Le réchauffement climatique ne concerne pas que les icebergs et les îles sous les tropiques. Hier, des experts ont évalué les conséquences d'une montée des eaux en France. Inquiétant.
par Frédéric Mouchon pour Le Parisien, 26 Mars 2015, cf. http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/la-hausse-du-niveau-de-la-mer-va-vraiment-nous-couter-cher-26-03-2015-4637433.php
C’EST UN DES EFFETS les plus directs du réchauffement climatique. Sous l’effet conjugué de l’accroissement des températures de l’océan et de la fonte des glaciers, le niveau de la mer a augmenté dans le monde de 18,7 cm entre 1901 et 2011. À l’échelle du globe, cette hausse d’à peine 20 cm paraît sans conséquence. Sauf pour les experts réunis hier au ministère de l’Écologie. Dans un rapport remis à Ségolène Royal, ces climatologues, géologues et autres spécialistes du monde marin estiment que le « rythme s’est accéléré » depuis une vingtaine d’années, que « la hausse va se poursuivre » et que le littoral français la subira de plein fouet. Le scénario le plus pessimiste table sur une élévation de 45 cm à 82 cm du niveau de la mer d’ici la fin du siècle.
Des milliards pour déménager les habitants.
Le long des 470 km de côtes de la seule région Basse-Normandie, 11 000 habitations et 2 000 km de routes sont aujourd’hui situés sous le niveau de la mer. « Si l’on devait opérer un repli stratégique en délocalisant les campings, villas, bâtiments concernés, cela coûterait une quinzaine de milliards, estime Muriel Jozeau-Marigné, conseillère régionale chargée du littoral. Mais la région n’échappera pas à cette montée des eaux et il faut donc anticiper pour ne pas subir et nous adapter. » Ce qui implique, selon l’élue, de « réfléchir à faire des prés-salés là où l’on faisait pousser auparavant des poireaux » et « de ne plus construire aucun projet nouveau en bordure du littoral ».
Des risques de submersion accrus.
« Quelques dizaines de centimètres de hausse peuvent avoir des effets majeurs sur le littoral en termes de submersion marine pendant les tempêtes, explique Gonéri Le Cozannet, du Bureau de recher- ches géologiques et minières (BRGM). Nous nous attendons à ce que ces phénomènes de submersion soient plus intenses et plus fréquents. »
L’érosion côtière va s’accentuer.
40 % des plages françaises subissent déjà aujourd’hui des phénomènes d’érosion. « L’élévation du niveau de la mer favorisera un recul du trait de côte qui sera très important si la hausse dépasse un mètre », estime le BRGM. Les climatologues notent que « le recul de la côte sableuse d’Aquitaine s’effectue à un rythme de 1 à 3 m/an en moyenne, mais a atteint 20 m sur de nombreux sites après la succession de tempêtes de l’hiver 2013-2014 ». Quant au recul des falaises crayeuses de SeineMaritime, il est de l’ordre de 20 cm/ an, mais « des effondrements peuvent faire reculer le haut des abrupts de plus de 10 à 15 m en quelques secondes ».
De l’eau salée à l’intérieur des terres.
Une mer plus haute « pourrait accentuer l’extension des intrusions salines dans les eaux souterraines côtières », estiment les scientifiques, rappelant que « les aquifères (NDLR : formations géologiques) littoraux constituent des ressources en eau souterraine importantes pour les activités humaines » (eau potable, usages agricoles, industriels…). Or, « l’impact d’une invasion d’eau salée dans un aquifère littoral peut se révéler souvent irréversible ».
La nécessité de rehausser les digues.
Le BRGM estime qu’il faut anticiper le « redimensionnement des digues » de protection installées le long du littoral. Pas moins de 180 km de digues portuaires ont été répertoriées. « Pour une hausse d’un mètre du niveau marin », le rapport estime qu’il faudra rehausser les digues de deux à trois mètres environ.
Et pour plus de précisions, en particulier sur les constructions futures ...
Changement climatique : quand la mer monte
publié le jeudi 26 mars 2015 sur http://www.localtis.info/cs/ContentServer?pagename=Localtis/LOCActu/ArticleActualite&cid=1250268673697&jid=1250268674194
Depuis deux décennies, le rythme d'élévation du niveau marin s'est accéléré, confirme un rapport présenté ce 25 mars à Ségolène Royal par un groupe d'experts coordonné par le climatologue Jean Jouzel. Les côtes françaises n'échappent pas à ce phénomène planétaire aux impacts multiples : risque d'aggravation des submersions marines, recul du trait de côte du fait de l'érosion, intrusions salines dans les aquifères côtiers. En matière d'urbanisme comme de conception et d'adaptation des ouvrages côtiers et portuaires, des adaptations sont d'ores et déjà nécessaires.
L'élévation du niveau de la mer le long des côtes de l'Hexagone, causée par le réchauffement climatique, a été plus rapide depuis une vingtaine d'années, selon un rapport scientifique remis à la ministre de l'Écologie ce 25 mars. Coordonné par le climatologue Jean Jouzel, le rapport intitulé "Changement climatique et niveau de la mer : de la planète aux côtes françaises" "prend en compte les derniers résultats du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et les dernières études d'impact", ont expliqué ses auteurs. Il vise à faire un point des connaissances sur l'évolution passée et future du niveau de la mer et sur les principaux impacts physiques de la montée du niveau marin. Mais il ne traite pas la question des impacts socio-économiques ni celle de la gestion des risques associés.
Au cours des 2-3 derniers millénaires, le niveau marin s'est élevé au rythme moyen de 0,5 mm/an, rappelle-t-il. Mais depuis le siècle dernier, le rythme ne cesse de s'accélérer. En moyenne, sur la planète, "ces deux dernières décennies, la mer est montée plus vite que pendant le reste du XXe siècle : on est passé de 1,7 mm/an à 3,2 mm/an", a souligné l'une des auteurs du rapport, la scientifique Anny Cazenave, spécialiste des océans. "La mer ne monte pas de manière uniforme sur le globe" mais "les côtes de l'Hexagone se situent dans la moyenne mondiale", a-t-elle précisé. Le Pacifique ouest par exemple a enregistré une hausse beaucoup plus forte que la moyenne mondiale. "A l'échelle du globe, le niveau de la mer moyen a gagné un peu moins de 20 centimètres" au XXe siècle, a rappelé Anny Cazenave "mais la hausse a été de 7 centimètres ces 20 dernières années". En Polynésie, la mer est montée de 21 centimètres en seulement cinquante ans (1950-2010) et de 12 cm en Nouvelle-Calédonie sur la même période.
Pour les décennies à venir "la hausse va se poursuivre", ont rappelé les scientifiques en citant les prévisions du GIEC entre les périodes 1986-2005 et 2081-2100 : 26 à 55 centimètres en moyenne dans le scénario le plus optimiste, mais très peu probable, et entre 45 et 82 cm dans le scénario le plus pessimiste, si rien de plus n'est fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Mais "même si on stoppe les émissions de gaz à effet de serre aujourd'hui, du fait de leur durée de vie dans l'atmosphère, l'effet de serre va perdurer", expliquent les experts.
La hausse sera plus marquée en Arctique, dans les tropiques et sur la côte Est des États-Unis, a précisé Anny Cazenave. "Pour l'Europe occidentale, on peut s'attendre à une hausse de l'ordre de la moyenne globale, mais un peu plus marquée en mer du Nord", a ajouté la scientifique. Reprenant les prévisions du GIEC, la chercheuse prévient : pour la France, "cela veut dire au mieux 40 centimètres de plus en 2100 par rapport à aujourd'hui et environ 75 cm dans le scénario où rien de plus n'est fait" pour limiter l'effet de serre.
Au-delà du XXIe siècle, les effets de la dilatation thermique de l'océan et de la fonte des calottes polaires sur la hausse du niveau de la mer se poursuivront, estiment les scientifiques. La montée du niveau marin présentera d'importantes disparités régionales, encore difficiles à évaluer selon eux, car elles dépendent de l'évolution locale de plusieurs paramètres : température de l'océan, salinité, courants marins, pression de surface, etc.
Concernant les impacts physiques prévisibles, "une aggravation des submersions marines est attendue en raison de l'augmentation du niveau de la mer, et cela indépendamment de l'évolution des tempêtes", a expliqué le 25 mars Gonéri Le Cozannet, expert au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). "Les submersions seront plus intenses et plus fréquentes", a prévenu le géographe.
En matière d'érosion, "une part significative des côtes, notamment des plages sableuses, est en recul dans le monde", notent encore les auteurs du rapport. Mais s'ils sont "potentiellement importants", les effets de l'élévation du niveau de la mer sur le trait de côte sont aujourd'hui difficiles à quantifier, soulignent les scientifiques. L'augmentation du niveau marin pourrait également accentuer l'extension des intrusions salines dans les eaux souterraines côtières. Mais de nombreuses incertitudes demeurent en la matière, du fait de la complexité des processus en jeu et de la spécificité locale de ces nappes littorales, préviennent toutefois les scientifiques.
Les risques liés à l'élévation du niveau de la mer doivent en tout cas être d'ores et déjà pris en compte par les décideurs, en matière d'urbanisme comme de conception et d'adaptation des ouvrages côtiers et portuaires. "Pour un niveau marin relevé d'un mètre, il faut rehausser de 1,5 à 2 mètres des ouvrages comme les digues", a précisé par exemple Gonéri Le Cozannet. La Basse-Normandie, avec ses 470 km de côtes, est pleinement concernée par la montée des eaux, en plus d'être confrontée à une érosion naturelle de son littoral et en particulier de ses falaises. "Pendant des années, le conseil régional a financé des ouvrages de protection qui coûtent très cher", raconte Muriel Jozeau-Marigné, conseillère régionale chargée de la politique du littoral. "Depuis 2007, nous avons basculé dans une autre logique: le littoral est considéré comme un milieu dynamique, le trait de côte (limite terre-mer) est mouvant et il y a des zones où il faut laisser faire la mer", dit-elle. Cela peut vouloir dire abandonner à terme des habitations, des bâtiments, des campings, etc. Quant aux futurs aménagements, "la solution, c'est ne rien faire en bord de littoral". Des options difficiles tant pour les élus que pour les citoyens. "Ce n'est pas toujours évident", confie la conseillère régionale mais, assure-t-elle, face à la prise de conscience du risque, "les mentalités changent". Anne Lenormand avec AFP