Traitement des déchets v/s projet d’usine de méthanisation à Romainville
La mission de service public du SYCTOM (Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères) est de traiter les 300 000 t de déchets par an, produits par les 900 000 habitants du XIXe arrondissement parisien et de 22 communes de Seine-Saint-Denis. Aujourd’hui l’actuelle usine de tri de Romainville est devenue obsolète, et son exploitation sera prochainement interdite devant l’obligation de mettre fin à la mise en décharge, de limiter l’incinération, et de recycler les déchets organiques.
Face à ces enjeux, il est nécessaire d’agir et d’évoluer.
Le projet du SYCTOM d’implanter une vaste usine de méthanisation à Romainville (2 chaînes de tri indépendantes, et 3 digesteurs chacune) nous préoccupe tous. C’est bien normal, la concertation et l’information autour de ce projet ont été quasi nulles, l'enquête publique obligatoire n’a donné que quelques commentaires de pure forme, et les changements de point de vue des élus de Romainville n’ont pas non plus beaucoup aidé à la clarté des débats.
Pourtant des éléments d’information ont été présentés par Europe Ecologie Les Verts. D’abord dans l’article repris en novembre sur notre blog « Méthanisation à Romainville : une pétition de la peur », puis un débat public a eu lieu le 12 décembre, salle Jacques Brel à Romainville. Chaque fois, il s’agissait de comprendre les enjeux et de proposer des solutions d’amélioration : utilité de la méthanisation, localisation en zone urbaine, risques éventuels d'explosion et d'incendie, diminution du trafic routier, impact paysager, nuisances olfactives, valorisation du digestat sorti de l’usine, etc. Dans le même temps l’association ARIVEM faisait également un travail de contre-expertise, mais agitait le spectre de la peur et du danger, privilégiant une opposition au projet, sans proposition et sans s’interroger sur le devenir de nos déchets.
Le 1er février dernier, enfin le SYCTOM et Est Ensemble, (communauté d'agglomération récemment compétente en matière de « collecte des déchets ») organisaient une réunion publique au Palais des Fêtes de Romainville. Beaucoup de monde, beaucoup de questions, beaucoup d’opposition, peu de propositions, pas de remises en débat du projet. Seul son abandon semblait répondre aux attentes du nombreux public.
Les décisions prises ce soir là portent sur plusieurs points.
Un moratoire d'au moins 6 mois, demandé par plusieurs élus, pour mener une vraie concertation citoyenne. Pourquoi pas comme à Ivry où la reconstruction de l’usine de déchets, du SYCTOM également, avait été précédée de 2 ans de débats publics où tous les acteurs et les associations s’étaient exprimés.
Une autre décision, est la saisie de la commission nationale du débat public afin de préparer une réelle et large consultation – c'est bien là le minimum qu'on puisse attendre, à défaut d'une réelle co-construction du projet avec les habitants concernés. Cette concertation « officielle » ouvrira des ateliers aux habitants sur la question « Que faire de nos déchets ? », une permanence d’information sera ensuite installée sur le site, puis une charte intercommunale de qualité environnementale sera rédigée.
Le SYCTOM a également annoncé un nouvel audit, qui prendrait en compte les observations de la contre-expertise de l'association ARIVEM, réalisée par un cabinet d’expertise indépendant reconnu. Nous suggérons que cet audit s'accompagne d’une étude sur le gisement de bio-déchets, et sur la faisabilité d’une collecte séparative des déchets organiques par l’agglomération Est Ensemble.
Mais les questions essentielles restent sans réponse, sans alternative, le projet semblant être finalisé. Pourtant, pourquoi produisons nous tant de déchets, quel tri, qui trie, quelle taille d’usine, quel gaz vendu, quel produit brûlé, quels risques, quelle odeur ? Les interrogations ne manquent pas…
Concernant la présence d'une usine de méthanisation en zone urbaine dense, l'expérience de la Communauté Urbaine de Lille Métropole a été rapportée, où depuis 2007 la gestion des bio-déchets de 550 000 habitants ne pose pas de problème. Mais les ménages sont équipés de bacs cloisonnés pour la collecte déchets résiduels / bio-déchets, permettant le traitement annuel de 108 000 tonnes par le Centre de Valorisation Organique de Sequedin, sans problème d'odeurs.
A Romainville, il est prévu de traiter 322 500 tonnes, 3 fois plus donc. Aussi la taille du projet interroge, il serait largement supérieur à toutes les autres usines françaises. Pour autant, il n'apparaît pas surdimensionné au regard des déchets à traiter des 900 000 personnes du «bassin versant », en complément de l'usine du Blanc-Mesnil. Mais pourquoi ne pas envisager des usines plus petites, plus nombreuses. Cela nous renvoie à la question : pourquoi produisons nous autant de déchets et pourquoi trions-nous si mal ?
Question transport, le SYCTOM promet la diminution de 13 000 camions par an, réduction rendue possible par le transport fluvial et la construction de ports. Mais la coulée verte piétonne et cyclable du bord du canal de l’Ourcq serait interrompue cinq jours sur sept en raison du fonctionnement du futur port fluvial. Cela est évidemment contradictoire avec le développement prévu par les villes traversées par le canal.
L’usine produira, après traitement, du gaz et un « digestat ».
Ce gaz, appelé biogaz est généré par la méthanisation. Aujourd’hui il est envisagé 2 réutilisations possibles de celui-ci, la production d'électricité et de chaleur via une centrale de cogénération, ou la production de bio-méthane qui serait ensuite injecté dans le réseau de Gaz de France (GRDF).
Après traitement des déchets, le projet d'usine de Romainville produira un « digestat ». Mais au regard des normes européennes à venir, il ne pourra pas s’agir d’un compost, incapable de fertiliser les terres agricoles, car n’étant pas assez trié. In fine, il serait alors brûlé.
Pour l’instant existe un projet avec 2 usines de méthanisation performantes. La première, qui est en projet, l'usine de Blanc-Mesnil qui valoriserait les déchets des « gros producteurs », entreprises ou collectivités. Et la seconde, à Romainville, traiterait l'autre gisement, celui des ordures ménagères pour l'instant jetées dans la poubelle « grise ».
Notre proposition consisterait à adapter l’usine de Romainville en y développant 2 filières. L'une de tri mécano-biologique (TMB) qui produirait un digestat équivalent à 15% du volume initial d’ordures, pouvant être commercialisé, ou mis en décharge, ou incinéré. Et une seconde filière qui méthaniserait des bio-déchets : épluchures de légumes, déchets alimentaires, déchets verts, etc… produisant alors un vrai compost valorisable par les agriculteurs.
Cette solution nécessiterait un tri en amont, beaucoup plus sélectif, plus complet, plus contraignant.
Dans ces propositions, la notion de tri est essentielle, il s’agit bien ici d’éducation, de responsabilité et de civisme de chacun d’entre nous. Il faudrait une collecte plus sélective de nos bio-déchets, ce qui est possible à condition de mettre des récipients adaptés et de révolutionner le mode de collecte. Cela représenterait environ 30 000 tonnes, soit 10% du tonnage actuel. C'est peu, mais cette collecte serait pour beaucoup dans la qualité de la chaîne à reconstituer, consommateur / producteur d'ordures / producteur de compost / agriculteur producteur de nourriture.
Mais quoi qu’il arrive, concernant la production de déchets, il s’agit de l’autre « révolution » à initier. Celle qui concerne une politique écologique visant la décroissance du volume global de déchets, et qui s’efforce de recréer la réciprocité culture / nourriture, nécessaire aux cycles de l’azote et du carbone, entre villes et campagnes. Cette politique demande également un changement de mentalité des industries, pour enfin limiter les emballages, limiter la production de produits polluants et inutiles. Il s’agit d’une proposition logique de sobriété énergétique et d'arrêt progressif des gaspillages, à l’opposé du système pervers de l'obsolescence programmée des objets et des produits, et à la rente industrielle de leur traitement en fin de vie.
Nous le voyons, si le projet de Romainville est nécessaire, il nous renvoie aussi à la question initiale : comment trier les déchets, et surtout pourquoi notre société de consommation en produit-elle autant ?
Ce projet d’usine suscite encore beaucoup de questions, il mérite d’être révisé, car il peut être encore largement amélioré et bien mieux adapté à nos vies et à notre territoire.
commenter cet article …