EDF a constaté des défauts de soudure sur la tuyauterie de l’EPR de Flamanville (Manche). Le réacteur de troisième génération accumule les retards. D’après Jean-Michel Bezat le 10 avril 2018 pour Le Monde. Lire aussi Greenpeace veut débrancher l’EPR, Le talon d’Achille du nucléaire français, Anomalies en série dans les centrales nucléaires et Pour l'arrêt des nucléaires civils et militaires ... avant qu'il ne soit trop tard.
Electricité de France (EDF) a annoncé, mardi 10 avril, que des « écarts de qualité dans la réalisation des soudures » par rapport à son cahier des charges avaient été détectés sur l’EPR de Flamanville (Manche) et que des contrôles étaient en cours. Le groupe a déclaré cet événement « significatif » à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et ajoute que ces défauts pourraient l’obliger à reporter une fois de plus le démarrage du réacteur de troisième génération conçu par Framatome (ex-Areva NP) et l’allemand Siemens.
Jusqu’à présent, EDF avait programmé le chargement du combustible (pastilles d’uranium enrichi) à la fin du quatrième trimestre 2018 pour une mise en service commerciale dans le courant de 2019. La construction du deuxième EPR lancé dans le monde – après celui d’Olkiluoto en Finlande – a débuté en 2007 et son lancement était initialement prévu en 2012.
Le dérapage du calendrier, pour des problèmes de béton et de ferraillage – et surtout d’anomalies dans la composition de l’acier du couvercle et du fond de la cuve – a entraîné une dérive financière du projet : de 3,5 milliards d’euros au début, la facture a grimpé à 10,5 milliards (hors intérêts intercalaires). EDF n’exclut pas que ce nouveau retard entraîne un nouvel alourdissement de la facture.
C’est un très mauvais signal au moment où le groupe dirigé par Jean-Bernard Lévy finalise une négociation avec l’Inde pour la vente de six EPR. Dans les premiers échanges à la Bourse de Paris, le titre EDF perdait environ 1,6 %.
Contrôles additionnels de 150 soudures
Ces « écarts de qualité » portent sur les soudures sur les tuyauteries du circuit secondaire principal, qui conduit la vapeur des générateurs à la turbine. Elles avaient pourtant été contrôlées par le groupement des entreprises chargées de la fabrication du circuit, qui « les avaient déclarées conformes au fur et à mesure de leur réalisation », indique EDF. Quelque 150 soudures vont subir des contrôles additionnels avant les actions correctives qu’il proposera à l’ASN. Un travail qui doit s’achever « d’ici fin mai ».
« Sur certaines soudures, nous ne sommes pas conformes à l’attendu standard, y compris vis-à-vis du code de construction nucléaire, et donc cela veut dire que ces soudures devraient être reprises pour être remises à niveau », a précisé Laurent Thieffry, le directeur du projet EPR de Flamanville. Chaque contrôle par ultrason nécessite un binôme d’opérateurs et prend en moyenne un ou deux jours par soudure, a-t-il ajouté.
EDF avait déjà annoncé, le 22 février, des écarts de qualité. Mais il avait alors précisé que « ces tuyauteries sont bien conformes à la réglementation des équipements sous pression nucléaire. » Toutefois, les soudures auraient dû correspondre au standard « haute qualité », plus exigeant que la réglementation en vigueur, avait expliqué au Monde une porte-parole du groupe. Concrètement, EDF avait défini pour la construction de l’EPR cette nouvelle norme de qualité, et n’a pas été en mesure de la faire respecter par ses sous-traitants.
« Cet événement ne remet pas en cause le planning du projet », assurait-on alors chez EDF. Le groupe avait eu tendance à minimiser l’événement. Son analyse n’était pas partagée par l’ASN. Son président, Pierre-Franck Chevet, avait estimé, devant les députés de la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité nucléaire, que le sujet était « sérieux ».
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