Nous dépendons tous de la forêt pour subvenir à nos besoins. La France importe et consomme des produits qui peuvent contribuer à la déforestation à l’autre bout du monde : c’est la « déforestation importée ». Consommons autrement pour protéger les forêts de notre planète ! Déforestation importée : arrêtons de scier la branche ! Un rapport de WWF du 8 novembre 2018. Lire aussi L’huile de palme, omniprésente ou interdite ?, La disparition des surfaces boisées mondiales a bondi de 51 % en 2016 et Déforestation : les forêts émettent plus de CO2 qu’elles n’en absorbent.
Au cours des cinq dernières années, la France a potentiellement contribué à déforester 5,1 millions d’hectares, soit environ deux fois la superficie de la Bretagne, à travers ses importations de 7 matières premières (soja, cacao, bœuf & cuir, huile de palme, caoutchouc naturel, bois et pâte à papier). Cela signifie qu’en 50 ans, nous avons potentiellement déforesté une surface équivalente à la superficie de la France métropolitaine, ailleurs dans le monde. Voici le constat alarmant d’une nouvelle étude publiée aujourd’hui par le WWF France, qui dresse pour la première fois un état des lieux du risque de déforestation associé aux importations françaises.
Quand nos emplettes déciment les forêts
Beaucoup de produits que nous achetons régulièrement contribuent à la déforestation. Ainsi, la viande, les œufs et les produits laitiers que nous mangeons chaque jour sont dérivés d’animaux nourris au soja. Soja dont la culture ne cesse de s’étendre, empiétant sur les forêts naturelles d’Amérique du Sud. Idem pour le chocolat fabriqué à base de cacao cultivé en Afrique de l’Ouest au détriment des forêts. Idem encore pour le diesel qui contient de l’huile de palme, dont les plantations se substituent aux forêts tropicales du Sud-Est…
Près de 7,6 millions d’hectares de forêts ont disparu chaque année entre 2010 et 2015. Et avec eux, des services écosystémiques essentiels. Car la forêt nous approvisionne en eau, en nourriture, en médicaments. L’exploitation de ses ressources naturelles procure des revenus à de nombreuses personnes. Mais elle remplit aussi des fonctions écologiques indispensables d’épuration de l’air, de l’eau et des sols, de stockage de carbone, de rempart face à l’érosion etc.
Consommons moins et mieux
5,1 millions d’hectares : c’est la surface potentiellement déforestée pour produire ce que la France importe chaque année.
Comment réduire notre empreinte sur les forêts du monde ? En privilégiant les modes de production qui ne génèrent pas de déforestation. En bref, consommons moins et mieux !
Et pour commencer, concentrons nos efforts sur les matières premières les plus « fautives », celles dont la production est généralement associée à la déforestation. En tête, le soja, l’huile de palme, le cacao et le caoutchouc naturel.
Soja
-
La viande, les œufs et les produits laitiers sont dérivés d'animaux qui ont été nourris au soja. Une matière première cultivée au détriment des forêts d'Amérique du Sud.
-
La France importe 4,8 millions de tonnes de soja par an.
A notre échelle, nous pouvons :
-
Diversifier notre alimentation en protéines, en consommant et en apprenant à cuisiner des protéines végétales ;
-
Réduire notre consommation de produits issus des animaux (viande, oeufs, produits laitiers)
-
Choisir des produits certifiés.
Huile de palme
-
Le diesel que nous mettons dans nos véhicules contient une part d’huile de palme dont la culture se fait au détriment des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est.
-
La France importe 970 000 tonnes d'huile de palme par an.
A notre échelle, nous pouvons :
-
Réduire notre consommation de produits transformés contenant potentiellement de l’huile de palme ;
-
Eviter le choix du diesel, qui pollue et roule partiellement à l’huile de palme ;
-
Privilégier des produits à base d’huile de palme certifiée RSPO.
Cacao
-
Les tablettes de chocolat que nous avons plaisir à consommer au goûter contiennent du cacao qui a détruit des forêts en Afrique de l’Ouest.
-
La France importe 460 000 tonnes de cacao par an.
A notre échelle nous pouvons :
-
Consommer moins de produits chocolatés transformés, qui contiennent généralement du chocolat de moins bonne qualité ;
-
Privilégier du chocolat certifié d’un point de vue environnemental et social (labelisé Rainforest Alliance, UTZ, Fairtrade ou Agriculture biologique).
Caoutchouc naturel
-
Le caoutchouc naturel présent dans les pneus de nos voitures est lui aussi issu de la déforestation en Indonésie et Malaisie.
-
La France importe 410 000 tonnes de caoutchouc par an.
A notre échelle, nous pouvons :
Encourager les constructeurs automobiles à être plus transparent sur leur chaîne d'approvisionnement
Pâte à papier
-
La pâte à papier que nous utilisons au quotidien (papier hygiénique, papeterie, etc.) a souvent été cultivée au Brésil sur des terres confisquées aux populations autochtones.
-
La France importe 8,2 millions de tonnes de pâte à papier par an.
A notre échelle, nous pouvons :
-
Privilégier l'achat de produits papetiers (papier toilette ou papeterie) en papier recyclé ou certifiés FSC, qui permet de soutenir la gestion responsable des forêts ;
-
Éviter d'imprimer si c'est inutile ;
-
Trier le papier pour qu'il soit recyclé.
Bœuf et cuir
-
Pour produire le cuir de nos chaussures dérivé de bovins, de nombreuses forêts brésiliennes ont été converties en pâturages.
-
La France importe 360 000 tonnes de bœuf et cuir par an.
A notre échelle, nous pouvons :
-
Manger moins de bœuf et privilégier une viande élevée en France ou en Europe et certifiée Agriculture biologique ;
-
Limiter nos achats de paires de chaussures en cuir et privilégier celles dont le cuir n'a pas contribué à la déforestation ou en cuir certifié Agriculture biologique ;
-
Réduire nos achats de vêtements et chaussures, notamment en cuir ;
-
Participer à l’économie circulaire : choisissons des articles de seconde main !
Bois
-
Les terrasses ou clôtures en bois dont nous nous servons pour aménager nos logements peuvent contribuer à détruire les forêts boréales de Russie.
-
La France importe 7,3 millions de tonnes de bois par an.
A notre échelle, nous pouvons :
-
Recycler les objets bois et meubles en fin de vie ;
-
Réduire l’utilisation de produits à usage unique et difficilement recyclables ou réutilisables en bois (tel les cures-dents ou les baguettes en bois) ;
-
Acheter des produits bois recyclés ou certifiés FSC.
La déforestation est également l’une des principales causes de disparition des espèces, en détruisant et en fragmentant les espaces qui abritent la biodiversité, notamment en Amérique du Sud, où nous avons perdu 89% des populations de vertébrés sauvages depuis 1970, comme l’a récemment révélé le Rapport Planète Vivante 2018 du WWF.
Alors que la France est signataire de plusieurs déclarations internationales visant à mettre fin à la déforestation des chaînes d’approvisionnement agricoles et forestières, il est indispensable que le gouvernement et l’ensemble des acteurs français agissent concrètement pour réduire l’empreinte déforestation importée de la France.
L'adoption de la SNDI
Si le WWF France salue la volonté du gouvernement d’adopter une Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée (SNDI), qui devrait être rendue publique prochainement, il appelle notamment :
-
Les pouvoirs publics à :
-
Décliner de façon opérationnelle cette stratégie en définissant un plan d’actions avec des objectifs quantifiables et vérifiables et des moyens financiers;
-
Supprimer dans le projet de loi de finances 2019 l’avantage fiscal dont bénéficient les agrocarburants ayant un fort impact sur l’environnement;
-
Mettre en œuvre l’action 57 du plan biodiversité visant à une politique “zéro déforestation dans les marchés publics” en 2022;
-
Soutenir la création d’un label “zéro déforestation”.
-
-
Les entreprises à :
-
Prendre et tenir des engagements d’approvisionnement “zéro déforestation” sur l’ensemble de leur chaîne de valeur ;
-
Agir en urgence puisqu’une grande partie des grandes entreprises a déjà pris des engagements zéro déforestation à l’horizon de la fin 2020 pour lesquels il reste à peine 500 jours.
-
-
Les investisseurs publics et privés à :
-
Investir dans la réhabilitation de terres dégradées pour l’agriculture ou la foresterie;
-
Se doter de politiques d’investissements qui excluent la déforestation et à mesurer leur exposition au risque déforestation.
-
Les consommateurs, à consommer autrement (moins de viande par ex.) et à privilégier les produits certifiés (Bio, FSC, etc.).
commenter cet article …