Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bienvenu.e

  • : Les Lilas Ecologie : Blog des militants et élus Europe Ecologie Les Verts des Lilas et du Pré Saint-Gervais
  • : Culture, information, réflexion de l'écologie politique par les militants et les élus Europe Ecologie Les Verts des Lilas, du Pré Saint-Gervais, d'Est Ensemble
  • Contact

Recherche

Nous contacter ...

S'abonner à la Lettre d'information ...

C'est dans la colonne de droite tout en bas...

20 novembre 2017 1 20 /11 /novembre /2017 09:04

Le document de travail secret du ministère représente une offensive contre tous les secteurs de l'activité culturelle. La recherche systématique de réduction de personnel et de coûts le conduit à s'inquiéter des risques sociaux. D’après Le Monde et l’Humanité le 15 novembre 2017.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 3.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 3.

Dans son édition datée du 15 novembre 2017, Le Monde révèle les pistes explosives de réforme de l’audiovisuel public. Un « document de travail » du ministère de la culture de Françoise Nyssen, que Le Monde s’est procuré, envisage des pistes de réformes du secteur de l’audiovisuel public. Une « holding » regrouperait France Télévisions, Radio France et d’autres entreprises publiques. France Ô – la chaîne des outre-mer – serait supprimée. Les médias jeunes, France 4 et Le Mouv’, ne seraient plus diffusés qu’en numérique. Les réseaux régionaux de France 3 et France Bleu se verraient « rapprochés ».

Le Monde ajoute : « Le gouvernement n’aime décidément pas quand les journalistes font leur travail d’investigation.  Après la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui avait déposé plainte en juin, à la suite des révélations de Libération sur la réforme du code du travail, c’est au tour de la ministre de la culture, Françoise Nyssen, d’annoncer son intention de déposer une plainte contre X en réponse à nos révélations sur  les premières pistes de la ré- forme de l’audiovisuel public.

Cette démarche est inquiétante, encore plus venant de la ministre de la culture, chargée de la communication. Car, si son entourage assure que la plainte ne vise pas Le Monde, elle cible, de façon évidente, nos sources d’information en cherchant à les tarir par la menace de poursuites judiciaires. Une culture du secret en opposition complète avec la défense de la liberté de la presse et de la protection des sources. »

Dans l’Humanité du 15 novembre 2017, Maurice Ulrich poursuit :

C'est dire que la transparence n'est pas le fort d'une équipe gouvernementale qui préfère à l'évidence que ses réformes soient élaborées en l'absence de tout débat démocratique. Cette passe d'armes entre Mme Nyssen et le Monde vient en tout cas ternir l'image de la ministre de la Culture, qui semble présider ici à un vaste plan qui va bien au-delà de l'audiovisuel. Car c'est bien ce qu'attestent les documents qui nous sont également parvenus et qui constituent la contribution ministérielle en date du 3 novembre aux « travaux du CAP 2022 ».

Le document présente cinq projets de réformes touchant à l'administration centrale, au champ muséal, aux aides à la création, à la politique des archives et donc à l'audiovisuel ou médias de service public.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 8.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 8.

D'emblée le préambule qui trace les grandes lignes de ces réformes pose problème en postulant d'abord « une montée en puissances des collectivités territoriales qui investissent davantage dans l'animation de la vie culturelle locale », ce qui va totalement à l'encontre des réductions de crédits observées à tous les échelons et de la baisse annoncée des dotations. La conséquence en serait, ce qui redouble le problème, la possibilité de créer « des échelons déconcentrés et des opérateurs dotés d'une grande autonomie de gestion », aussi bien que « des dispositifs d'intervention et de soutien à la création simplifiés et concentrés, davantage orientés vers la diffusion et l'élargissement des publics ». En traduction libre, on pourrait dire à quelque chose près, débrouillez-vous et soyez rentables.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 9.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 9.

Administration centrale : baisse des effectifs

L'organisation du ministère est jugée insuffisamment adaptée à l'évolution de son environnement. Il s'agirait donc de la recentrer sur quelques missions en même temps que de la décentraliser et d'externaliser d'autres missions. Une perte de près de 350 emplois en découlerait. Mais les rédacteurs du projet ont aussi prévu les conséquences et la méthode. Ils écrivent noir sur blanc dans une case du document : « Risques : risque social important (baisse des effectifs de l'administration centrale) à considérable (externalisation fonctions d'accueil) ». Ou encore : « Conditions de succès : annonce rapide de la stratégie de transformation ».

Musées nationaux : autonomisation et autofinancement

Les musées nationaux sont invités au chapitre « Explicitation des gains attendus » à développer leurs ressources propres avec « un renforcement de leur autonomie ». D'autres seraient purement et simplement transférés aux collectivités territoriales ou intégrés à d'autres ministères.

Pour ce qui concerne la RMN (Réunion des musées nationaux), il est préconisé de la recentrer sur « les activités commerciales et l'exploitation du Grand Palais » de manière à répondre à l'évolution du secteur concurrentiel : Fondation Vuitton, Fondation Pinault, Culturespaces. Il s'agirait également et dans cette logique de rassembler toujours un public plus large en équilibrant économiquement les expositions. En d'autres termes, la RMN et les musées nationaux sont invités à entrer dans une course à l'échalote avec le secteur privé. Là encore, le document met en garde contre les risques : « Sensibilité sociale forte » avec la transformation « des agents de droit public en agents de droit privé ».

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 19.

Document de travail pour la Contribution du Ministère de la culture au Cap 2022, p 19.

Spectacles vivants : l’Opéra et la Comédie Française à la diète

Le document demande une augmentation des représentations « afin d'attirer de nouveaux publics tout en amortissant mieux le coût des spectacles et des expositions ». Cela en adaptant mieux « l'offre de spectacle aux attentes du public et des collectivités ». Dans cette perspective, il est constaté que sont en œuvre « des conventions collectives et des accords salariaux qui rigidifient l'organisation du travail ». Il s'agit donc de mettre en œuvre plus de polyvalence, de faire évoluer le modèle économique et social des établissements et dans ce cadre de réviser particulièrement « les régimes spéciaux de l'Opéra et de la Comédie-Française », comme de réfléchir au statut de l'Ensemble intercontemporain (créé par Pierre Boulez NDLR). Le risque social est signalé comme « très élevé ».

Archives nationales : le tri sélectif

La proposition majeure est sans ambiguïté : « Réduire le champ d'archivage aux documents essentiels ». Les archives nationales, celles d'outremer et celles du monde du travail seraient regroupées en un seul service. Sept millions d'euros annuels seraient attendus d'une réduction de 10 à 20 % du flux de la collecte et d'une réévaluation de kilomètres d'archives.

Deux facteurs de risques sont identifiés : « Une mobilisation des historiens. Risque social en interne ».

Le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) a réagi, dès hier, « ce gouvernement veut aller vite ( ) son attitude est arrogante et somme toute ridicule : vouloir changer sans l'appui des gens concernés est voué à l'échec ( ) cette première étape du CAP 2022 est scandaleuse dans sa méthode comme dans ses propositions ».

Partager cet article
Repost0
16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 09:14

Capitalisme, démesure et autodestruction est le sous-titre de ce livre. Anselm Jappe est un des représentants les plus importants en France de la théorie critique de la valeur, une théorie de critique radicale du capitalisme inspirée par Karl Marx, mais qui s'oppose au marxisme traditionnel, et dont André Gorz était très proche dans ses dernières années. D’après http://dissidences.hypotheses.org et http://www.palim-psao.fr, Palim Psao qui propose un ensemble de textes et vidéos portant sur les courants de la critique de la valeur (Wertkritik) et de la critique de la valeur-dissociation (Wert-abspaltungskritik), autour des œuvres de Robert Kurz, Anselm Jappe, Roswitha Scholz, Norbert Trenkle, Ernst Lohoff, Moishe Postone, Claus Peter Ortlieb, etc., et des revues Krisis, Exit ! et Sortir de l'économie, et suivi d’un entretien avec l'auteur qui trace les traits d'une société en proie à une pulsion autodestructrice pour Mediapart.

La Découverte, 2017, 248 pages, 22 €.

La Découverte, 2017, 248 pages, 22 €.

Anselm Jappe est le représentant en France de la théorie critique de la valeur, une théorie qui relit Marx à travers l’abstraction induite par la marchandisation du monde. Cette critique radicale (au sens de « à la racine ») du capitalisme, portée par la revue allemande Krisis dans les années 1990 et 2000, se distingue néanmoins profondément des autres écoles marxistes par son rejet de certains éléments clés comme la lutte de classes. L’auteur avait présenté cette théorie au public français en 2004 dans Les Aventures de la marchandise, qui est republié aux éditions La Découverte ces jours-ci, alors que paraît chez le même éditeur son nouvel ouvrage, La Société autophage.

 Dans La société autophage, le philosophe allemand Anselm Jappe livre une proposition théorique originale et très radicale du capitalisme ainsi qu’une analyse des formes de violence extrêmes. En s’intéressant au sujet narcissique-fétichiste, qu’il identifie comme la subjectivité propre au capitalisme de crise, la « critique de la valeur » élargit ici son discours à la sphère des structures psychiques, à la recherche du sujet même de la fétichisation de la marchandise. Ce livre s’adresse à tous ceux qui se préoccupent de la « pulsion de mort » de la société actuelle et qui pensent qu’elle est le résultat d’une véritable crise de civilisation.    

   Le mythe grec d’Érysichthon nous parle d’un roi qui s’autodévora parce que rien ne pouvait assouvir sa faim – punition divine pour un outrage fait à la nature. Cette anticipation d’une société vouée à une dynamique autodestructrice constitue le point de départ de La Société autophage. Anselm Jappe y poursuit l’enquête commencée dans ses livres précédents, où il montrait – en relisant les théories de Karl Marx au prisme de la « critique de la valeur » – que la société moderne est entièrement fondée sur le travail abstrait et l’argent, la marchandise et la valeur.

   Mais comment les individus vivent-ils la société marchande ? Quel type de subjectivité le capitalisme produit-il ? Pour le comprendre, il faut rouvrir le dialogue avec la tradition psychanalytique, de Freud à Erich Fromm ou Christopher Lasch. Et renoncer à l’idée, forgée par la Raison moderne, que le « sujet » est un individu libre et autonome. En réalité, ce dernier est le fruit de l’intériorisation des contraintes créées par le capitalisme, et aujourd’hui le réceptacle d’une combinaison létale entre narcissisme et fétichisme de la marchandise.
Le sujet fétichiste-narcissique ne tolère plus aucune frustration et conçoit le monde comme un moyen sans fin voué à l’illimitation et la démesure. Cette perte de sens et cette négation des limites débouchent sur ce qu’Anselm Jappe appelle la « pulsion de mort du capitalisme » : un déchaînement de violences extrêmes, de tueries de masse et de meurtres « gratuits » qui précipite le monde des hommes vers sa chute.

   Dans ce contexte, les tenants de l’émancipation sociale doivent urgemment dépasser la simple indignation contre les tares du présent – qui est souvent le masque d’une nostalgie pour des stades antérieurs du capitalisme – et prendre acte d’une véritable « mutation anthropologique » ayant tous les atours d’une dynamique régressive.

 Les conclusions de cette traversée, nécessairement partielle, des logiques contemporaines permettent d’affirmer une thèse importante : il n’y a pas de « forme-sujet » opprimé de l’extérieur par la « forme-marchandise », comme par un carcan dont il suffirait de sortir pour se libérer. Au contraire, il y a eu historiquement, comme l’affirme Jappe, un « développement parallèle et conjoint de la forme-sujet et de la forme-marchandise » (p. 220). Cette idée conduit à rien moins qu’à un changement dans le paradigme traditionnel de l’émancipation à gauche, car elle oblige chaque militant qui souhaite un changement radical à repenser l’action politique également dans les termes d’une nécessaire déconstruction de « sa propre constitution psychique narcissique ». Ambitieux programme, que celui pour lequel la sortie de la société marchande passe au préalable par une importante transformation individuelle ! D’ailleurs, l’auteur n’a pas la prétention de donner la marche à suivre : le chemin reste à trouver, à tel point que son indétermination peut paraître un peu décourageante. Il n’en reste pas moins que l’ouvrage présente l’immense intérêt, par rapport à d’autres analyses contemporaines par ailleurs convergentes, de ne pas tomber dans l’ornière de l’invocation nostalgique de formes d’organisation sociale ou de rapports humains hérités du passé, ou même d’une « nature » de l’homme qui laisserait bien peu de place à l’invention historique.

Dans un entretien accordé à Mediapart, Anselm Jappe revient sur quelques-uns des principaux thèmes de sa théorie, sur son dialogue avec la psychanalyse ou avec certains essayistes critiques de la société néolibérale, sur sa critique du marxisme traditionnel et sur le devenir du capitalisme.

Anselm Jappe

Anselm Jappe

Le livre que vous publiez ces jours-ci, La Société autophage, explore en détail le devenir du sujet dans la société capitaliste. Le concevez-vous comme la poursuite des Aventures de la marchandise, qui exposait au public français la théorie critique de la valeur ?

C’est une continuation plus personnelle. L’ouvrage Les Aventures de la marchandise s’appuyait principalement sur les grands théoriciens de la critique de la valeur, notamment ceux qui écrivaient dans la revue allemande Krisis. Depuis, une partie de ces derniers, notamment Robert Kurz, ont fait évoluer cette théorie vers une théorie de la critique du sujet, avec une critique des Lumières. J’ai développé parallèlement mes propres idées, en m’intéressant également à l’apport de la psychanalyse. En cela, j’ai été particulièrement marqué par la lecture de Christopher Lasch et de ses ouvrages La Culture du narcissisme et Le Moi assiégé, mais j’ai également repris les ouvrages de Herbert Marcuse et Erich Fromm. À cela se sont ajoutées plusieurs autres lectures importantes pour la genèse de ce livre, celle du sociologue Luc Boltanski ou encore de Dany-Robert Dufour, avec qui je ne suis globalement pas d’accord, mais dont la lecture m’a paru suffisamment stimulante pour me donner l’envie de lui répondre. C’est ce parcours, qui a duré dix ans, qui m’a permis de construire La Société autophage.

La théorie critique de la valeur souligne l’abstraction que le capitalisme par nature impose au monde. Est-ce là le point de départ de votre démonstration ?

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que la théorie critique de la valeur n’est pas une théorie purement économique. Elle s’inscrit dans la continuité de la pensée de Karl Marx, qui entreprend une critique de l’économie politique et non pas celle d’une théorie économique particulière. Marchandise, travail abstrait, valeur et argent ne sont pas, chez Marx, des catégories économiques, mais des catégories sociales qui forment toutes les façons d’agir et de penser dans la société. Ce n’est pas explicite chez Marx, mais c’est ce que l’on peut tirer de ses écrits. C’est pourquoi je fais de la valeur un « fait social total », au sens où l’entend Marcel Mauss.

Ces catégories sont, comme le dirait Emmanuel Kant, des formes a priori, des formes vides de sens qui sont comme des moules et dont tout découle. Ainsi, dans la société capitaliste, tout prend la forme d’une pure quantité d’argent et, au-delà même, d’une pure quantité. Cela va donc bien au-delà du seul fait économique. Ces catégories ne sont cependant pas des faits anthropologiques qui existeraient partout et toujours. Ce sont des formes qui progressivement s’imposent aux autres domaines de la vie, notamment aux relations sociales. On le voit avec l’émergence du « moi quantifié » dans le cadre de la mesure, par exemple, des prestations sportives. La quantification monétaire est une des formes les plus visibles de la société capitaliste, mais ce n’est pas la seule.

La première partie de votre livre décrit l’histoire du sujet confronté à cette abstraction imposée par le capitalisme. 

Oui, mais il est important de bien saisir la nature de cette abstraction. L’abstraction est un phénomène mental qui est évidemment une aide pour saisir le réel. On ne peut pas toujours parler d’un arbre particulier et l’on a donc recours à un concept général d’arbre. Mais il s’agit, ici, d’autre chose. Il s’agit d’une abstraction, la valeur, qui peut prendre n’importe quelle forme réelle par la quantification. Toute réalité peut être ramenée à une quantité de valeur. Elle devient alors une « abstraction réelle », concept qui n’est pas explicitement présent chez Marx, mais qui a été développé au XXe siècle. Et cela a des impacts très concrets. Un jouet ou une bombe ne deviennent ainsi plus que des quantités de la valeur abstraite et la décision de stopper ou de poursuivre leur production dépend de la quantité de survaleur, de plus-value, que ces objets contiennent.

Nous ne sommes donc plus ici dans la vision marxiste classique d’une dialectique entre base et superstructure, où l’économie s’imposerait et où le reste s’adapterait à elle. Ici, il s’agit d’une forme générale abstraite, la valeur, qui s’exprime à tous les niveaux. J’aime ainsi à citer le linguiste allemand Eske Bockelmann qui souligne qu’au XVIIe siècle la musique est passée d’une mesure qualitative à une mesure quantitative. Et cette abstraction s’exprime, au même moment, dans la nouvelle physique de Galilée ou dans la nouvelle épistémologie de Descartes.

C’est ici que prend forme l’un des éléments clés de votre pensée, la notion de fétichisme. Fondée par l'homme, la valeur dicte sa loi à l'homme. Un concept qui, selon vous, permet de saisir la nature du capitalisme au-delà des critiques habituelles.

Dans le concept marxien de fétichisme, qui découle de ce que l’on vient de dire, ce qui porte la valeur n’a aucune importance. Un jouet ou une bombe ne sont que des formes passagères d’une autre forme de réalité invisible, la quantité de travail abstrait, c’est-à-dire la valeur. Une fois cela compris, on peut aller au-delà de la simple vision moralisatrice de la société capitaliste. Le producteur de bombes produit des bombes non parce qu’il est insensible moralement, mais parce qu’il est soumis à cette logique fétichiste. L’immoralité peut s’y ajouter, mais ce n’est pas le moteur. Et, du reste, dans la société capitaliste, ce fétichisme touche aussi les ouvriers. Ceux qui fabriquent les bombes ne veulent pas perdre leur emploi. Tous participent à cette réalité, parce que tous sont soumis au fétichisme de la marchandise et de la valeur.

Il ne faut cependant pas se limiter à une vision trop systémique de la réalité. Il existe aussi un niveau de réalité fait d’idéologie et d’intérêts, où les acteurs veulent tirer des avantages réels de la situation et qui est nécessaire au bon fonctionnement du capitalisme. Les individus ne sont pas des marionnettes. Pour s’imposer, le capitalisme doit en passer par des systèmes de motivation et de gratification. C’est la carotte agitée devant l’âne. Seulement, ces motivations sont secondaires, elles peuvent toujours être remplacées par d’autres. Ce qui est essentiel pour le système, c’est l’existence une structure psychique spécifique. Et c’est ici que se joue la question du narcissisme du sujet.

Partager cet article
Repost0
11 novembre 2017 6 11 /11 /novembre /2017 09:08

On polluerait davantage dans les milieux populaires que dans les milieux aisés ? L’écologie serait un truc de riches ? Ces lieux communs ne résistent pas à l’analyse des bilans carbone. Reporterre remet les pendules à l’heure, en bande dessinée. Par Lorène Lavocat et Tommy le 9 novembre 2017 pour Reporterre.

Les milieux populaires au secours de la planète
Les milieux populaires au secours de la planète
Partager cet article
Repost0
31 octobre 2017 2 31 /10 /octobre /2017 09:29

Du côté des écoféministes – l’écologie contre les violences sexistes… Par Lorène Lavocat le 28 octobre 2017 pour Reporterre.

Violences sexuelles, violence à la Terre, une même culture

« La nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs. » Ainsi parlait le philosophe Francis Bacon à la fin du XVIe siècle. Quatre cents ans plus tard, le désastre écologique et les violences sexistes viennent douloureusement confirmer la prééminence de cette vision.

« L’articulation de la destruction de la nature et de l’oppression des femmes ressemble à un ruban de Möbius : les femmes sont inférieures parce qu’elles font partie de la nature, et on peut maltraiter la nature parce qu’elle est féminine », nous expliquait Émilie Hache en octobre 2016. Aiguillé.e.s par ce propos, à Reporterre, nous nous sommes dit que l’écologie avait sans doute un regard à porter sur le combat en cours contre les violences sexistes.

C’est du côté des écoféministes que nous sommes allé.e.s puiser une inspiration. Pour les écoféministes, destruction de la nature et oppression des femmes sont liées. « Qu’on parle de harcèlement sexiste ou de destruction de la nature, il s’agit dans les deux cas d’une violence banalisée et quotidienne, qui s’aggrave, et qui vient du fait qu’elles partagent une position de dominées, appuie Margot Lauwers, professeure à Perpignan et spécialiste de la littérature nord-américaine écoféministe. Mais dans les deux cas, on assiste également à une prise de conscience et à une dénonciation. » En 1974, dans le Féminisme ou la Mort, Françoise d’Eaubonne décrivait le capitalisme comme « le dernier vestige du patriarcat », en ce qu’il a mis en place une double exploitation : celle du corps des femmes et celle du corps de la Terre.

Reclaim the night and win the day

Les écoféministes invitent donc à penser l’intersectionnalité des luttes, car elles lient les différentes formes de domination et de discrimination. « Une société qui cautionne la violence faite à la Terre dans un but d’enrichissement personnel sera plus encline à être une société qui fait violence aux femmes pour un confort personnel », décrit Margot Lauwers.

De fait, « le mouvement écoféministe des années 1980 s’intéressait beaucoup à la question du harcèlement et des violences subies par les femmes », explique Isabelle Cambourakis, qui a édité de nombreux ouvrages écoféministes. Au début des années 1980, lors de l’occupation de Greenham Common, en Angleterre, les femmes du groupe Women for Life on Earth contre les armes nucléaires chantaient Reclaim the Night, chanson dans laquelle elles réclamaient de pouvoir se promener la nuit sans craindre le viol ni le harcèlement.

«  If we choose to walk alone
For us there is no safety zone
If we’re attacked we bear the blame
They say that we began the game
And though you prove your injury
The judge may set the rapist free
Therefore the victim is to blame
Call it nature, but rape’s the name

Reclaim the night and win the day
We want the right that should be our own
A freedom women have seldom known
The right to live, the right to walk alone without fear. »

« Les féministes du milieu non violent réfléchissaient alors aux liens entre la posture non violente théorique et les violences subies par les femmes, et beaucoup ont rejoint les écoféministes », raconte Isabelle Cambourakis. Leurs discussions les ont amenées à expérimenter de nouveaux modes de protestation. Manifs de nuit, action non mixte. « Ces réflexions ont largement influencé les pratiques d’action directe non violente menées par des femmes », précise l’éditrice. « Les écoféministes nord-américaines sont du côté de l’expérience, de l’art et de l’action plutôt que de la théorie, rappelle Margot Lauwers. Elles font des rituels, elles protestent en dansant, ce qui est une manière très impliquante de revendiquer. » Elles se réapproprient leur corps, ce corps qui a été dévalorisé et rendu objet par le patriarcat. La professeure voit dans ce foisonnement de modes d’action une inspiration pour le combat actuel : « L’écoféminisme peut nous aider à surmonter l’opposition binaire pacisfime/ violence et à élargir notre palette d’action ».

 

« Une solidarité active entre femmes : elles se relient, échangent, s’épaulent »

Trente ans après l’occupation de Greenham Common, les zadistes de Notre-Dame-des-Landes continuent de faire vivre ce lien entre lutte féministe et écologiste. « Sur zone, c’est comme une microsociété, on y subit le sexisme autant qu’ailleurs », note Angela, qui y vit. Avec d’autres, elles ont créé une cabane féministe qui accueille chaque semaine des goûters en mixité choisie : femmes, lesbiennes, transexuel.le.s, intersexes. « Nous discutons de ce qui se passe, des actions à mener, comme dans les réunions en grand groupe, explique-t-elle. Sauf que dans les grandes assemblées, il n’y a pas toujours un partage de la parole égalitaire, de même que lors des constructions, un homme viendra souvent conseiller une femme, quitte à lui prendre le marteau des mains. Il est de bonne volonté, mais il ne se remet pas en cause : c’est un sexisme inconscient. » Pour faire évoluer les mentalités, des habitants de la Zad mettent en place des actions de sensibilisation : atelier sur le consentement, sur le masculinisme. Il existe également un groupe d’écoute, spécialement dédié à l’accueil des personnes ayant subi une agression ou une violence sexiste. « Nous faisons des annonces avant les concerts pour que le public soit vigilant aux agressions possibles, et nous avons déjà expulsé une personne agresseuse de la zone. » Pour Angela, la lutte féministe apporte au combat « contre l’aéroport et son monde » : « L’exploitation et “l’objetisation” des femmes prend ses origines dans le patriarcat, de même que l’exploitation et “l’objetisation” de la Terre. » Ces deux luttes sont liées et doivent être menées ensemble. En août dernier, Starhawk, une militante écoféministe étasunienne et auteure de plusieurs textes fondateurs du mouvement s’est d’ailleurs rendue dans le bocage nantais.

Le campement de Greenham Common le 12 décembre 1982

Le campement de Greenham Common le 12 décembre 1982

Justement, quelles pistes ces féministes nous ouvrent-elles pour sortir enfin du carcan patriarcal ? « Avec le mouvement de libération de la parole qui opère sur les réseaux et dans les médias, une sororité s’élève, observe Pascale d’Erm, auteure du livre Sœurs en écologie. Il s’agit d’une solidarité active entre femmes : elles se relient, échangent, s’épaulent. » Les cercles de femmes comme ceux organisés sur la Zad permettent de parler librement, de partager les expériences et d’aller de l’avant ensemble. Pour Pascale d’Erm, les valeurs de l’écologie — « la résilience, l’importance accordée au temps long et aux cycles, le respect de la diversité du vivant » — peuvent apporter des angles de réflexion pour aujourd’hui : la conscience de notre interdépendance, la bienveillance et le respect de toute forme de vie.

« Radicalisation des points de vue » ou « une réconciliation entre hommes et femmes »

« Tous ces principes — que certain.e.s appellent “féminins” mais qui ne sont pas l’apanage des femmes — n’ont jamais été valorisés par le patriarcat, estime l’auteure. L’intuition, la culture du “et” — corps et esprit, intuition et raison —, l’accueil. » Elle invite ainsi les femmes, mais aussi les hommes, à se les réapproprier. Dans cette même optique, plusieurs penseurs masculins écoféministes, comme le sociologue Richard Twine, ont travaillé à la déconstruction du concept de masculinité. « Il existe un carcan masculiniste : un homme doit être si, doit réagir comme ça, note Margot Lauwers. Et l’écoféminisme laisse une grande place aux hommes, la stratégie d’émancipation peut être pensée et menée en collaboration, hommes et femmes ensemble. »

Un avis partagé par Yveline Nicolas, de l’association Adéquation, qui a organisé une rencontre autour du lien entre genre et écologie : « Malgré le fait que le harcèlement et les violences sont un phénomène massif dans nos sociétés, on observe assez peu de soutien de la part des hommes, et c’est un des nœuds du problème. » Tant que les hommes ne s’impliqueront pas dans le combat pour l’égalité, « nous n’arriverons pas à renverser cette culture de l’hégémonie et du pouvoir », prédit-elle. L’association mise sur l’éducation dès le plus jeune âge, la formation des éducateurs (enseignants, puériculteurs, animateurs…) et la sensibilisation de tous : elle a d’ailleurs publié une brochure sur les masculinités.

Violences sexuelles, violence à la Terre, une même culture

Le mouvement en cours peut-il changer la donne ? Yveline Nicolas se dit sceptique : « Les réseaux sociaux donnent l’impression d’un phénomène massif, mais dans le même temps, les associations s’appauvrissent, avec la fin des emplois aidés et la baisse des subventions. Or ce sont elles qui, au quotidien, font avancer les choses. Empiler les lois les unes sur les autres sans les appliquer ne changera rien. » Pour Pascale d’Erm, la libération de la parole peut conduire soit à de plus grandes crispations, avec une « radicalisation des points de vue », soit à « une réconciliation entre hommes et femmes » qu’elle appelle de ses vœux : « Les enjeux écologiques appellent hommes et femmes à se prendre par la main pour préserver les dernières ressources naturelles. Remettre en cause les violences et la domination sera profitable aux hommes autant qu’aux femmes. Écologie et féminisme dessinent un monde régénéré et apaisé. »

Partager cet article
Repost0
12 avril 2017 3 12 /04 /avril /2017 12:26

Chasseuse de matières sonores au cœur de la diversité animale, la Norvégienne se produit au festival Présences électronique, à Paris. Par Olivier Lamm le 10 avril 2017 pour Libération. Lire aussi sur le même sujet Bernie Krause, harmonies vivantes et Le grand orchestre de la nature est peu à peu réduit au silence.

Jana Winderen, traqueuse de sons. (Photo F. Petursson)

Jana Winderen, traqueuse de sons. (Photo F. Petursson)

L’instrument préféré de Jana Winderen est le Telinga, un micro muni d’une parabole qui permet d’attraper des sons minuscules jusqu’à 50 mètres de distance. Perfectionné à la limite du magique, le Telinga, tout comme sa collection d’hydrophones (conçus pour enregistrer sous l’eau) ou le micro miniature DPA 4060 (idéal pour capter les petits insectes) permet à cette musicienne norvégienne de saisir des phénomènes géologiques ou organiques hors d’atteinte de l’homme, dans un confort tout relatif - Jana Winderen doit tout de même voyager pour investiguer, et créer. Le voyage est même, avec la technologie de pointe, la condition sine qua non de son art. Diplômée en art et en écologie piscicole, la Norvégienne œuvre dans la sphère mal comprise du field recording, domaine de l’art sonore à équidistance du musical et du scientifique, dont les performeurs sont les ruisseaux et les montagnes, les rumeurs des villes, des campagnes ou des océans.

Pour créer ses disques et BO d’installation, Winderen, comme ses comparses et prédécesseurs Chris Watson ou Eric La Casa, explore le monde à la recherche d’environnements et phénomènes exceptionnels pour s’en faire l’écho. Son art dépend ainsi à égalité des sons qu’elle trouve et de ce qu’elle choisit d’en restituer, et son empreinte d’artiste des genres de lieux qu’elle affectionne - en l’occurrence les souterrains et océans de Russie jusqu’en Arctique, dont l’homme, dans sa bulle, a décrété qu’ils étaient silencieux, et où elle traque pour le contredire toutes les espèces qui font bruisser le monde hors de la portée de son oreille.

En 2009, elle faisait par exemple se décrocher quelques mâchoires dans les milieux mélomanes et scientifiques avec The Noisiest Guys on the Planet («les gars les plus bruyants sur la planète»), compte rendu d’investigations sonores au large des côtes scandinaves à la rencontre des Decapoda - famille des crustacés à cinq paires de pattes dont font partie les galathées, les crevettes ou les écrevisses - qui témoignait de leur existence jusque dans leurs activités les plus intimes avec une clarté ahurissante.

Quarante ans après le Chant des baleines de Roger Payne, hit inattendu qui fit découvrir au grand public la magnifique étrangeté des cris des baleines à bosse, l’œuvre de Jana Winderen, récemment prolongée par des immersions chez les insectes d’eau douce (The Listener, 2016) dans les bancs de phytoplancton (The Wanderer, 2015) ou parmi les chauve-souris (Out of Range, 2014) révèle littéralement la texture de la vie à des échelles et des endroits où l’on pensait qu’elle existait nécessairement sans nous. Non seulement saisissants dans leurs matières et textures, ses paysages sonores en deviennent poignants quand l’auditeur s’autorise à s’y projeter lui-même, côtoyant ce qu’il reconnaît, pourquoi pas, comme des cousins éloignés.

À Présences électronique, Jana Winderen présentera une œuvre intitulée Déclassifiée, basée sur «des enregistrements de phoque barbu, de crépitements de crustacés, d’orque, de baleine à bosse et baleine-pilote, de grognements de morue, de goberge, d’aiglefin et de poisson-crapaud».

Festival Présences électronique Le CentQuatre, 5, rue Curial, 75019. Du 14 au 16 avril. Accès gratuit, mais places à retirer une heure avant les concerts. Rens. : www.104.fr

Partager cet article
Repost0
19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 09:05

Le philosophe Frédéric Worms exhorte ceux qui dénoncent le " système " à faire preuve de mesure, de discernement, afin de ne pas faire le lit du totalitarisme. Par Frédéric Worms le 17 mars 2017 pour Le Monde.

Avoir la défense adoptée par M. Fillon face aux accusations qui lui ont été adressées par la presse, on est pris d'un vif regret portant sur l'efficacité et l'importance qu'une autre défense aurait pu avoir, non seulement pour lui-même, mais pour la France et pour la situation politique contemporaine, dans un de ses aspects les plus graves.

Car enfin, voici l'un des candidats qui se déclare le plus farouchement " antisystème " dans sa campagne, qui est accusé par certains articles de certains faits pouvant relever, à certaines conditions, de la justice. Qu'aurait donc pu et dû être sa défense, sa défense la plus logique et en quelque sorte même la plus obsessionnelle ? C'est bien simple, et il suffit pour le savoir de se rapporter à ce qu'est au fond un " système ".

Fillon, l'occasion manquée

Un " système ", le terme le dit assez, c'est quelque chose où " tout " se tient, et notamment des choses qui en apparence n'auraient rien à faire ensemble. Ainsi, dans quelques doctrines philosophiques, où " tout " découle d'un principe, de la logique formelle au sens de l'histoire en passant par les passions et les malheurs des hommes. Ou bien, dans quelques pratiques politiques, où l'on pratique en effet le mélange des genres entre les pouvoirs, parfois entre tous les pouvoirs, de la presse à l'argent en passant par le droit ou l'Etat (et par exemple dans les " conflits d'intérêts " qui sont toujours le principe de ces " systèmes ").

Mais alors, si tel est le cas, si tel est ce qui définit un " système ", quelle est la seule réponse au système, ou au risque de système ? La réponse qui est, et qui doit d'ailleurs rester au principe de toute démocratie réelle, et de toutes les institutions réellement républicaines ? Cette réponse est bien simple, elle aussi, et elle saute aux yeux par contraste. C'est bien sûr la critique, et la séparation. La critique, qui signifie (et pas seulement par son étymologie) séparation et distinction. Une séparation qui, en politique et en République, est d'abord la séparation des pouvoirs. Mais plus largement encore, une critique qui peut s'exercer, jusque dans chaque pouvoir. On peut en tout cas le poser en principe : la seule réponse au système, c'est la distinction, c'est la séparation, c'est la critique.

On comprend alors comment M. Fillon aurait pu et dû se saisir avec force de cette occasion presque unique de lutter contre le système ! Distinguons, aurait-il pu et dû dire, presque -obsessionnellement. Faisons appel aux institutions chargées de la distinction, à ces institutions que nous appellerons critiques. Heureusement d'ailleurs qu'elles existent et qu'elles se sont développées, dans les trente dernières années ! La plus récente sans doute, cette  Haute Autorité pour la transparence de la vie publique que l'actuel gouvernement a mise en place après une " affaire " redoutable et -potentiellement mortelle surgie en son sein - (Cahuzac). Ou bien celles qui ont sauvé, on s'en souvient, le - " système " de santé français, ces agences qui ont interdit, surveillé et critiqué sans relâche les conflits d'intérêts, après le scandale de la vache folle ou celui du sang contaminé. Sans elles, la propagande et la propagation du -soupçon seraient devenues plus -redoutables encore qu'elles ne le sont déjà ; et cette propagande le sait bien, puisqu'elle s'emploie sans relâche à les discréditer.

M.  Fillon aurait donc pu et dû non seulement recourir ou attendre que d'autres recourent à ces institutions, mais les soutenir et les revendiquer, jusqu'à l'obsession, justement contre le " système " ! Et, au-delà même de ces institutions politiques, distinguer, -distinguer toujours ! Entre les articles de presse eux-mêmes, et parfois dans un même article : faire preuve de sens critique, et non pas tous les rejeter en bloc dans un " système ". Car il faut -distinguer en effet, partout, et ne pas admettre que l'on confonde tout : la description des faits, le soupçon sans fondement et l'insulte parfois ignoble (jusqu'à l'accent d'une épouse qui en vient ainsi à porter sur elle une partie de la xénophobie ambiante).

Le travail critique, ressource vitale de la démocratie. Non pas certes une autocritique systématique, car elle devient alors (et ça s'est vu) aussi totalitaire que son contraire ; mais des distinctions dans chaque discours, et chaque institution, non pas pour ébranler, mais pour renforcer leur légitimité et la confiance publique, comme ligne de défense non seulement d'un individu, mais de la vérité, de la politique et de la République.

Opposition massive

Au lieu de quoi qu'avons-nous entendu ? Encore un discours " antisystème ". Et qui conduit à en redoubler encore le danger. Car il y a un premier danger. C'est de remplacer les distinctions critiques par l'opposition massive entre un " système ", d'un côté, où " tout " serait mal, et, de l'autre côté, celui qui le critique et chez qui, bien entendu, " tout " serait bien ! Comme si tout était permis à celui qui dit que tous (les autres) sont pourris. Or, s'il y a toujours des progrès à faire dans les institutions contre le risque en effet chronique de devenir un système, il y a certes aussi des progrès à faire du côté de ceux qui critiquent ces institutions, s'ils croient pouvoir tout se permettre, et c'est toujours le cas.

Mais le danger se redouble encore, si celui qui s'en prend au système le fait pour se défendre, lui-même, d'y avoir participé. Non pas que nous en accusions ici quiconque (et par exemple M. Fillon) à notre tour ! Nous nous garderons bien de le faire, en tout cas de cette façon, et attendrons les études et les jugements critiques qui seront, par définition, mesurés. Mais il est facile de voir le nouveau danger qui risque de surgir alors. C'est le risque de la surenchère des " antisystème ", qui chercheront chacun à placer tous les autres du mauvais côté de la barrière, ou dans le même sac, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un – ou une.

Alors en effet tout le monde y aura perdu, et on risque d'y avoir tout perdu. On s'apercevra trop tard qu'en se trompant de défense, qu'en ne critiquant pas le " système " ou le tout, grâce à des distinctions, grâce aux principes qui dans chaque démocratie nous en préservent, mais en le renforçant encore, à force de confusion, on aura renforcé un autre véritable système. Le système de ceux qui prétendent critiquer (sans distinction) le système, mais qui risquent ainsi de produire ce qu'ils prétendaient dénoncer chez les autres, et de l'aggraver encore, pour nous imposer non pas un tout, ou une totalité mais, bel et bien, le totalitarisme.

Partager cet article
Repost0
16 mars 2017 4 16 /03 /mars /2017 09:01

Par Nicolas Truong le 14 mars pour Le Monde.

Edgar Morin dialogue avec le mystère

Edgar Morin a conservé intact son regard d'enfant et son goût de l'émerveillement. Né en  1921, il a, de son propre aveu, gardé indemnes les curiosités de l'adolescence. Mais le sociologue n'est pas un candide. Il a appris à se méfier autant du scientisme que de ce qu'il appelle l'" ignorantisme ". Dans Connaissance, ignorance, mystère, ouvrage qu'il présente comme son testament scientifique et poétique, l'équivalent de ce que La Voie (Fayard, 2011) est sur le plan philosophique et politique, il prévient : " N'embellissons pas l'univers en dépit de ses splendeurs. Ne le rationalisons pas non plus, malgré ses cohérences, et voyons aussi ce qui échappe à notre raison. " Car plus la connaissance augmente, plus le mystère grandit. Plus le savoir progresse, puis le mystère s'épaissit. Selon les scientifiques, la naissance de notre univers proviendrait d'un événement générateur, le Big Bang, lui-même issu d'un vide soumis à des fluctuations quantiques. Un vide plein de virtualité, en quelque sorte. Preuve que l'être ne s'oppose pas au néant.

C'est pour cette raison qu'Edgar Morin préfère le dialogique (qui intègre les contradictions) à la dialectique (où elles se résolvent par un dépassement). Chaque découverte s'accompagne de nouveaux trous noirs du savoir. " Les progrès du savoir produisent une nouvelle et très profonde ignorance, écrit-il, car toutes les avancées des sciences de l'univers débouchent sur de l'inconnu. " La philosophie des sciences doit donc " dialoguer avec le mystère ". Edgar Morin sait bien qu'il s'aventure en terrain glissant. Que le lecteur, toutefois, se rassure. Aucune concession n'est faite ici à l'idée d'un dieu tout-puissant qui aurait dans sa tête " un dessin intelligent ". Mais Edgar Morin rejette toutefois aussi bien le créationnisme que le scientisme.

héritiers d'une " Terre patrie "

Selon lui, " la vie a été banalisée et trivialisée " par la biologie moléculaire. Or la crainte de l'idéologie créationniste tout comme l'absence de finalité ne doivent pas escamoter la créativité. On le sait, les êtres vivants ont répondu au défi de la survie et se sont adaptés à leur milieu. De la photosynthèse des plantes au caractère amphibie des poissons, les exemples sont légion. Edgar Morin va plus loin, et passe de l'idée d'adaptation à celle d'aspiration. Et ose même la question : " Est-ce que ce qui a tant de fois fait émerger des ailes chez des êtres terre à terre pourrait venir d'une aspiration à expérimenter la légèreté et l'ivresse du vol ? "

Edgar Morin en est convaincu, il y a une créativité du vivant qu'une partie de la science occulte par crainte de tomber dans l'obscurantisme du créationnisme qui fait tant de dégâts au moment même où triomphent populisme et complotisme.

Car il y a bien, selon Morin, une poétique du vivant. Non seulement une esthétique, mais comme le terme grec ancien de poíêsis l'indique, " une création " à laquelle on ne prête plus guère attention. Bien sûr, cette intuition sera contestée, voire moquée. Mais Morin n'en a que faire. Aussi proche ici du mathématicien Norbert Wiener que du surréaliste André Breton, il s'émerveille de toutes les métamorphoses, de la magie de l'existence et de l'énergie créatrice des songes. Notre héritage n'est peut-être précédé d'aucun testament, comme dit le poète René Char, mais nous avons d'innombrables ascendants en nous, assure Edgar Morin. Car il y a une histoire, mais aussi une mémoire du vivant. Et nous sommes reliés aux espèces animales ou au cosmos comme à nos parents. Nous sommes les héritiers d'une " Terre patrie " qui nous a transmis gènes et ADN, mais aussi possibilité de bifurquer et d'inventer. A l'heure où le monde s'apprête à basculer dans la post-humanité avec la révolution de l'" homme augmenté " (par les prothèses et greffes en tout genre), la réflexion d'Edgar Morin tombe à point nommé. Car seule la performance technique est recherchée dans l'idéologie du transhumain, et non la recherche d'une communauté de destin.

Or il est possible d'inventer une autre manière de produire, de vivre et d'habiter la Terre. Dans le sillage de l'épistémologiste Gregory Bateson, Edgar Morin a élaboré, trente ans durant, une méthode pour relier les connaissances, contre la compartimentation du savoir. Tour à tour résistant, chercheur, intellectuel, il sait que la vie est paradoxe, dissonance et contradiction. Le voici donc qui livre un ouvrage savant sous forme de credo, voire de confession. " Une création humaine est une combinaison de transe et de conscience, de possession et de rationalité ", écrit-il. En chamane de la connaissance, Edgar Morin s'aventure aux confins des territoires du savoir. On dit souvent qu'une théorie n'est bien souvent qu'une biographie objectivée, qu'une expérience de vie conceptualisée.

Edgar Morin n'a cessé d'être à la recherche de cet " état second ", de cette extase cosmique, amoureuse ou esthétique dont il rappelle l'urgence et l'importance à l'heure de la réduction de l'homme au calcul, de l'esprit à l'ordinateur. En dépit du formidable progrès du savoir humain, " le mystère quotidien de nous-mêmes et du monde ", comme dit le philosophe Vladimir Jankélévitch, demeure. A sa manière singulière, Edgar Morin allume une lueur dans le noir afin de mettre en lumière l'obscurité qui nous entoure, dans un monde irradié par le savoir. Il reste en cela aussi fidèle aux savants qu'aux poètes, à Arago qu'à Victor Hugo, qui disait : " L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. "

Partager cet article
Repost0
11 mars 2017 6 11 /03 /mars /2017 12:11

Avec le verdissement de Jean-Luc Mélenchon puis celui de Benoît Hamon, renforcé par le ralliement de Yannick Jadot, les idées écologistes constituent désormais un pilier de la pensée de gauche. Par Patrick Piro le 8 mars 2017 pour Politis à lire sur www.politis.fr .

L’écologie, nouveau marqueur politique

Dimanche 15 janvier, deuxième débat télévisé de la primaire organisée par le Parti socialiste. On aborde le thème de l’écologie, et la journaliste Ruth Elkrief lance : « Est-ce qu’il ne faut pas dire la vérité aux Français, que l’environnement, ça coûte plus cher pour le portefeuille ? » Puis, précisant son angle d’attaque : « Est-ce que mettre fin au diesel n’est pas une question de bobos ? » (...)

Partager cet article
Repost0
8 mars 2017 3 08 /03 /mars /2017 08:31
Chloé Poizat

Chloé Poizat

Société Des études le prouvent : les hommes coupent la parole aux femmes trois fois plus souvent que l'inverse. Aux États-Unis, ce phénomène a un nom : le " manterrupting " Une leçon nécessaire pour les hommes comme pour les femmes pour changer ensemble ?

Par Anne Chemin le 3 mars 2017 pour Le Monde, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, cf. aussi Un 8 mars revendicatif pour l'égalité salariale.

Sur le plateau, le tailleur rouge de Sylvia Pinel tranche avec les costumes gris de ses voisins. En ce jour de débat, la seule femme de la primaire de gauche évoque les leçons politiques de François Mitterrand quand David Pujadas lui pose une question sur le dépassement des clivages traditionnels. La candidate reprend la parole. " Ecoutez, c'est… ", commence-t-elle. Une voix s'élève à sa droite : sans lui jeter un regard, Jean-Luc Bennahmias répond à sa place. " C'est l'un des ratés du premier gouvernement Hollande de ne pas avoir permis à François Bayrou d'être élu ", explique-t-il avec assurance.

La caméra est tournée vers le visage de Jean-Luc Bennahmias mais on entend au loin un rire un peu crispé. " Jean-Luc, Jean-Luc, lance Sylvia Pinel en faisant un signe de la main. Je vois que la parité, même sur ce plateau, est difficile… C'est assez désagréable… " La candidate tente de reprendre le fil de ses idées mais elle a perdu pied. " Il est… C'est… Je ne me souviens même plus de la question ", ajoute-t-elle, un brin agacée. En ce 19 janvier, Sylvia Pinel vient de faire l'expérience d'un phénomène que toutes les femmes connaissent, même si elles en ignorent le nom : le manterrupting.

Le mot apparaît au début de l'année 2015, sous la plume de Jessica Bennett, une chroniqueuse pour le New York Times et le magazine Time. Dans un article intitulé " How not to be “manterrupted” in meetings " (" comment ne pas être interrompue par un homme en réunion "), elle raconte, études à l'appui, les étonnantes vicissitudes qui accompagnent la prise de parole des femmes. " Mes amies ont un terme pour ça : le manterrupting – contraction de man et interrupting", conclut Jessica Bennett. Depuis, le mot s'est peu à peu imposé dans les débats sur le sexisme ordinaire.

Malgré sa longue expérience politique – elle était la porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle de 2012 –, Nathalie Kosciusko-Morizet a fait l'amère expérience du manterrupting pendant la primaire de la droite et du centre. Lors du troisième débat télévisé, elle a été interrompue 27 fois… contre 9 pour Alain Juppé, 10 pour Jean-François Copé, 11 pour Jean-Frédéric Poisson, 11 pour Bruno Le Maire et 12 pour François Fillon et Nicolas Sarkozy. Commentaire de l'ancienne ministre : " Dans une assemblée mixte, les hommes ont tendance, parfois sans s'en rendre compte, à vouloir étouffer la parole des femmes et à la prendre. "

S'agit-il d'une pratique du monde politique liée au fait que les femmes en ont longtemps été exclues ? Une spécificité de cet univers clos qui, malgré l'instauration de la parité, peine tant à se féminiser ? Pas vraiment. Nombre d'études démontrent en effet que le manterrupting est une règle qui gouverne tous les échanges entre hommes et femmes, qu'ils aient lieu dans les bureaux, les cafés, les écoles ou les familles. Et ce n'est pas tout à fait un hasard. " La conversation, loin d'être une activité anodine et spontanée, est traversée par des questions de pouvoir ", écrit la féministe Corinne Monnet dans un article publié en 1998 dans la revue Nouvelles Questions féministes.

Si la théorie du manterrupting suscite souvent la perplexité, c'est parce que la sagesse populaire raconte une tout autre histoire. " Selon l'opinion communément admise, ce sont les femmes qui parleraient plus que les hommes, poursuit Corinne Monnet. Le stéréotype de la femme bavarde est certainement, en ce qui concerne la différence des sexes et la conversation, l'un des plus forts et des plus répandus. Paradoxalement, c'est aussi celui qui n'a jamais pu être confirmé par une seule étude. Bien au contraire, de nombreuses recherches ont montré qu'en réalité, ce sont les hommes qui parlent le plus. " Et qui interrompent le plus souvent leurs interlocuteurs – surtout si ce sont des femmes.

La première étude d'ampleur sur le man-terrupting a été réalisée en 1975 sur le campus de l'université de Santa Barbara (Californie). Cette année-là, deux sociologues, Don Zimmerman et Candace West, décryptent en –

détail 31 conversations enregistrées dans des cafés, des magasins et des lieux publics de l'université – des échanges ordinaires que les chercheurs appellent " everyday chit-chat ". Leurs conclusions sont stupéfiantes : dans les conversations non mixtes, les interruptions sont également réparties entre tous les participants, mais dès que la mixité s'installe, les chiffres s'emballent – les hommes sont responsables de 96 % des interruptions…

Don Zimmerman et Candace West voient dans ce déséquilibre un signe de la domination masculine. " Les hommes affirment de manière asymétrique un droit de contrôle sur les sujets de conversation et ils le font avec des conséquences évidentes, écrivent-ils. Il faut en conclure que, au moins dans ces transcriptions, les hommes contestent aux femmes le statut de partenaires égaux dans la conversation. " Bousculées par ces interruptions, les femmes peinent à maintenir le cap de leur discours. " Par toutes ces intrusions, les hommes parviennent à imposer leur propre sujet aux dépens de celui des femmes ", poursuit Corinne Monnet.

Les années 1970 sont loin, pensera-t-on : depuis cette époque, la révolution de l'égalité a bouleversé les règles du jeu. Ce n'est pas vraiment le cas. En 1998, deux professeurs de psychologie américains, Kristin J. Anderson et Campbell Leaper, analysent 43 études publiées de 1968 à 1998 consacrées aux " effets de genre sur les interruptions pendant les conversations ". Les déséquilibres mesurés à Santa Barbara sont loin d'avoir disparu. " On constate dans les recherches que les hommes ont, de manière significative, une tendance plus prononcée que les femmes à couper la parole de leurs interlocuteurs pendant une conversation ", résument-ils.

Une dissymétrie invisible

Pour en avoir le cœur net, deux chercheurs américains, Adrienne B. Hancock et Benjamin A. Rubin, analysent, en 2015, 80 conversations entre 40 participants – 20 femmes et 20 hommes. Pour éviter tout biais, ils choisissent des sujets " neutres ", comme l'utilisation du téléphone portable – pas de thèmes étiquetés féminins ou masculins. Les chiffres laissent rêveurs : dans un article publié dans le Journal of Language and Social Psychology, ils constatent qu'en moyenne, au cours d'une conversation de trois minutes, les femmes interrompent les hommes une seule fois alors que l'inverse se produit… 2,6 fois.

Ces règles du jeu ont beau gouverner la plupart des échanges entre hommes et femmes, elles passent le plus souvent inaperçues. " Lorsque le genre est à l'œuvre, comme dans la distribution de la parole, c'est le plus souvent de manière indirecte, donc invisible ", soulignent les politistes Frédérique Matonti et Delphine Dulong dans un article paru en 2007 dans Sociétés & Représentations (Publications de la Sorbonne). Pour mettre fin à cette myopie, les deux chercheuses ont, pendant plus d'un an, observé la répartition des rôles féminins et masculins au sein du conseil régional d'Ile-de-France.

Leur travail permet de prendre la mesure de l'ampleur de la dissymétrie entre hommes et femmes dans la prise de parole. Malgré l'instauration de la parité, le verbe continue à se décliner au masculin. " Le genre constitue un handicap, toutes choses égales par ailleurs, écrivent-elles. En séances plénières, quel que soit en effet le type d'intervention (dépôt d'amendement, rappel au règlement, questions orales, explications de vote), les hommes interviennent toujours plus que les femmes : sur huit séances entre avril 2004 et mars 2005, les hommes sont intervenus 142 fois et les femmes 80. "

Les hommes ne se contentent pas de parler plus que les femmes : ils écoutent aussi beaucoup moins. " Quel que soit leur capital politique et à rebours des stéréotypes genrés, les hommes bavardent beaucoup plus que les femmes avec leurs voisins lorsque les autres s'expriment, constatent les chercheuses. Certains, les plus aguerris, se lèvent même pour pouvoir parler avec un camarade assis plus loin alors qu'aucune femme ne s'autorise à le faire. Il faut ajouter que les hommes coupent beaucoup plus souvent la parole que les femmes et qu'ils la prennent davantage avant qu'on ne la leur ait donnée. "

La dissymétrie est aussi une question de style : le verbe impérieux des hommes tranche souvent avec la parole hésitante des élues. " Elles renoncent beaucoup plus facilement que les hommes à prendre la parole après l'avoir demandée au motif qu'un intervenant précédent aurait déjà dit ce qu'elles avaient à dire, écrivent Frédérique Matonti et Delphine Dulong. Leurs interventions sont beaucoup plus courtes que celles des hommes, et ce parce qu'elles posent plus de questions qu'elles n'expriment une opinion. (…) Elles “avouent” en outre beaucoup plus facilement qu'eux leurs doutes, leur absence d'opinion, voire leur incompétence. "

Nulle surprise, dans ce contexte, que la prise de parole soit, pour les femmes, une source d'angoisse. L'une des élues interrogées dans le cadre de cette étude raconte ainsi s'être réveillée, un jour de discours, " avec l'impression d'avoir avalé un parpaing ". " Cette expérience est partagée par toutes les élues, constatent Frédérique Matonti et Delphine Dulong. Claire Le Flécher, par exemple, s'oblige à prendre la parole, comparant l'exercice à un sport où l'entraînement est central. Anne Souyris parle longuement de sa difficulté à prendre la parole – une “transgression”, un “traumatisme”, un “supplice” qui revient, selon elle, à “se violer”. "

Sentiment d'illégitimité

Près de vingt ans après l'inscription du principe de parité dans la Constitution de la Ve République, les femmes ont encore du mal à imposer leur voix dans les enceintes politiques. Pour Frédérique Matonti, ce manque d'aisance renvoie à une longue histoire. " En France, les femmes sont encore des nouvelles venues en politique : le droit de vote leur a été accordé très tardivement, en 1944 – soit bien après les Finlandaises (1906), les Danoises (1915), les Américaines (1919) ou les Britanniques (1928). C'est d'ailleurs en France que l'écart entre la date du suffrage masculin (1848) et féminin (1944) est le plus important. "

Cette histoire a façonné des attitudes très différentes : selon Frédérique Matonti et Delphine Dulong, les hommes politiques se comportent comme s'ils jouissaient d'un " droit “naturel” à s'exprimer " alors que " tout, dans le comportement des femmes, manifeste leur sentiment d'illégitimité ". Quand les femmes sont dans des positions de pouvoir, confirme la philosophe et mathématicienne Laurence Bouquiaux dans Les Faiseuses d'histoire (La Découverte, 2011), un livre des philosophes belges Vinciane Despret et Isabelle Stengers, elles se conduisent comme si elles avaient " investi des lieux qui ne leur étaient pas destinés ".

Dans cet ouvrage, Laurence Bouquiaux raconte avec subtilité cette manière de se montrer " soumise et docile " pour faire oublier qu'on ne se sent pas tout à fait à sa place. Elle évoque ainsi, dans les milieux universitaires, " les bonnes élèves, bosseuses, voire besogneuses, qui savent qu'elles sont tolérées pour autant qu'elles restent inoffensives ". " Nous – les femmes – laissons parler les hommes (dans les réunions, dans les colloques et même, peut-être, dans les livres) parce que beaucoup de nos collègues ne nous pardonneront d'être intelligentes que si nous renonçons à être brillantes. "

Ces règles tacites ne concernent pas que la scène politique ou le milieu universitaire : nombre de travaux anglo-saxons montrent que, dans les entreprises, la prise de parole des femmes est mal accueillie. En témoigne une étude américaine réalisée par Victoria L. Brescoll, professeure à l'université Yale : cette experte en psychologie sociale a demandé à 156 personnes de noter, sur une échelle de 1 à 7, la compétence, l'efficacité, l'avenir professionnel et l'aptitude au leadership de deux types de manageurs – les premiers parlent beaucoup, se mettent en avant et font volontiers état de leurs opinions personnelles, les seconds sont discrets et s'expriment peu en réunion.

Publiés en 2012 dans la revue Administrative Science Quarterly, les résultats font froid dans le dos. Les hommes qui parlent peu sont considérés comme de piètres dirigeants alors que ceux qui s'expriment longuement obtiennent d'excellentes notes. Un diagnostic qui pourrait parfaitement se comprendre… s'il ne s'inversait totalement pour les femmes. La faconde et l'éloquence, considérées comme d'utiles qualités pour les hommes, deviennent de terribles défauts pour les femmes : les dirigeantes silencieuses et réservées en réunion sont bien notées alors que celles qui s'expriment longuement sont rejetées

Peur d'avoir l'air agressive

Pour Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, et le psychologue Adam Grant, professeur à l'université de Pennsylvanie, cette étude prouve que les femmes qui craignent de parler en réunion ne sont pas paranoïaques : elles savent simplement qu'en parlant autant, voire plus que les hommes, elles seront jugées avec sévérité. " Lorsqu'une femme s'exprime dans un cadre professionnel, elle marche sur une corde raide, résument-ils en 2015 dans le New York Times.Soit elle est à peine entendue, soit elle est jugée trop agressive. Quand un homme dit la même chose qu'elle, tout le monde approuve d'un signe de tête cette bonne idée. Résultat : les femmes considèrent souvent qu'il vaut mieux parler peu. "

Comment expliquer cette étrange alchimie sociale qui endigue la parole des femmes ? Pour la politiste Frédérique Matonti, la réponse tient en un mot : la socialisation. " Les études sur l'éducation montrent que les parents, sans en avoir conscience, encouragent les filles au retrait plutôt qu'à la mise en avant, explique-t-elle. Les garçons ont souvent le droit de faire du bruit alors que les filles doivent rester discrètes et baisser la voix. Petit à petit, les enfants intériorisent ces valeurs masculines et féminines : les garçons apprennent à prendre la parole, à dire qu'ils n'ont pas peur et à faire face, les filles à écouter et à faire attention aux autres. "

Ces différences se manifestent dans les familles, mais aussi à l'école. Dans les années 1970 et 1980, deux sociologues de l'éducation américains, Thomas L. Good et Jere E. Brophy, montrent, en observant le fonctionnement des classes, que les professeurs, sans le savoir, appliquent la " règle des deux tiers/un tiers " : ils ont, en moyenne, deux fois plus d'échanges avec les garçons qu'avec les filles. " Ils consacrent aux garçons les deux tiers de leur temps tandis que les garçons émettent les deux tiers des propos tenus par les élèves dans la classe ", résume la sociologue Marie Duru-Bellat dans L'École des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux ? (L'Harmattan, 2004).

Avec le temps, les chiffres ont évolué mais aujourd'hui encore, l'égalité de traitement n'est pas au rendez-vous. " Les enseignants consacrent un peu moins de temps aux filles – environ 44 % de leur temps contre 56 % aux garçons, souligne Marie Duru-Bellat. La différence peut paraître minime, mais elle devient considérable dès lors qu'on comptabilise le temps qu'un élève passe en classe. Ce temps consacré aux garçons reflète en outre des interactions plus formatrices sur le plan pédagogique : les enseignants passent plus de temps à réagir aux interventions des garçons et à attendre leurs réponses. "

Nul procès envers les hommes ici : les enseignantes, rappelle Marie Duru-Bellat, se comportent de la même manière que leurs collègues masculins. " Les hommes comme les femmes sont profondément imprégnés par des stéréotypes sur le féminin et le masculin qui sont véhiculés par notre société, constate-t-elle. Ce sont des processus inconscients qui définissent les normes de comportement des garçons et des filles – et donc les attentes et les comportements que l'on a envers eux. Pour les bousculer, il faut commencer par en prendre conscience. " En démontrant qu'hommes et femmes ne sont pas – encore – des partenaires égaux dans la conversation, les études sur le manterrupting ouvriront peut-être la voie à un dialogue plus équilibré entre hommes et femmes.

Anne Chemin

Partager cet article
Repost0
14 février 2017 2 14 /02 /février /2017 12:28

Maître de conférences en sciences politiques à l’université de Yale aux États-Unis, la philosophe franco-américaine fait la lumière sur la crise de la démocratie représentative contemporaine. Une analyse percutante du sens des expériences sociales engagées en faveur de son dépassement historique dans une perspective progressiste. Un entretien sur la délibération inclusive et l’intelligence collective comme réponse à la crise de la démocratie représentative, réalisé par Jérôme Skalski le vendredi 6 Janvier 2017 pour l'Humanité.

Hélène Landemore, professeur en Sciences Politiques à Yale. Photo : Magali Bragard

Hélène Landemore, professeur en Sciences Politiques à Yale. Photo : Magali Bragard

Vous faites valoir, dans votre œuvre, l’idée d’intelligence collective articulée au concept de démocratie. En quoi cette idée est-elle novatrice ?

Hélène Landemore Je suis partie, effectivement, à un moment donné de mon travail universitaire, de la connexion de l’idée d’intelligence collective et de démocratie. Cette idée a donné lieu à la publication de mon premier livre en anglais en 2013 (1). L’idée que l’intelligence collective est une des raisons qui rendent la démocratie désirable n’est pas entièrement nouvelle. Il y avait, par exemple, le livre de James Surowiecki, publié sur le sujet en 2004 (2). On peut aussi remonter aux formulations d’Aristote sur les bénéfices politiques de « plusieurs têtes » et à tout un tas d’autres auteurs depuis. La nouveauté de mon argument, c’est de mettre l’accent sur la délibération inclusive, plutôt que la logique agrégative de la loi des grands nombres, et sur le lien entre inclusivité et diversité cognitive. Je fais l’hypothèse que les assemblées délibératives démocratiques maximisent par défaut, parce qu’elles sont inclusives, la diversité des manières de réfléchir et d’aborder un problème, qui s’avère être un ingrédient essentiel de la capacité du groupe à résoudre des problèmes communs. Cet argument est nouveau parce que la plupart des gens pensent que pour avoir une assemblée intelligente, il faut surtout mettre des gens intelligents dedans, ce qui tend à favoriser les groupes d’experts ou de diplômés plutôt que les groupes de gens ordinaires, moins compétents individuellement mais plus divers collectivement. Une implication assez radicale de l’argument, c’est même en effet de préférer les groupes de citoyens tirés au sort aux assemblées élues. L’occasion d’approfondir ce thème sous un angle plus empirique m’a ensuite été donnée en Islande, en 2012, lors des événements qui ont suivi la crise financière de 2008-2009.

Quels sont les problèmes rencontrés par le paradigme de la démocratie représentative aujourd’hui ?

Hélène Landemore Traditionnellement, deux modèles de la démocratie dominent. Il y a l’idée de la démocratie athénienne antique, considérée comme inapplicable avec les sociétés industrialisées et modernes, et celle de la démocratie représentative électorale, du gouvernement représentatif inventé au XVIIIe siècle et qui s’est imposé depuis. Aujourd’hui, il semble qu’on ait atteint les limites de ce deuxième modèle. D’abord, l’élection s’avère un mécanisme de transfert du consentement assez douteux. Et elle ne permet pas une représentation très satisfaisante. En réaction à ces faiblesses de l’élection, on observe aujourd’hui la tentation de court-circuiter le schéma classique de la représentation et de retourner aux théories et pratiques de la démocratie directe. Il me semble que nous en sommes venus au point où l’on a besoin d’un nouveau cadre conceptuel. Le mode du gouvernement représentatif est très élitiste en réalité. On peut le montrer en remontant à son fondement. C’est ce qu’a fait Bernard Manin dans ses Principes du gouvernement représentatif, un ouvrage essentiel à cet égard, publié en 1995 (3). Il montre que le XVIIIe siècle a été le triomphe de l’élection sur le principe de la sélection au hasard par tirage au sort parce que, finalement, cela permettait de maintenir l’aristocratie au pouvoir. Il montre aussi que l’élection est à double face, comme le dieu romain Janus. Elle a une face démocratique d’une part (parce qu’elle demande le consentement des gens) et un visage oligarchique de l’autre (parce qu’elle crée une élite). Ce que l’on ressent actuellement, c’est sa dimension oligarchique. L’idée, c’est de reprendre le chemin qui n’a pas été emprunté au XVIIIe siècle, c’est-à-dire de revenir au tirage au sort par exemple. C’est une sorte de pensée contre factuelle que j’essaie de développer. Certes je ne pense pas qu’on puisse abolir les systèmes existants et les remplacer par des systèmes complètement nouveaux qui seraient basés sur le tirage au sort. Mais il s’agit de s’inspirer de cette alternative imaginée pour modifier le système actuel et le réinventer. L’autre question, c’est qu’on a tendance à penser la démocratie sur le paradigme de l’État-nation alors qu’aujourd’hui il faut la penser au-delà, au niveau des groupes d’États, des zones géographiques, et à l’échelle des organisations internationales. Au niveau européen, c’était un peu l’espoir. Sauf qu’on a fait de la construction économique sans vraie construction politique, qui aurait encadré le processus. Une construction européenne proprement politique, c’est ce que proposent aujourd’hui des gens comme Thomas Piketty ou Yanis Varoufakis. Thomas Piketty en reste cependant à une réponse technocratique. Il propose que l’on prenne un groupe de pays suffisamment similaires, comme la France et l’Allemagne, et que ces pays mettent en commun leurs dettes et développent une politique fiscale commune. Yanis Varoufakis a une approche plus processuelle. Il propose de redonner le pouvoir aux peuples européens et de les impliquer plus directement dans le processus de construction de l’UE. Il faut probablement combiner les deux approches, mais la priorité me paraît être processuelle : trouver le moyen de donner une vraie voix aux citoyens européens sur la nature de l’Europe politique à construire. Les référendums en fin de parcours, c’est trop peu et trop tard.

En quoi l’expérience islandaise témoigne de ce renouvellement ?

Hélène Landemore L’expérience islandaise, dans la mesure où elle a essayé d’inclure le plus de personnes possibles dans le processus qui a abouti à la proposition de nouvelle Constitution, participe de cet effort pour repenser la démocratie. Par exemple, le forum national, en amont du processus, a rassemblé 950 personnes tirées au sort, pour parler des valeurs et des principes à mettre au cœur de la proposition de Constitution. Il y a eu aussi, pendant le travail des constituants, le recours fait aux propositions publiques via Internet, la phase de « crowdsourcing » proprement dite, qui a fait la célébrité du processus. C’est d’elle que sont venues certaines propositions comme l’article sur le droit des enfants ou le droit à Internet qu’on retrouve dans le texte final. Ces choix de « design » institutionnel sont des applications inspirées de la théorie de la « sagesse des foules ». Ils reflètent aussi un effort pour donner voix aux citoyens en amont et tout au long du processus, pas juste à la fin.

Est-ce que la crise politique actuelle ne réactualise pas également la problématique de la lutte des classes ?

Hélène Landemore La question des classes n’a jamais vraiment disparu. Aujourd’hui, ce qui est intéressant, c’est que l’opposition entre le 1 % et les 99 % domine les débats depuis le mouvement Occupy Wall Street. Mais c’est plus compliqué que cela parce que, quand on parle des 99 %, on parle surtout de la classe moyenne occidentale. Or il n’y a pas que les questions de classe interne à l’Occident, il y a aussi les questions du clivage entre le monde occidental et le reste du monde. La classe moyenne occidentale, c’est le 1 % pour le reste du monde… Par ailleurs, en Occident, les classes populaires sont exclues du débat, et même, de fait, des mobilisations (il n’y avait pas beaucoup de vrais pauvres dans les rassemblements Occupy). Clinton et Trump, au cours de la campagne électorale, n’ont jamais parlé des pauvres. Il n’y a personne qui parle des pauvres aux États-Unis. C’est une réalité tragique mais, comme ils ne votent pas, cela n’intéresse personne. Il y a encore le problème de l’argent en politique. C’est sans doute plus vrai aux États-Unis. Pour pouvoir accéder au pouvoir aux États-Unis, dans la plupart des cas, il faut avoir beaucoup d’argent. C’est un système qui invite la corruption. Ajoutez à ça la manière partisane dont les circonscriptions électorales sont dessinées et vous avez tous les ingrédients d’un système qui ne répond plus effectivement qu’aux 10 % les plus riches de la population. Cela dit, il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience de ces problèmes. La question des inégalités économiques est redevenue centrale en Occident. La crise de 2008 est passée par là. On peut aussi créditer le livre de Thomas Piketty, le Capital au XXIe siècle, qui a été un pavé dans la mare quand il est sorti aux États-Unis en 2013. Même l’idéologie longtemps dominante du libre-échange comme seul salut est remise en cause. On prend enfin au sérieux les questions de distribution des gains du libre-échange. La distribution actuelle est-elle juste ? Surtout, même si le libre-échange est globalement un jeu à somme positive, il y a de vrais grands perdants au niveau individuel, et on ne s’est pas beaucoup occupé d’eux. Cela, de plus en plus de gens admettent que ce n’est pas acceptable. On a les bons diagnostics, je pense, maintenant il faut des solutions. Mais il y a aussi l’impact de l’idéologie du libre-échange qui a été dominante, même à gauche, et qui est remise en cause depuis 2008 notamment. L’année 2008 a été le moment où même les libertariens ont été obligés d’admettre que le libre-échange n’était pas tout bénéfice. C’était quelque chose que des gens disaient depuis des décennies. Le libre-échange a montré qu’il y avait des perdants et que ce sont ces perdants qui sont sacrifiés à l’ensemble.

Vous avez avancé l’idée qu’une transformation du modèle de la démocratie passait par une redéfinition de l’ « agenda setting ». Pouvez-vous préciser ce concept ?

Hélène Landemore C’est une idée centrale. Être capable de définir les termes d’un débat, c’est la moitié du pouvoir. Or, nos démocraties sont fondées sur l’illusion que le pouvoir démocratique, c’est juste la décision finale. Mais cela, ce n’est que l’autre moitié du pouvoir. Définir les termes de la décision, de quoi l’on va parler et dans quelles conditions, c’est cela définir l’ « agenda setting ». Dans la démocratie des Grecs de l’Antiquité classique, il y avait une définition des termes de ce qui allait être délibéré et voté à l’assemblée populaire par un groupe de 500 citoyens tirés au sort, citoyens relativement ordinaires, qui était les décideurs de cet agenda. Et par ailleurs, il y avait des formes d’initiative populaire qui permettaient à tout citoyen de mettre une question à l’agenda de l’assemblée populaire. Ce qui se passe au XVIIIe siècle, c’est qu’on passe d’une conception de la démocratie comme exercice du pouvoir par le citoyen ordinaire à une conception de la démocratie comme consentement au pouvoir par des élites. On abandonne l’exercice de l’essentiel du pouvoir à des élites et on ne garde que la possibilité de changer d’élites de temps à autre ou de dire non à une question posée dans le référendum occasionnel. Cela a été une erreur historique. La délibération et la définition des options, en amont des élections ou des référendums, est essentielle. Bien sûr, dans la théorie habermasienne par exemple, l’opinion publique informelle est censée avoir cette fonction d’« agenda setter » pour le système politique formel. Mais aujourd’hui est-ce une lecture réaliste de ce qui se passe ? Selon moi, il est temps de passer à un autre modèle de démocratie, non plus représentative, mais postreprésentative ou « ouverte ». Il s’agit d’imaginer de nouvelles avenues pour la participation des citoyens de façon à leur donner une influence réelle et parfois directe sur le contenu du débat. Cette idée de démocratie ouverte, c’est casser ce cycle où le peuple n’a son mot à dire que tous les quatre ou cinq ans au moment des élections ; en fait, là encore l’exemple islandais le montre de manière patente, les gens ont plein d’idées. On le voit aussi dans la créativité de choses comme Wikipédia par exemple aujourd’hui, qui était impensable il y a dix ans. C’est une des réussites de l’intelligence collective la plus spectaculaire. Mais il existe ou peut exister une foule de moyens et d’instruments susceptibles de capter l’intelligence collective. La démocratie devrait être un de ces instruments.

  • (1) Democratic Reason : Politics, Collective Intelligence, and the Rule of the Many, Princeton University Press, 2013.
  • (2) La Sagesse des foules, de James Surowiecki. Éditions Jean-Claude Lattès, 2008.
  • (3) Principes du gouvernement représentatif, de Bernard Manin. 1995, rééd. Flammarion, coll. « Champs », 1996.

Intelligence collective

Récipiendaire du prix David & Elaine Spitz 2015 pour son ouvrage Democratic Reason : Politics, Collective Intelligence, and the Rule of the Many, publié en 2013 aux éditions Princeton University Press, Hélène Landemore explore les expériences politiques mettant en jeu l’intelligence collective. Théoricienne de l’expérience islandaise d’« approvisionnement par la foule » (crowdsourcing) dans le contexte de la réécriture de sa Constitution, elle est l’auteur d’une dizaine d’articles en philosophie politique.

Partager cet article
Repost0

Archives

L'écologie aux Lilas et au Pré ...

Les maires et élus écologistes ne se résignent pas à laisser l’avenir s’assombrir de jour en jour

Pour une restauration scolaire de qualité, durable, équitable, accessible aux Lilas

Les zadistes de Gonesse ont-ils raison de s’opposer à une gare en plein champ ?

Une nouvelle ZAD près de chez vous

Pour le projet CARMA contre la reprise des travaux de la gare "Triangle de Gonesse"

Les Lilas écologie - en campagne pour gagner

Les Lilas Ecologie en campagne

Le gouvernement abandonne Europacity, pas l’artificialisation des terres agricoles

Il faut stopper EuropaCity - marche citoyenne de Gonesse à Matignon 4 et 5 octobre

Aux Lilas, les citoyens s’unissent pour produire de l’électricité verte

Les promoteurs, les arbres et la cité - lettre ouverte à BNP Paribas

Toxic Tour de Pantin à Romainville dimanche 16 juin 2019

Une Biorégion Ile-de-France résiliente en 2050

Merci aux 1779 Lilasiennes et Lilasiens qui ont voté " Pour le climat, tout doit changer ! "

Pollution de l’air dans les écoles et crèches franciliennes

Volonté politique de créer une régie publique de l’eau à Est Ensemble, mythe ou réalité ?

À la base … un revenu ?

Balade naturaliste Parcs de la Corniche des Forts et abords de la forêt de Romainville le 9 mars 2019 à 11h

La forêt de Romainville, un enjeu écologique et politique

La Forêt passe à l'attaque !

Plâtre et béton sur la Corniche

Agir ensemble pour les Coquelicots le 7 décembre

Marche pour le climat, Défendons la forêt de la Corniche des Forts

Destruction des océans, sur-pêche, pêche électrique... avec Bloom mardi 20 novembre

À Romainville, les habitants défendent une forêt sauvage contre une base de loisirs régionale

Marches pour le climat et la biodiversité 13 et 14 octobre

Les amis des coquelicots étaient bienvenus...

Amis des coquelicots, agissons ensemble vendredi 5 octobre à 18H30

La forêt urbaine de la Corniche des Forts - une chance unique à nos portes

Mobilisation citoyenne à la marche pour le climat samedi 8 septembre à Paris

Un coup de pouce Vert pour les Électrons solaires ! 

Le collectif Eau publique des Lilas invite au dialogue le 21 mars

Entre le nucléaire et la bougie, il y a l’intelligence - du 10 au 18 mars aux Lilas

En Ile de France, les énergies renouvelables citoyennes ont le vent en poupe...

Le Syctom a organisé une concertation réservée aux sachants – et après ?

Une enquête publique sur le PLU des Lilas… qui change la donne !

Une victoire pour l'eau publique en Île-de-France

L’eau publique, c’est maintenant !

L’Ouest de la Seine Saint-Denis se mobilise pour la création d’un service public de l’eau

Romainville : le Syctom lance une concertation préalable pour la modernisation du centre de transfert et de tri des déchets

Que sont ces CSR - Combustibles Solides de Récupération - qu’on veut brûler à Romainville ?

Ces parents qui mijotent une cantine publique

De nouvelles préconisations nutritionnelles... Pas d'usine, on cuisine !

À Romainville contre l’incinération

Une victoire de l'engagement citoyen aux cantines rebelles du 10 novembre

Derniers échos de la révision du PLU des Lilas

Les Sans Radio retrouvent les ondes

Europacity : le débat public se conclut sur des positions inconciliables

Le parc (George-Valbon La Courneuve) debout !

Grand Paris : non à la logique financière

Pour une gestion publique, démocratique et écologique de l'eau

Le revenu de base ? Débat mardi 14 juin 20h

C'était la Grande Parade Métèque 2016...

La nature : une solution au changement climatique en Île-de-France

Participer à la Grande Parade Métèque samedi 28 mai 2016

PLU des lilas: enfin un diagnostic et état initial de l'environnement ... à compléter

Avec la loi « Travail », où irait-on ? Débattons-en mercredi 30 mars

Réduire la place de la voiture des actes pas des paroles

La COP 21 aux Lilas

La nature est un champ de bataille

Alternatiba et le Ruban pour le climat des Lilas à la République

Un compost de quartier aux Lilas

Devoir d'asile : de l'Etat jusqu'aux Lilas

Un ruban pour le climat aux Lilas

Six propositions vertes pour une révision du PLU véritablement utile

La Grande Parade Métèque samedi 30 mai

Fête de la transition énergetique et citoyenne le 9 mai aux Lilas