientation (CAO) répartis partout en France. « Les tensions sont nées de la surpopulation du camp, confirme Damien Carême. Je soutiens donc l’État dans ses efforts pour trouver des hébergements en CAO. » Le maire souhaite revenir à l’effectif maximum de 700 atteint à l’automne dernier, avant le « démantèlement » de la « jungle » de Calais, qui a conduit plusieurs dizaines d'exilés à se réfugier à Grande-Synthe. Il demande aussi des renforts policiers « pour éviter que cela recommence ».

Mais il affirme rester sourd aux nombreuses attaques politiques qui n’ont fait que redoubler depuis la catastrophe. « L’incendie géant du campement de Grande-Synthe (…) est le signe du grand chaos migratoire qui bouscule notre pays depuis des années (...). Ce chaos doit cesser. L’ensemble des campements de migrants seront démantelés après mon élection si les Français m’élisent à la tête de l’État », a lancé Marine Le Pen, la présidente du FN. « Nous réduirons drastiquement l’asile. Nos frontières nationales seront immédiatement rétablies », a-t-elle ajouté. Le candidat des Républicains lui a emboîté le pas à quelques nuances près. « Ça montre que le démantèlement de Calais n’était pas suffisant, que la construction de camps n’est pas la solution, parce qu’elle amène sans cesse de nouvelles vagues de migrants et que la seule solution c’est le contrôle aux frontières », a affirmé François Fillon.

La question de la poursuite de l’engagement de l’État se pose donc dramatiquement en raison du contexte électoral. Le 17 mars 2017, Emmanuelle Cosse avait renouvelé pour six mois le soutien des pouvoirs publics ; mais elle avait dû, pour cela, démentir le ministre de l’intérieur, alors Bruno Le Roux, qui, quelques jours auparavant, avait affirmé vouloir « procéder au démantèlement » de Grande-Synthe « le plus rapidement possible ».

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Incendie à Grande-Synthe : l’impasse de la Manche s’est encore assombrie

L’hypocrisie diplomatique qui se joue à Calais comme à Grande-Synthe doit cesser, elle conduit la France à contrôler la frontière d’un pays tiers et les personnes migrantes à se mettre en danger. Par La Cimade le 12 avril 2017.

Le maire de Grande-Synthe veut que le camp de migrants survive à l’incendie

Un incendie s’est propagé dans le camp de la Linière dans la nuit du 10 au 11 avril, réduisant en cendres une initiative de mise à l’abri dans des conditions dignes de personnes exilées « en transit » vers la Grande-Bretagne. Ce drame souligne l’urgence de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans une région où de nombreuses personnes continuent à arriver dans l’espoir de traverser la Manche.
En effet, le démantèlement du bidonville de Calais n’a pas mis fin à l’attraction du Royaume-Uni. L’État français doit sortir du statu quo et assumer son devoir de protection humanitaire de femmes, d’hommes et de mineurs isolés se trouvant en danger actuellement.
« L’impasse de la Manche s’est encore assombrie, mettant en danger encore plus de personnes en demande de protection : l’État ne peut pas persister dans ce déni de réalité », affirme Geneviève Jacques, présidente de La Cimade.
Le 28 février dernier, La Cimade interpellait avec ses partenaires – Amnesty International France, Médecins du Monde, le Secours Catholique, Emmaüs France, Médecins Sans Frontières, le Mouvement français pour le Planning familial et la Fondation Abbé Pierre – les ministres français de l’intérieur et du logement, sur « la nécessité de créer plusieurs lieux d’accueil humanitaire dans le Calaisis et le Dunkerquois pour permettre aux personnes migrantes de sortir de l’errance et des graves dangers auxquels elles sont exposées » face aux « conditions de vie et de sécurité devenues critiques à l’intérieur du camp » et à « l’apparent silence des autorités administratives et judiciaires ». La demande de réunion de crise est restée sans réponse.
La Cimade, qui assure une permanence d’accès aux droits installée dans la ville de Grande-Synthe depuis un an, réitère plus que jamais la nécessité de créer des lieux d’accueil humanitaire sur le littoral.
De plus, les personnes exilées qui souhaitent, après information, demander l’asile en France, doivent pouvoir le faire depuis un lieu aux conditions d’accueil dignes, avec un réel accompagnement social, sans risquer d’être renvoyées dans un autre pays européen en application du règlement « Dublin ».
Enfin, pour les personnes qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni, les démarches doivent être soutenues par l’État français. L’hypocrisie diplomatique qui se joue à Calais comme à Grande-Synthe doit cesser, elle conduit la France à contrôler la frontière d’un pays tiers et les personnes migrantes à se mettre en danger

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10 novembre 2016 4 10 /11 /novembre /2016 10:27

Sous un appel d’offres du ministère de l’intérieur pour quelque 5 000 places d’hébergements se cache un dispositif visant à faciliter le renvoi des demandeurs d’asile vers leur pays d’entrée en Europe par Maryline Baumard pour Le Monde le 8 novembre 2016

Après le démantèlement du camp parisien de Stalingrad, le 4 novembre (Benoit Tessier/Reuters)

Après le démantèlement du camp parisien de Stalingrad, le 4 novembre (Benoit Tessier/Reuters)

Fermeté et humanité… Avec les migrants censés demander l’asile dans un autre pays car ils y ont fait enregistrer leurs empreintes avant d’arriver en France, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, manie ses deux concepts préférés, au risque du « deux poids, deux mesures ». Ces demandeurs d’asile susceptibles d’être renvoyés en Italie ou en Grèce, tout le monde les appelle désormais les « dublinés », en référence aux accords de Dublin. Certains d’entre eux, qui souhaitent rester en France même si leurs empreintes ont été relevées ailleurs, font objet d’une grande « humanité », surtout s’ils ont accepté de quitter de leur plein gré la « jungle » de Calais, quand d’autres seront soumis à plus de fermeté… C’est la loi des équilibres politiques.

Les migrants qui viennent d’être évacués du bidonville de Calais bénéficient d’une bienveillance particulière : le ministre de l’intérieur s’est engagé à ce qu’ils ne soient pas renvoyés depuis les centres d’accueil où ils ont été emmenés. Ils pourront donc demander l’asile en France en dépit des accords de Dublin, mais risquent fort d’être les derniers. Tout est prévu, en effet, pour que les vagues suivantes d’arrivants passent, elles, sous le régime de la « fermeté » puisque le gouvernement va mettre en place un tout nouveau dispositif d’hébergement calibré pour faciliter leur renvoi hors les frontières.

11 000 requêtes de renvoi

Le 28 septembre, le ministère de l’intérieur a lancé un appel d’offres portant sur la création de 5 531 places d’hébergements réparties dans toute la France. Ce programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (Prahda) doit permettre, selon le cabinet du ministre, « de répondre à un besoin urgent de places d’hébergement ».

On pourrait donc croire à une simple variante des CAO, ces centres d’accueil et d’orientation qui hébergent les évacués de la « jungle » de Calais le temps qu’ils finalisent leur demande d’asile. Pourtant, ce n’est pas tout à fait ça. Une plongée dans le cahier des clauses particulières de ce marché public permet de comprendre que le Prahda est destiné à la « préparation du transfert des personnes sous procédure Dublin » et au « suivi des personnes assignées à résidence dans ce cadre ». Le document technique mentionne en effet clairement qu’avec le Prahda « les personnes placées sous procédure Dublin pourront être maintenues dans le lieu d’hébergement le temps nécessaire à la mise en œuvre effective de leur transfert vers l’État responsable de l’examen de leur demande d’asile ».

Les accords européens prévoient en effet qu’un demandeur d’asile ne choisit pas le pays d’Europe auquel il demande protection. Il est censé lancer sa procédure dans le premier pays qu’il foule, faute de quoi, il s’expose à y être renvoyé, c’est le règlement Dublin III. « Jusque-là les renvois étaient rares », note Gérard Sadik de la Cimade qui suit le sujet depuis dix ans. « Mais les données statistiques 2016 montrent une offensive en ce sens », ajoute le spécialiste. Les chiffres de la Direction générale des étrangers (DGEF) montrent en effet que sur les sept premiers mois de 2016, la France a saisi les États-membres de 11 698 requêtes de renvoi qui ont donné lieu à 605 transferts, soit déjà plus que sur toute l’année 2015 où 525 transferts avaient été opérés.

Assignations à résidence

« Le recours à l’assignation à résidence demeure néanmoins insuffisant » aux yeux du ministère de l’intérieur, si l’on en croit la Cyber lettre de la DGEF, du mois d’octobre où il est encore précisé que « les assignations à résidence doivent être considérées comme le principal outil de réalisation des procédures Dublin ». Le même document rappelle que l’instruction (non publique) relative à l’application du règlement de Dublin en date du 19 juillet 2016 reprenait le souhait que cet accord européen soit « pleinement et strictement appliqué ».

Le sujet des Dublinés est devenu crucial car il concerne de plus en plus de personnes. Pour Gérard Sadik, « 42 % des demandeurs d’asile enregistrés dans les Hauts-de-France sont concernés, c’est-à-dire que la France peut demander à un autre pays de les reprendre, comme 20 % de ceux qui fréquentent les campements en Ile-de-France ». Ce pourcentage est de plus en plus élevé parce que les pays d’entrée en Europe ont été instamment priés d’enregistrer les arrivées.

Mais d’un pays à l’autre, le taux d’octroi du statut de réfugié diffère, en l’absence d’une politique européenne de l’asile. Ainsi, « les Afghans auraient tendance à quitter l’Allemagne pour la France parce que là-bas seuls 48,4 % sont protégés contre 84,1 % en France au second trimestre 2016 », rappelle Gérard Sadik. Pour les Soudanais, en revanche, la France protège moins (40,6 %) que l’Allemagne (69,2 %). Pour beaucoup d’observateurs, cette politique de renvoi n’a jamais fait la preuve de son efficacité. Revenir d’Italie prend souvent moins de temps au migrant qu’aux forces de l’ordre qui l’ont accompagné.

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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 10:06

Un communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme du 24 octobre 2016.

L'État a engagé à nouveau le démantèlement de la « jungle » de Calais.

La Ligue des droits de l'Homme ne peut que s'interroger sur la préparation, les modalités et la finalité de cette opération qui intervient, à Calais et ailleurs, après une période de répression souvent brutale à l'encontre des migrants et parfois des militants et bénévoles qui leur viennent en aide.

En amont, peu d'efforts ont été faits pour établir un diagnostic fiable de la situation des personnes et trouver des solutions adaptées. Ainsi les mineurs n'ont pas été mis sous protection et ceux d'entre eux qui souhaitent rejoindre un membre de leur famille en Angleterre ne le pourront toujours pas et reviendront si on les éloigne de Calais. La France n'a ni tenté de renégocier la gestion de sa frontière avec le Royaume-Uni, ni envisagé de ne plus appliquer le règlement Dublin III qui fait peser une menace d'expulsion sur les migrants qui sont entrés dans l'Union européenne par des pays bien peu généreux en ce qui concerne les demandes d'asile.

Les migrants qui sont en voie d’évacuation, de leur plein gré pour les uns, par la force pour d'autres, sont emmenés vers des centres d’accueil et d'orientation (CAO) répartis sur l'ensemble du territoire. Il faut saluer à cet égard tous les maires, les élus locaux et les citoyens qui se sont engagés pour que cet accueil puisse se réaliser, malgré les campagnes xénophobes et les réactions hostiles fomentées ici et là.

Pour autant ces CAO sont avant tout des « lieux de répit », mis en place pour de courtes durées, qui risquent de ne pas avoir les moyens d'assurer les fonctions qu'on leur a définies : fournir un accompagnement social et faire un tri, souvent discutable, entre ceux qui pourraient avoir le droit de solliciter une protection au titre de l'asile et les autres. Encore faudrait-il que dans ce qui s'apparente à des « hotspots », l'État assure l'information, la traduction, l'intervention de juristes, c'est-à-dire les conditions permettant de respecter les droits des personnes, aussi bien que le suivi social, médical et psychologique souvent indispensable pour ces personnes qui ont fui, au péril de leur vie, des situations dramatiques et traumatisantes.

Ce dispositif apparaît aujourd’hui comme un pis-aller, alors que l'État se révèle incapable d'assurer le fonctionnement normal des procédures qui existent pourtant pour les demandeurs d'asile : pourquoi faut-il plusieurs mois pour avoir un rendez-vous dans les plateformes d’accueil ? Pourquoi le nombre de places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada) est-il ridiculement insuffisant ? Et ne convient-il pas de prendre en compte les raisons multiples et également légitimes qui poussent les migrants à partir, en assurant à tous des possibilités de s'insérer dans la société française ?

Souvent, au cours de l'histoire, des Français ont dû s'exiler. Ils ont trouvé sur des terres souvent lointaines bienveillance et solidarité. Aujourd'hui, c'est en tenant compte de ses propres principes que la République française doit accueillir ceux qui frappent à sa porte, dans le respect de la dignité des personnes et de leurs droits fondamentaux.

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