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12 août 2016 5 12 /08 /août /2016 10:04

Nous vous en parlions en avril 2013 dans  Le grand orchestre de la nature est peu à peu réduit au silence. Depuis cinquante ans, le musicien et bioacousticien américain répertorie les bruits du monde animal menacé d’extinction par l’homme. Des artistes internationaux illustrent ses archives sonores à la Fondation Cartier.

Par OLIVIER LAMM pour Libération sur http://next.liberation.fr/musique/2016/08/01/bernie-krause-harmonies-vivantes_1469754

Bernie Krause au Sugarloaf Ridge State Park de Kenwood, Californie, en 2015. Photo Ramin Rahimian

Le monde naturel disparaît à grands feux, juste sous nos oreilles. Lentement, sûre- ment, il s’évapore aussi sous nos yeux, mais à un rythme qui sert malheureusement trop bien à notre oubli et notre aveuglement. Alors depuis bientôt cinq décennies, le bioacousticien américain Bernie Krause en parcourt les derniers sanctuaires pour l’enregistrer, le comprendre, et nous apprendre à l’écouter. Des marais sauvages du Costa Rica aux profondeurs de l’océan Pacifique, des prairies californiennes à l’Amazonie, il traque les signatures sonores des larves, des grands singes, des anémones. Attrapé au cœur d’une catastrophe dont il ne mesurait pas l’ampleur quand il a posé pour la première fois un micro dans un champ, à la fin des années 60 (la sixième extinction de masse des espèces anima- les), ce guitariste passé par les studios de la Motown et le départe- ment de musique électronique du Mills College a troqué sa casquette de musicien contre une blouse de scientifique militant.

PLAGE DE FRÉQUENCES

Au fur et à mesure des voyages et des années, il est devenu l’un des premiers témoins de l’impact de l’homme sur son environnement, souvent notable à l’oreille bien avant d’être visible à l’œil, et développé une discipline unique en son genre, l’écologie des paysages sonores. A la suite des travaux pionniers du Canadien R. Murray Shafer, Krause a ordonné le monde en trois catégories complémentaires : la géophonie, qui rassemble tous les sons non organiques comme l’eau, le vent, les activités volcaniques, etc. ; la biophonie, qui comprend tous les sons produits par un organisme donné dans un lieu donné ; et l’anthrophonie, qui réunit toute la musique des hommes, qu’elle soit volontaire (musique, théâtre) ou involontaire, chaotique, incohérente. Enfin il a établi le principe de niche, qui envisage que chaque organisme s’exprime sur une plage de fréquences très précise qui lui permet d’interagir en toute «harmonie» avec les autres, et que celle-ci est amenée à changer si le paysage sonore dans lequel cet organisme vit est modifié. Ainsi, chaque environnement sonore naturel est comme un orchestre dont les pupitres seraient précisément distribués et redistribués au fur et à mesure de l’évolution. Mais pour reconnaître cette étonnante musicalité du vivant, il convient d’apprendre à l’écouter – ce que les civilisations humaines de ce début de XXIe siècle semblent peu disposées à faire.

Sur la terrasse de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, qui organise depuis le 2 juillet la première grande exposition consacrée à son œuvre et à sa cause, Krause, mid-westernien au regard doux de 78 ans, tente de nous expliquer pourquoi nous avons tant tardé à ouvrir nos oreilles au grand orchestre du vivant. «La seule raison pour laquelle nous ne reconnaissons pas la musicalité du monde biologique, c’est que nous n’avons pas de mot pour la désigner. Parce que nous baignons dans une culture de l’image, même nos gardes forestiers semblent incapables de témoigner des merveilleux mondes sonores dans lesquels ils ont le privilège de travailler.» Appréhender la partie sonore d’un lieu comme un paysage sonore ne nécessite pourtant aucun apprentissage pénible. Souvent, une simple initiation suffit. «Je travaille souvent avec des enfants. Il suffit de leur mettre un enregistreur entre les mains et un casque sur les oreilles et de les lâcher dans un jardin pour qu’ils se mettent à utiliser le micro comme une paire de jumelles.»

BALADE EN FORÊT

Sa propre illumination, Bernie Krause l’a eue par accident. Originaire de la cité industrielle de Detroit, élevé dans une grande famille sans animaux, son rapport initial à la nature était peu ou prou le même que celui des Pères pèlerins : éloigné, aliéné, effrayé. La première fois qu’il est entré dans une forêt pour l’enregistrer, il était mort de peur, sans pouvoir l’expliquer. Ce n’est que des années plus tard qu’il a découvert qu’il était le produit d’une culture terrorisée par son environnement, alors que pendant des millénaires, l’espèce humaine avait participé en toute harmonie au grand concert du vivant. «Je n’utilise jamais le mot “nature” dans mon travail. Sa racine étymologique est très dérangeante : elle remonte au IVe siècle, quand Constantin le Grand a demandé à ses clercs de dé- finir tout ce qui était sauvage, dangereux, inexplicable, incontrôlable. Alors, ils ont inventé un mot avec un suffixe féminin, natura, dont la définition était en désaccord avec Dieu. Voilà. Rien n’a changé depuis. Nous ne cessons de vouloir contrôler cette merveille qui nous a fait naître, de penser que nous pouvons l’améliorer. Pire, nous pensons que nous en sommes séparés.”

Avant de lancer en 1968 Wild Sanctuary, sa fondation de sauvegarde des paysages sonores naturels, Bernie Krause était réputé dans le monde de la pop comme l’un des manipulateurs les plus agiles du synthétiseur Moog, dont il ne jouait pas seulement sur les disques du duo Beaver Krause, avec son confrère Paul Beaver, mais sur ceux des Monkees, des Doors, des Byrds ou de George Harrison. C’est une balade en forêt et, étrangement, la perspective de pouvoir travailler seul, qui a tout changé. «J’ai une mauvaise vue de naissance, alors j’ai toujours été très intéressé par le monde du son. Je me suis toujours informé par lui. La possibilité de le capter et de le reproduire me semblait être un miracle. A la fin des années 60, j’ai commencé à produire des albums de musique électronique avec Paul Beaver dont In a Wild Sanctuary, l’un des tout premiers albums consacrés au thème de l’écologie. Il semblait logique de sortir du studio pour aller y enregistrer la nature. Ce fut une révélation au moins dix fois plus puissante que celle que j’avais connue en commençant à travailler dans un studio. Je dois aussi avouer que j’ai saisi la chance de travailler dans la nature pour une raison très égoïste : je m’y sentais bien mieux qu’avec les divas d’Hollywood. Mais très rapidement, je me suis surtout rendu compte que ces enregistrements pouvaient aider à prendre conscience de phénomènes dont on parlait alors très peu, même dans la communauté scientifique : la destruction des habitats naturels et les effets des entreprises humaines sur l’environnement à toutes les échelles, même celles invisibles à l’œil humain.»

«DISPARITION MASSIVE»

En cinquante ans, Bernie Krause a réalisé plus de 5 000 heures d’enregistrements d’habitats naturels abritant plus de 15 000 espèces. Au fur et à mesure qu’il est retourné sur les lieux de ses enregistrements du passé, il a constaté la vitesse ahuris- sante avec laquelle notre environnement sonore s’est appauvri : là où il fallait dix heures d’enregistrement pour isoler une heure de grande valeur sonore il y a quarante ans, il en faut aujourd’hui mille. «La grande majorité de mes archives provient de lieux qui n’existent plus dans l’état dans lequel j’ai capturé leur paysage sonore. Assis- ter de manière si précise à une disparition si massive et si rapide est très douloureux. Je ne suis pas non plus rassuré par le constat que mon travail n’intéresse toujours personne cinquante après que je l’ai commencé. C’est pourtant la voix du monde naturel. On enseigne la préservation de l’environnement dans toutes les grandes universités américaines, à Harvard, à Yale, à Stanford, mais aucune ne s’intéresse au son. C’est comme si on préparait une gigantesque banque de données de films muets. C’est si frustrant.»

 C’est à la fois pour rendre hommage à son œuvre d’archiviste et pour amplifier ses appels incessants à préserver ce qui demeure de notre environnement dévasté que la Fondation Cartier a invité Raymond Depardon, Ryuichi Sakamoto (lire ci-dessous) ou encore Adriana Varejão à mettre en images quelques-uns des trésors sonores de Krause. Le studio web Upian a également conçu avec Krause lui- même et la chanteuse Camille un site internet (1), qui s’offre à la fois comme un prolongement de l’exposition et une initiation idéale aux miracles de l’harmonie acoustique du règne animal. Qui sait, peut-être peut-il encore être sauvé ? • 

(1) Legrandorchestredesanimaux.com

LE GRAND ORCHESTRE DES ANIMAUX

Fondation Cartier, 261, bd Raspail, 75014. Jusqu’au 8 janvier 2017. Rens. : fondation.cartier.com

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commentaires

V
Merci pour nous faire connaître cet artiste et cette expo... et puis aussi pour le lien au site web magnifique
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